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Défanage de la pomme de terre : quelles alternatives à la chimie ?

La technique de défanage la plus fréquente et la moins coûteuse reste l’utilisation de la chimie même si l’offre en défanants se raréfie. Des combinaisons avec des actions mécaniques sont concevables.

Le broyage des fanes de pomme de terre nécessite parfois d'être complété par un dessicant chimique pour assurer un bon défanage. © V. Marmuse
Le broyage des fanes de pomme de terre nécessite parfois d'être complété par un dessicant chimique pour assurer un bon défanage.
© V. Marmuse

« Si les agriculteurs pouvaient s’affranchir du défanage des pommes de terre, ce serait plus rentable », atteste Michel Martin, spécialiste pommes de terre chez Arvalis. Seulement voilà, pour stabiliser la croissance des tubercules et garantir leur conservation, cette opération est indispensable. Selon ses propos, « les solutions alternatives existent mais ne sont pas sans contrainte et peuvent être onéreuses. Parfois refoulé par les agriculteurs pour des questions sanitaires, le broyage est pourtant une solution simple à mettre en pratique. Un complément chimique, sitôt le broyage ou de façon décalée, s’envisage facilement. L’arrachage des fanes, le défanage électrique ou thermique sont aussi des options efficaces mais qui restent moins accessibles ».

Les conseillers sont unanimes. Avec un coût d’environ 45 euros par hectare, la pratique actuelle la plus courante et la plus rentable demeure la chimie. « C’est une solution de simplicité qui ne nécessite aucun équipement supplémentaire sur l’exploitation. Son débit de chantier n’a pas encore trouvé d’égal avec les techniques alternatives. Même si deux produits viennent d’être interdits, plusieurs spécialités avec de meilleurs profils toxicologiques (Spotlight Plus, Sorcier…) sont disponibles sur le marché », convient Michel Martin.

Le broyage, solution mécanique assez répandue

Ici et là, la chimie est remplacée par des actions mécaniques, ce qui demande une réorganisation du travail en raison d’un faible débit de chantier. « Depuis plus de dix ans, l’utilisation d’un broyeur sur les fanes des pommes de terre précède l’action du défanage chimique et à moindre coût. Il évite un à deux passages de défanant, réduisant l’IFT herbicide, témoigne Émilie Alavoine, conseillère pommes de terre à la chambre d’agriculture de la Somme. Dans les essais, les meilleures modalités sont obtenues par la combinaison d’action mécanique et chimique, un broyage seul n’étant pas toujours suffisant. L’action du dessicant est plus efficace après un broyage. Néanmoins, l’efficacité de cet outil est dépendante des conditions climatiques et de la couverture foliaire de la variété. » Michel Martin rappelle également que « les reprises de végétation sont à éviter car elles favorisent l’augmentation de la matière sèche du tubercule et le risque de développement du mildiou. Ces aspects influent sur la qualité ».

Retravaillé il y a plus de 20 ans, le défanage thermique est à l’heure actuelle moins utilisé en France excepté pour les producteurs de plants bio dont la valeur ajoutée est plus importante. « C’est une façon de détruire les fanes sans blesser les tubercules. La chaleur fait éclater les cellules des feuilles et des tiges sans action mécanique sur la plante. L’effet est très rapide, rendant insignifiant le risque de transmission de maladies, souligne Michel Martin. Cette prestation reste onéreuse. C’est une alternative haut de gamme qu’il faut rentabiliser. »

Le défanage thermique s’effectue soit sur quatre rangs soit sur un ou deux billons, à une vitesse comprise entre 2 et 4 km/h. Le débit de chantier, assez lent, est un frein à son utilisation pour les productions en agriculture conventionnelle. La logistique et le coût du remplissage des réservoirs à gaz, à fioul ou à huile de colza constituent aussi des facteurs limitants.

Défanage électrique en test : efficace mais coûteux

Plus récemment, des expérimentations ont porté sur la technique innovante du défanage électrique. Proposé par la société Zasso, le Xpower a été testé par Arvalis et les chambres d’agriculture. « En 2019, les résultats ont été très satisfaisants, confie Michel Martin. Efficace et simple à mettre en œuvre, cette méthode est utilisable en pleine végétation ou après un broyage. Sur des variétés qui se défanent difficilement ou avec une végétation dense, le recours à deux passages électriques à huit jours d’intervalle peut se justifier en l’absence de broyage. » Pour Jean-Paul Daouze, conseiller pommes de terre à la chambre d‘agriculture de la Marne, « cette technique est encore prématurée. Son efficacité dépend de l’intensité et de la puissance du courant. Elle est aussi très dépendante de l’humidité du sol et de la végétation ».

Les essais montrent que la technologie fonctionne sans produire d’effets indirects. L’électrocution des plantes ne provoque pas de décoloration vasculaire du tubercule et ne nuit donc pas à la qualité de la production. « L’offre reste encore à travailler. Cette méthode réduit les IFT mais n’apporte pas pour autant des gains économiques sur les exploitations. Son coût élevé, proche de 150 euros/ha, et sa largeur de travail de trois mètres sont ses inconvénients majeurs. Élargir l’utilisation de cette technologie à d’autres cultures rendrait l’équipement plus polyvalent et permettrait d’en réduire son coût », souligne Émilie Alavoine.

Un équipement pour arracher les fanes

Inspiré des techniques hollandaises, l’arrachage des fanes se pratique également sur le territoire français mais de façon plus anecdotique. « Le principe du nouveau matériel de l’entreprise Rema consiste à extirper les fanes pour les désolidariser des tubercules. Selon l’importance de la végétation, il peut être nécessaire de recourir à un broyage préalable pour que l’équipement fonctionne correctement, précise Michel Martin. Il représente toujours un surcoût par rapport au chimique. C’est une alternative pointue et performante du fait des améliorations hydrauliques apportées par le constructeur. »

Plusieurs combinaisons au défanage paraissent plausibles et encourageantes. Michel Martin en est convaincu : « nous ne sommes pas démunis face à la gestion du défanage puisque des solutions existent. J’ai bon espoir de les voir évoluer rapidement et d’être plus accessibles ».

Beloukha, cher produit de biocontrôle

Depuis 2015, la filière peut utiliser Beloukha, produit de biocontrôle à base d’acide pélargonique. « Ce produit agit par contact strict, indique Jean-Paul Daouze, chambre d’agriculture de la Marne. Il faut apprendre à s’en servir ! Son emploi présente l’avantage de bien détacher les tiges des tubercules. Il ne peut s’utiliser seul. Il a besoin d’un partenaire chimique voire mécanique pour que son efficacité soit satisfaisante. Appliquée à 16 l/ha, son utilisation revient à 200 euros/ha environ, ce qui représente un coût trop élevé. »

Broyer et traiter en localisé pour défaner en un seul passage

Le Geda de Coole et Soude situé dans la Marne, travaille sur des alternatives au défanage chimique des pommes de terre. Depuis trois récoltes, certains adhérents se sont lancés dans le broyage suivi d’un traitement chimique en localisé, le tout en un seul passage. « Cette technique présente surtout un intérêt dans la réduction des produits phytosanitaires. Nous appliquons le défanant à la moitié voire au tiers de la dose homologuée. Dans ce cas, la pulvérisation complète l’opération de broyage qui élimine 75 % de la végétation », explique Jean-Paul Daouze, conseiller du Geda. Un broyeur de 3,60 m de large attelé à l’avant du tracteur, suivi à l’arrière d’une rampe localisée de quatre buses et le tour est joué. « L’équipement est doté d’une cuve de 1 000 litres qui nous procure suffisamment d’autonomie pour défaner 10 hectares. À raison d’une vitesse d’avancement proche de 8 km/h, cela représente environ 2 hectares par heure », précise Jean-Paul Daouze. Cette technique ne rajoute pas de contraintes au chantier et permet même de gagner du temps. Il suffit juste d’anticiper la date d’arrachage des variétés destinées au frais ou à l’industrie pour caler l’intervention afin que les fanes soient suffisamment sèches et que les stolons se décrochent plus facilement des tubercules avant la récolte.

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