Luzerne déshydratée : il n’y a pas que la nutrition animale !
Les usines de luzerne déshydratée champenoises apportent, depuis 1993, pour l’aide humanitaire un volume de 320 tonnes d’extraits foliaires. Elles s’inscrivent dans une tradition humanitaire très ancrée dans le monde agricole. Ces produits, très riches en protéines (dont les acides aminés sont complémentaires de ceux des céréales), en vitamines, oligoéléments et minéraux ont en fait été développés dans les années 70 pour l’alimentation animale. Mais leur profil les rend très intéressantes comme apports complémentaires pour lutter contre la malnutrition (deux milliards de personnes dans le monde).
L’Apef (Association pour la promotion des extraits foliaires en nutrition), présidée par Jacques Subtil (ancien dirigeant de France Luzerne) distribue ces extraits foliaires à des organisations non gouvernementales telles que Enfants du Monde, Soynica au Nicaragua, Medicap à Madagascar… qui œuvrent dans une vingtaine de pays d’Amérique du Sud, d’Afrique et d’Asie. Avec une recommandation d’apports entre 5 et 10 grammes par jour pour un enfant et de 15 g/jour pour un adulte (notamment les femmes enceintes ou qui allaitent), ce volume a donc permis de compléter le régime de quelque 50 000 personnes pour un coût bien moindre, transport compris, qu’une complémentation lactée.
Régimes hyperprotéinés et barres pour sportifs
L’utilisation d’extraits foliaires de luzerne est pratiquée depuis des centaines d’années par les Indiens des hauts plateaux des Andes mais ce n’est que dans les années 40 qu’une technique d’extraction a été réellement mise au point en Europe et dans les années 70 que ce procédé d’industrialisation et de déshydratation a été mis en place en France. L’Afep s’est appuyée sur les travaux d’une association britannique (Leaf for Life) pour lancer son idée. L’expertise de terrain s’est donc construite avec les associations de terrain : lutte contre le Noma (gangrène du visage), augmentation de la production de lait des mères, lutte contre la cécité par manque de vitamine A...
Deux études scientifiques viennent confirmer ces observations avec le soutien du conseil régional de Champagne Ardennes. Supervisées par le Professeur Eric Bertin (CHU de Reims), en Inde et au Pérou, elles constituent des pièces essentielles du dossier scientifique nécessaire pour obtenir l’accord de commercialisation dans le cadre de la réglementation « novel food » et ouvrir ainsi les portes des plus grosses ONG telles que la FAO ou l’Ordre de Malte. Pour les industriels de la déshydratation, ce projet ouvre les portes de la nutrition humaine. « Nous envisageons également de purifier encore les extraits pour proposer des protéines végétales, intéressantes dans le cadre des régimes hyperprotéinés ou des barres pour sportifs. Nous conduisons les deux dossiers d’autorisation en même temps », détaille Manuel Balesdant (directeur général adjoint de Désialis).
La voie humanitaire d’urgence (distribution d’extraits produits en France) pourrait être complétée par des productions locales. Ces projets, complexes (production de luzerne, transformation, valorisation sur place des co-produits par des ruminants, transformation des produits des ruminants comme le lait), demandent des financements que les ONG tentent aujourd’hui de réunir.