Les écolos amis des éleveurs dans le Marais Poitevin
« Allez ! On avance !» s’époumonent en cœur Michel Rainteau et Julien Vogelin en guidant leurs bovins vers la verte prairie du marais communal de Chasnais, en Vendée. C’est sous un magnifique soleil enfin printanier que, jeudi 20 avril, les deux éleveurs ont perpétué une tradition presque millénaire en amenant en pâture 60 de leurs vaches allaitantes sur un marais communal à l’extrémité nord-ouest du marais poitevin. « Nous sommes spécialisés dans la production de naisseurs bovins charolais à quelques kilomètres d’ici. A la sortie de l’hiver nous mettons nos bêtes en pâture dans un des marais mouillés, recouvert l’hiver par les eaux», explique Michel Rainteau. « Nos bêtes vont recevoir une nourriture particulièrement saine jusqu’à l’automne : l’herbe des marais n’est pas fertilisée et nous ne leur donneront aucun complément alimentaire».
Les animaux n’échappent pas pour autant aux précautions sanitaires. « Avant de pénétrer dans le marais, chaque animal doit posséder ses boucles d’identification, être indemne de toute maladie contagieuse, ne posséder aucun signe de maladie et ne pas être porteur de lésion», commente le vétérinaire qui, ce jour-là, accompagne le duo d’éleveurs. Les jeunes animaux de moins de trente mois, ainsi que les animaux qui entrent pour la première fois dans le marais reçoivent un traitement contre les parasites « internes», précise-t-il. Enfin, les animaux emmenés sur le marais sont tous castrés afin d’éviter les disputes.
Une agriculture comme on l’aime à Bruxelles
Ce mode d’élevage, jadis utilisé pour les vaches laitières mais désormais utilisé plutôt pour le troupeau allaitant, séduit les écologistes. Deux des plus importantes associations en France, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et le WWF apportent chaque année un soutien financier auprès de trois communes pour l’organisation de l’ouverture des marais communaux. Par ailleurs, elles se sont associées avec le parc interrégional du marais Poitevin et les communes pour mettre en place un programme de sauvegarde, cofinancé par l’Europe, des marais communaux. Ce programme encourage explicitement «une agriculture multi-fonctionnelle et durable», comme on dit en langage bruxellois. « Les modes d’élevages pratiqués dans les marais sont adaptés aux capacités de cet environnement et préservent une flore et une faune diversifiées», s’enthousiasme Daisy Tarrier. La jeune chargée de communication du WWF-France a emmené la semaine dernière une vingtaine de journalistes à la découverte de ces «bons» éleveurs, amis des écolos. « Nos bêtes resteront dans le marais jusqu’au début de l’hiver, la date de retour dans notre exploitation dépendra de la quantité d’herbe restante, de manière à ne pas épuiser la végétation», assure Julien Vogelin.
Les grandes prairies jouent un rôle important pour l’équilibre hydraulique, elles limitent l’impact des crues ou des sécheresses et surtout elles alimentent les nappes d’eaux souterraines en purifiant l’eau grâce à leurs multiples strates. « Par leur pâturage, les bêtes évitent que ces terres ne se transforment en friches et que disparaissent les usages qui y sont liés», reconnaît Daisy Tarrier. Les écologistes rêvent d’un monde dans lequel tous les élevages ressembleraient à ceux-là. « Malheureusement, à la vente, la conduite sur le marais ne nous apporte aucune valorisation du prix de la viande» regrette Michel Rainteau. Une faiblesse qui pourrait être comblée par la création d’une marque apposée sur les produits issus du marais, comme l’ont fait d’autres parcs régionaux comme celui du Vercors. Afin de permettre à cette alliance élevage-écologie de se perpétuer.