Le règlement sur les AOP-IGP crée des turbulences
L’Europe n’aura pas tardé à se mettre en conformité avec les conclusions du panel de l’OMC saisi par l'Australie et des Etats-Unis (LM du 22 mars). Celui-ci avait conclu que l'Europe devait changer certains aspects de son règlement 2081 concernant les AOP et IGP vis-à-vis des pays tiers avant le 3 avril. Si personne ne remet en cause ce qui a été fait (ces modifications peuvent aider dans les négociations, bien compromises, à l’OMC), on regrette unanimement, chez les professionnels la précipitation avec laquelle la Commission leur a demandé leur avis sur un projet de règlement qui concernait aussi les États membres. « Le temps imparti pour examiner toutes les propositions était trop court. En moins de trois mois, nous n’avons pas eu le temps de la réflexion », regrette David Thual, conseiller juridique d’OriGIn, le lobby des indications géographiques européennes. En très peu de temps, les professionnels français ont dû faire face à une volonté de la Commission de réduire ses charges d’examen des dossiers.
Avec l’extension de l’Europe à 25, les dossiers affluent de tous bords, engorgent le service chargé de l’étude des dossiers et allongent la durée des procédures. « Quatre mois rien que pour la traduction», explique un membre de la Commission. Cet état de fait a engendré une simplification de l’examen des dossiers par la Commission. Désormais, les autorités compétentes, tout comme les pays tiers devront remplir une fiche synthétique, appelée « Document Unique », dans lequel sera condensé le résumé du cahier des charges, qui, lui, sera conservé dans l’État membre sous forme « informatique ».
Les logos AOP/IGP pas obligatoires
C’est là où le bât blesse, car il existe de grandes disparités entre les conceptions des indications géographiques entre les États membres, même au sud de l’Europe. « L’étude en profondeur du cahier des charges par la Commission restait un gage de protection contre les différences d’interprétation d’un État à un autre», constate Anne Richard, directrice du CNAOL (appellations d’origine laitière). Un autre aspect touche la qualité des produits qui peuvent présenter des variables importantes. C’est la question que se pose Marc Roose, délégué de l’AF-IG : « les éléments de doctrine en matière de qualité seront-ils préservés d’un État à l’autre ? L’homogénéisation de la qualité est aussi importante ».
Un autre point à fait réagir les professionnels. Alors que la communication sur les AOP/IGP est quasiment absente, les professionnels s’attendaient, comme prévu dans le projet de modification du règlement, à ce que les logos deviennent obligatoires sur les étiquetages. Il n’en est rien. Les opérateurs sous IGP ou AOP pourront choisir entre l’apposition des logos et la mention de la protection en toutes lettres. « La décision de ne pas rendre les logos obligatoires va à l’encontre de la reconnaissance par le consommateur», remarque Marc Pagès, directeur de Fil Rouge.
En Suisse, État tiers, les modifications du règlement inquiètent autant qu’en France : « je suis inquiet de constater la montée en puissance du rôle des États membres concernant l’enregistrement des IGP et AOP. Cela risque de creuser l’écart entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud », commente Frédéric Brand, président de l’Association des AOC-IGP suisses. La Commission a-t-elle pêché par manque d’explication ? En tous cas, l’espoir demeure. La Commission a annoncé que des auditions allaient commencer pour répondre aux arguments des opérateurs et aux amendements des députés européens. Un nouveau règlement pourrait voir le jour d’ici un à deux ans.
Le nouveau règlement est téléchargeable sur notre site internet www.lequotidienlesmarches.fr