L’art du poison
Le visage ravagé de ce pauvre Ukrainien nous fait déjà murmurer avec colère le nom de l’empoisonneur. Reconnaissons pourtant que cette ancestrale technique d’élimination ne manque pas de grandioses références. Médicis : le nom fait encore trembler Florence, qui doit à cette famille une quinzaine de ducs et grands-ducs, protecteurs pendant trois siècles des arts, des lettres et de l’agriculture. A l’occasion, ils étaient aussi des tyrans atroces qui avaient élevé l’art de la dague et de la fiole à des hauteurs sublimes. Sans compter trois papes dont deux, Léon X et Léon XI, moururent par le poison. Le troisième, Clément VII, eut pour fils naturel Alexandre de Médicis, qui fit empoisonner beaucoup de monde. Au moins, le travail était soigné et les résultats immédiats. Vous pensez que j’ai pour ces criminels une tendresse suspecte ? J’avoue, un peu. D’abord ils bataillèrent contre le Turc, et le maintinrent à distance. Ensuite Catherine et Marie de Médicis, reines de France, portaient certes le funeste gène familial, qui porta la première à organiser la Saint-Barthélemy, et la seconde à tenir le bras de Ravaillac. Mais elles introduisirent à la Cour des usages de table qui établirent la gloire de l’agroalimentaire français. Chez les Médicis, on buvait parfois la ciguë mais, au moins, on ne mangeait pas de poulet à la dioxine.