La plume et le masque
Nous craignons la peste aviaire qui pourrait, par la faute de quelques plumes infectées, se déclarer un jour. Nous imaginons déjà ces milliers de gens dans les trains et les métros du matin, avançant masqués de blanc, le nez et le visage enfouis dans cette demi-cagoule médicale. Hallucinant ! Tous semblables désormais, tous anonymes, tous impossibles à identifier avec certitude. Donc tous dotés d’une quasi-impunité, déjouant toutes les caméras de surveillance, les portraits robots, les appels à témoin. « Si Dieu n’existe pas, tout est permis » dit Dostoïevski, mais à l’homme sans visage aussi. Et puis, à table, verrons-nous bientôt les dames soulever délicatement leur gaze, comme elles le faisaient jadis de leur voilette avec des gestes charmants ? Au Conseil des ministres, s’assurera-t-on de l’identité des masques ou, par peur du virus, courra-t-on le risque qu’un espion se glisse à la place de Villepin ou de Sarkozy sous une apparence de Scream ? Et cette voix derrière le masque, sera-ce vraiment celle du président ? Au fait, le beau masque qui est chez moi ce soir, est-ce bien la femme que j’y retrouve d’habitude ? Dites-moi tout : cet homme masqué à coté d’elle, est-ce moi ?