Indications géographiques : la Cour de justice ne veut voir qu’une tête
Par un arrêt encore tout chaud (8 septembre 2009), la Cour de justice des Communautés européennes vient d’apporter une contribution considérable au droit des appellations d’origine et indications géographiques.
Rédaction Réussir
Consultée sur une question préjudicielle par une juridiction autrichienne pour interpréter l’acte relatif à l’adhésion à l’Union européenne des États ayant rejoint l’Union en 2004 – parmi lesquels figure la République tchèque – la Cour de justice vient d’affirmer non seulement la primauté du droit communautaire, mais l’exhaustivité de celui-ci concernant les indications géographiques et appellations d’origine.
Cette affaire opposait à l’origine l’entreprise tchèque Budejovicky Budvar à une entreprise autrichienne concernant la vente de bière américaine Bud sur le territoire autrichien.
En effet, un ancien accord bilatéral intervenu entre la République socialiste de Tchécoslovaquie et l’Autriche, portant sur les indications géographiques, réservait l’utilisation de la dénomination Bud en Autriche à de la bière produite en République tchèque.
Ce n’est pas la première fois que cet accord était porté à la connaissance de la haute juridiction, puisqu’un arrêt rendu en 2003 précise que la réglementation communautaire ne s’oppose pas à l’application d’une disposition d’un traité bilatéral conclu entre un État membre et un pays tiers, qui confère à une indication de provenance géographique simple et indirecte de ce pays tiers une protection dans l’État membre importateur qui est indépendante de tout risque de tromperie et qui permet d’empêcher l’importation d’une marchandise légalement commercialisée dans un autre État membre.
Mais depuis, la situation a évolué notablement puisque ce pays tiers qu’était la République tchèque en 2003 a adhéré à l’Union européenne le 1er mai 2004.
La question du droit exclusif d’exploitation du terme « Bud » en Autriche comme indicateur d’origine ne se pose donc plus de la même façon pour le juge communautaire.
Exclusivité de la protection
La question de la compatibilité d’un accord bilatéral sur les indications d’origine par rapport au droit communautaire est posée.
En principe, les autorités communautaires doivent vérifier si un tel accord est contraire ou non au droit communautaire. S’il est contraire, il est inopposable (principe de primauté du droit communautaire). S’il n’est pas contraire, il est jugé compatible au droit communautaire.
Or ici, la Cour de justice va plus loin en affirmant que le système communautaire de protection des appellations d’origine est exclusif de tout autre régime de protection nationale pouvant coexister avec lui.
La Cour s’appuie notamment sur le fait que le règlement n° 2081/92 avait prévu des dispositions transitoires pour les dénominations nationales existantes.
Passée la période de transition, ces dénominations nationales, qui n’auraient pas été enregistrées conformément au règlement communautaire, ont dû disparaître. En France, c’est dans ces circonstances que les labels régionaux transversaux ont disparu.
Cet arrêt du 8 septembre 2009 est donc de toute première importance puisqu’il affirme non pas la primauté du droit communautaire qui est la règle, mais sur la question spécifique des indications géographiques, l’exhaustivité du droit communautaire.
Au plan de la méthode, les puristes observeront que la démarche suivie par la Cour de justice rentre dans l’ordre des choses : en effet, le règlement communautaire est l’instrument d’harmonisation des législations par excellence.
À la différence d’une directive, transposée dans le droit national souvent avec des variantes, le règlement est directement applicable dans les droits des États membres dès sa publication au Journal officiel, sans transposition.