Consolation
Au Sommet de l’Élevage, les organisateurs ont remis à Jean-Pierre Raffarin une statuette figurant un taureau. Pour la photo, le Premier ministre s’est amusé à prendre la pose du fauve qui charge. Las, sa nature poitevine n’évoque guère la bête féroce, et la phrase raffarine n’est pas celle de l’épopée. Volons néanmoins au secours de cet homme qu’il est de si bon ton de railler à Paris. Je lui dédie pour sa consolation cette anecdote prise au Journal extime de Michel Tournier. En 86, François Mitterrand vient dîner chez l’écrivain et la conversation roule sur la RDA, où Tournier se rend fréquemment. Il lui raconte cette histoire : Erik Honecker, le détesté patron du parti, du gouvernement et de l’horrible Stasi, veut savoir en direct ce que pense l’homme de la rue. Il met une fausse moustache et se rend dans une brasserie de Berlin-Est. A coté de lui, un homme dîne seul. Honecker engage la conversation, et demande « Et vous, que pensez-vous de Honecker ?» L’homme se fige, apeuré, fait signe qu’il faut sortir. Dehors, sans un mot, il entraîne Honecker dans le métro jusqu’au bord du lac Wannsee, loue une barque, rame loin du rivage. Ils sont seuls, Honecker renouvelle sa question. L’homme alors se penche vers lui et murmure : vous savez, il n’est pas si mal...