Commémorons !
Dans mon souvenir, on en n’avait pas fait autant il y a dix ans pour le 50e anniversaire de la Libération. Si la progression dans le spectaculaire se poursuit à ce rythme, j’ai hâte d’être en 2044 pour assister à la grandiose reconstitution historique qui sera organisée. Les rangs des anciens seront clairsemés, mais en grimant des acteurs et en rafistolant des chars en contreplaqué, on devrait encore étonner le monde. Puisque nous n’avons plus grand-chose à vivre d’héroïque, nous y substituons des spectacles de rues. Je ne sais pas si nous devons nous en affliger. Les feux d’artifices de nos fêtes n’éblouissent que les imbéciles, tandis que le feu, le vrai, tuait au coin des rues des jeunes gens qui ne sont plus là pour recevoir de bien tardives médailles. Mais pourquoi attendre si longtemps ces illuminations et ces bals ? Dès janvier prochain par exemple, célébrons en costume d’époque la nomination à Matignon en 1905 du célèbre Maurice Rouvier, entouré des non moins célèbres ministres Chaumié à la Justice, Etienne à l’Intérieur, Ruau à l’Agriculture. Nos ministres pourraient jouer les personnages et mesureraient ainsi ce que leur gloire a d’éphémère. Surgies des ombres myrteux, les voix de ces grands hommes leur diraient : « Nous fûmes ce que vous êtes, vous serez ce que nous sommes, c'est-à-dire plus rien…»