Beaujolais nouveau : pourquoi nos exportations ont chuté
Alors que les exportations françaises de vins en 2007 ont établi un record absolu (voir notre édition de jeudi) celles de beaujolais ont enregistré un recul en valeur de 8,7 %, pour un chiffre d’affaires de 144 millions d’euros. C’est la seule origine avec, dans une moindre mesure, le Languedoc-Roussillon, à avoir affiché une évolution négative. Dans cette baisse des exportations, le beaujolais nouveau, produit emblématique de la viticulture locale, a une lourde part de responsabilité avec un recul de 22 % et l’excellent résultat obtenu sur le Royaume-Uni (voir notre édition du 14/2) est un arbre insuffisant pour cacher la forêt.
La chute des exportations de beaujolais nouveau interpelle d’autant plus que ce vin avait a acquis une renommée internationale entretenue par une médiatisation, un marketing et un environnement festif exceptionnels. Sans doute ce dernier argument s’est il émoussé au fil des ans (on peut aussi le constater sur notre propre marché) comme toute mode, ce que n’avait peut-être pas suffisamment prévu la profession. Une certaine anarchie dans l’éventail des prix et des qualités, une mise en marché trop dispersée, ont aussi participé à cette désaffection.
« Pourquoi ne pas développer le Pinot Noir?»
L’explication de la sensible baisse des exportations l’an dernier, a aussi de solides raisons conjoncturelles, la plus importante étant celle de la chute du marché japonais, premier acheteur de beaujolais jusqu’alors. Cette chute du débouché nippon est la conséquence d’achats inconsidérés en 2006, en raison de la multiplication de petits importateurs. 12 millions de bouteilles vendues au Japon en 2006, soit une pour 10 habitants, se sont traduites par la constitution de stocks encore invendus au printemps, incitant les principaux importateurs, à un repli prudent dans leur commandes de 2007 ; il semblerait que les choses se remettent en ordre pour 2008 avec un retour à l’équilibre.
Cependant les difficultés à l’exportation, qui ne datent pas de l’an dernier, ont déclenché une réflexion plus profonde sur la situation et l’avenir du vignoble et de son économie. Quelque trente années d’une renommée internationale ont sans doute enfermé le beaujolais dans la conviction du Gamay roi, de l’invulnérabilité du modèle des vins fruités et gouleyants (ce qui n’est certes pas au demeurant un défaut) au point d’en bloquer l’évolution. Le vignoble Beaujolais souffrirait-il entre autres de son mono encépagement (nous ne disons pas monocépage) ? Parmi les réflexions qui s’engagent pour tenter de sortir de cette crise, on pourrait envisager de créer des produits différents avec notamment des cépages complémentaires comme le Pinot noir, très porteur sur les marchés d’exportation, et légalement utilisable dans l’aire de production beaujolaise en appellation Bourgogne. Un professionnel reconnu nous confiait : « Nous faisons naturellement partie de la Bourgogne, avec notre identité propre, un cépage Gamay qui trouve toute son expression, cultivé sur nos roches granitiques ; mais l’on pourrait fort bien envisager de développer du Pinot noir sur nos terrains calcaires. Sans chercher forcément à faire du volume en appellation Bourgogne, ce serait un moyen de sortir la profession beaujolaise de la pensée unique », estime-t-il.