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Sélection variétale/mutagenèse : imbroglio juridique pour les colzas Clearfield

Se basant sur l’avis de la Cour de Justice européenne, le Conseil d’État a jugé que les variétés obtenues par mutagenèse in vitro sur cellules - dont les colzas Clearfield - relevaient de la directive 2001/18 encadrant les OGM. Le gouvernement a publié un projet d’arrêté interdisant la culture et la commercialisation de ces variétés. Arrêté toujours en attente de publication…

Un projet d'arrêté prévoit l'interdiction de la commercialisation et de la mise en culture en France des variétés obtenues par mutagenèse in vitro sur cellules (dont les colzas Clearfield), faute d’avoir été évaluées et autorisées au titre de la réglementation relative aux OGM. © G. Omnès
Un projet d'arrêté prévoit l'interdiction de la commercialisation et de la mise en culture en France des variétés obtenues par mutagenèse in vitro sur cellules (dont les colzas Clearfield), faute d’avoir été évaluées et autorisées au titre de la réglementation relative aux OGM.
© G. Omnès

Les colzas Clearfield classés OGM ? C’est très possible. Lors de leur mise sur le marché, ces variétés rendues tolérantes à des herbicides (VrTH) par mutagenèse étaient considérées comme des variétés classiques. Anormal, selon neuf associations et syndicats, dont la Confédération paysanne, qui avaient demandé au gouvernement de soumettre les variétés obtenues par mutagenèse à la réglementation OGM.

Face au silence des autorités, elles ont saisi le Conseil d’État en 2016, qui s’est tourné vers la Cour de Justice européenne (CJUE). Verdict rendu en 2018 : oui, les organismes obtenus par mutagenèse doivent être considérés comme des OGM, et donc respecter la longue et coûteuse procédure d’autorisation, de suivi et d’étiquetage prévue par la directive 2001/18. Seule exception : les organismes « obtenus au moyen de certaines techniques de modification génétique qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps ».

Les tournesols VrTH épargnées par la directive encadrant les OGM

Interprétation par le Conseil d’État : les techniques largement développées avant 2001, date de la directive 2001/18, n’y sont pas soumises. Cela inclut la mutagenèse in vivo et in vitro sur grains, donc les tournesols VrTH. En revanche, la mutagenèse in vitro sur cellule, mode d’obtention des colzas Clearfield, rentre dans le champ de la directive. Les autorités françaises ont ainsi rendu public en juin un projet de décret interdisant ces variétés « à la commercialisation et à la mise en culture en France, faute d’avoir été évaluées et autorisées au titre de la réglementation relative aux OGM ». Un décret qui attend toujours d’être publié, alors que la date limite de mise en œuvre des injonctions du Conseil d’État était début novembre.

Les colzas Clearfield concernent de faibles surfaces en France. En revanche, cette décision pourrait sérieusement compliquer le commerce. La France importe en effet du colza de pays qui cultivent ces variétés (dont le Canada et certains pays européens). Dans ces pays, ces colzas ne sont pas tracés, puisque considérés comme des variétés "classiques". Or, si le projet d’arrêté français est publié en l’état, il deviendrait interdit d’importer et d’utiliser les graines de ces colzas en France tant que les variétés concernées ne sont pas en règle avec la directive 2001/18. Et il paraît très improbable que l’obtenteur se lance dans cette démarche longue et très coûteuse…

Faute de traçabilité, des importations de colza qui deviendraient très risquées

Conséquence : à moins que les pays produisant du colza Clearfield ne mettent en place des filières de traçabilité pour ces graines, toute importation de colza en provenance de ces pays mettrait les importateurs et industriels en risque d’illégalité. Bruxelles et plusieurs États ont d’ailleurs pointé un risque d’entrave au marché européen.

Le gouvernement semble vouloir jouer la montre. Sa porte de sortie : l’étude que remettra la Commission européenne en avril 2021 statuant sur la nécessité de revoir la directive 2001/18 au regard du développement des nouvelles technologies. Mais les opposants à la mutagenèse ont déposé un recours pour non-application de la décision du Conseil d’État.

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