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Les variétés de tournesol tolérantes aux herbicides gardent leur utilité

Les VTH, ou variétés tolérantes aux herbicides, occupent une bonne place parmi les tournesols. Le renouveau variétal est alimenté par des inscriptions européennes, utiles pour se défaire de la pression d’adventices difficiles.

Résistantes à l’imazamox ou au tribénuron-méthyle, les variétés tolérantes aux herbicides (VTH) de tournesol approchent les 30 % de la sole de cette culture en France. En quelques années, elles se sont fait une vraie place. « Ces variétés sont passées à plus de 100 000 hectares en cinq ans depuis la première campagne d’utilisation en 2010. Elles ont atteint 170 000 hectares en 2019 sur les 600 000 hectares de tournesol. Elles continuent à progresser en proportion des tournesols cultivés mais en surface stricte, on atteint un plafond, analyse Franck Duroueix, de Terres Inovia. L’utilisation de ces variétés et des herbicides qui vont avec visent des problématiques particulières en termes d’adventices. » Ces VTH se révèlent la meilleure stratégie pour lutter contre des adventices difficiles comme la lampourde (xanthium), l’ambroisie, le tournesol sauvage, le liseron, le chardon…

Proposées par divers semenciers, les variétés résistantes à l’imazamox sont les mieux représentées avec les tournesols Clearfield (sigle CL) et dorénavant Clearfield Plus (CLP), la dernière génération de ce type variétal. À ces hybrides sont associés des herbicides commercialisés par BASF, Pulsar 40 (pour les tournesols Clearfield au sens large) et Passat Plus pour les variétés Clearfield Plus. Ces dernières apporteraient un gain de rendement et de teneur en huile par rapport aux tournesols Clearfield, ainsi qu’une meilleure maîtrise du salissement avec le produit Passat Plus.

La tolérance au tribénuron-méthyle reprise par plusieurs semenciers

Jusqu’à il y a quelques années, les variétés résistantes au tribénuron-méthyle étaient l’exclusivité du semencier Pioneer (groupe Corteva). Elles sont associées à l’herbicide Express SX, distribué par Cheminova Agro. D’autres semenciers que Pioneer comme Syngenta, Mas Seeds, Deleplanque ou Euralis commercialisent dorénavant ces variétés comportant la technologie Express SX. On les retrouve sous l’appellation d’hybride ou variété « tolérant sulfo » ou « tolérant au tribénuron-méthyle ». « Le tribénuron méthyle a l’avantage d’être efficace sur le chardon au contraire de l’imazamox, mais son efficacité est nulle sur graminées, précise Franck Duroueix. L’imazamox est performant contre les graminées à condition que leur infestation ne soit pas trop élevée. Il est un peu meilleur que le tribénuron-méthyle sur tournesol sauvage et ambroisie. »

Aucune de ces VTH n’a été inscrite sur le catalogue officiel des variétés en France depuis des années. « Ces VTH cultivés en France proviennent d’inscriptions d’autres pays de l’Union européenne comme l’Italie, le Portugal, la Roumanie, la Bulgarie, précise Céline Motard, experte variétés chez Terres Inovia. Les semenciers ne déposent pas leur VTH à l’inscription en France. » Ces variétés n’ont pas vraiment les faveurs des instances officielles pour des raisons aussi bien politiques que techniques. D’une part, les VTH font polémique en France, certaines organisations les considérant comme des OGM cachés. D’autre part, ces variétés posent question avec leurs gènes de tolérance à des herbicides inhibiteurs de l’ALS. Leur recours est susceptible d’exacerber le développement d’adventices résistantes à ce type d’herbicides qui est déjà utilisé sur céréales sur des millions d’hectares (1).

Développement d’ambroisies résistantes à des herbicides

Un premier cas de résistance de l’ambroisie à feuilles d’armoise a été identifié dans le Tarn-et-Garonne dès 2015. Depuis, d’autres ambroisies résistantes ont été trouvées ailleurs : Haute-Garonne, Rhône, Poitou-Charentes… « Ce risque de résistance était identifié dès le départ, signale Franck Duroueix. Une batterie de solutions techniques complémentaires sont prônées pour rendre durable la pratique d’utilisation des VTH : rotation culturale, gestion à l’interculture des adventices, décalage des dates de semis, désherbages de prélevée, binage, nettoyage des moissonneuses… » « On ne plébiscite pas l’utilisation à outrance de ces VTH, ajoute Céline Mottard. Leur utilisation est conseillée seulement sur les zones où les problématiques adventices sont bien identifiées. » Les VTH sont contenus dans leur développement.

(1) Voir avis de l’Anses, en pages Actualités.

Avis d’exploitant : Luc Chosson, agriculteur à Vernioz, Isère (1)

« Je sème mes luzernes porte-graines dans mes tournesols Clearfield »

« J’utilise des variétés de tournesol Clearfield depuis plusieurs années. La présence d’ambroisie à feuilles d’armoise (2) dans mes parcelles est la première raison qui m’a incité à recourir à ce type de variétés. Mais ces tournesols ont l’avantage de permettre le semis de luzerne porte-graines sous couverts. La luzerne est résistante à l’herbicide Pulsar 40 utilisé sur ces variétés. En l’occurrence, je réalise le semis de tournesol et de luzerne en même temps. Au stade 4 feuilles du tournesol, j’applique Pulsar à une dose comprise entre 0,8 et 1,1 l/ha, selon le niveau de développement de l’ambroisie. La luzerne lève dans la culture et la récolte de ses graines se fait l’année suivant celle du tournesol. En 2019 sur 9,2 hectares, j’ai utilisé deux variétés Clearfield : RGT Vollcano CLP et LG 50.627 HOV CLP (variété ES Historic CLP les deux années précédentes). Le coût des semences équivaut à 100 euros de l’hectare, de 5-10 euros plus élevé que celui de variétés conventionnelles. Le produit Pulsar 40 (49 euros le litre) est efficace sur les ambroisies, sauf s’il y a des levées tardives comme c’est arrivé en 2017. Je pratique le semis direct. Ce non travail du sol limite les levées d’adventices. En outre, le développement des adventices est jugulé avec l’utilisation du glyphosate pour détruire le couvert et le paillage qui en résulte. »

(1) 75 hectares de cultures jusqu’en 2018-2019 (136 hectares maintenant) : 25 de blé, 20 de maïs, 10 de colza, 9 de tournesol, 10 de luzerne en 2018-2019 ; rendement entre 25 et 30 q/ha en moyenne en tournesol, en sec.
(2) Luc Chosson est référent ambroisies de sa commune, pour y gérer la destruction de cette adventice au pollen allergisant.

Des nouveautés performantes entre inscriptions françaises et européennes

Responsable nationale de l’évaluation variétale du tournesol chez Terres Inovia, Céline Motard livre une analyse des résultats des essais sur les variétés récentes (1).

« Dans les variétés oléiques, il n’y a pas vraiment de nouveautés sortant du lot dans la catégorie des précoces, si ce n’est l’inscription européenne LG50465 HOV dont les bons résultats de rendement (101,3 % des témoins T) sont à confirmer. En mi-précoce à tardive, la variété SY Celesto ressort très bien pour une première année de commercialisation. Dans les expérimentations Terres Inovia, son rendement se situe à 104,9 % des témoins. Dans les variétés européennes, LG50625 HOV montrent également de belles performances (102,5 % T) mais l’institut n’a qu’une année de recul.

En variété précoce linoléique (classique), SY Chronos montre des rendements prometteurs (103,5 % T) pour sa première année d’évaluation tandis que RGT Wollf confirme sa très bonne performance (104,9 % T) à l’issue de sa deuxième année de test. Variété témoin depuis deux ans, RGT Axell reste toujours très performante (102,6 % T). Provenant du catalogue européen, RGT Donatello est une bonne variété (101,5 % T), qui doit confirmer.

En mi-précoce-tardif linoléique, la nouveauté MAS98K sort très bien avec 107,4 % des témoins. La variété avait déjà montré de très bons résultats à l’occasion des essais CTPS. C’est un hybride vraiment mi-tardif, pas utilisable dans toutes les situations de production. Provenant du catalogue européen, LG50662 confirme ses bons résultats de l’an dernier et se comporte très bien (108,5 % T). MAS85 SU est une VTH tolérante au tribénuron-méthyle qui montre de bons résultats (103,1 % T). Enfin, dans les variétés européennes, LG50510 expose des performances intéressantes (105,7 % T) et c’est une vraie mi-précoce, avec moins de tardivité que les trois variétés précédentes. Campbell a donné également des résultats performants (105,5 % T). La plupart des nouvelles variétés montrent de bons comportements aux maladies (phomopsis, verticillium) avec des bémols parfois sur le sclérotinia du capitule. »

(1) Voir l’outil myVar sur terresinovia.fr

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