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Le chancre du pommier aime la douceur

Le chancre du pommier, une maladie répandue dans le monde entier, se développe à la faveur de températures douces et de période de pluie. Seule la prophylaxie permet d’enrayer son développement.

Le chancre du pommier est répandu à l’échelle planétaire. Les zones géographiques les plus touchées sont le nord de l’Europe, le Chili, le Brésil, la Nouvelle-Zélande où les conditions climatiques lui sont favorables. Mais il a été aussi signalé en Australie, en Afrique du Sud et au Japon. Une étude ADN a montré que ce pathogène est originaire d’Amérique du Nord. Parmi les champignons responsables de chancres sur les pommiers et poiriers, le plus problématique est Neonectria ditissima, agent du Chancre Européen ou Chancre à Nectria. Les facteurs climatiques locaux ont un impact visible sur la distribution et la sévérité des chancres. Les nouvelles contaminations sont dépendantes des précipitations. Et ses températures de développement optimales sont comprises entre 11 et 16°C. Ainsi, en Irlande, il faut environ onze ans pour qu’un chancre soit à l’origine de 1 000 nouveaux chancres alors qu’il suffit de quatre ans pour arriver au même résultat en Angleterre et au Brésil. Les chancres apparaissent principalement sur des arbres poussant dans des sols peu drainants et peu fertiles. N. ditissima peut infecter pommiers, poiriers (souvent de manière moins prononcée) et plusieurs espèces forestières telles que le hêtre, le bouleau, l’érable, le peuplier tremble et le cognassier.

Des bourrelets contre les toxines

Le premier symptôme visible de l’infection d’un pommier par le chancre est un changement de couleur de l’écorce au niveau de la blessure. Cette écorce devient brun pâle, commence ensuite à s’écailler et les tissus se mettent à pourrir pour enfin devenir noirs et se dessécher. En sectionnant la branche atteinte, on observe une nécrose au cœur du bois qui peut se prolonger jusqu’à 50 cm de part et d’autre du chancre. Lorsqu’une spore arrive sur une blessure, elle émet des toxines pour tuer les tissus vivants, ce qui provoque la formation d’une barrière physique par l’arbre au niveau du site d’infection. La succession de fabrication de ces défenses mécaniques est à l’origine des nombreux « bourrelets » visibles sur la branche. Une fois pénétré par la blessure, le mycelium avance rapidement en se propageant à travers les vaisseaux conducteurs.

L’urée favorise les contaminations

Il ne faudrait qu’une dizaine de spores pour infecter une blessure, peu importe la taille de cette dernière. Par ailleurs, pour que les ascospores et les conidiospores pénètrent dans l’hôte, une période d’humectation suffisamment longue est nécessaire : entre deux heures et six heures selon les températures. Les études de la station expérimentale La Morinière (Indre-et-Loire) semblent montrer que la production de conidies est peu influencée par les faibles températures mais décroît rapidement à partir de 20°C alors que la production d’ascospores est réduite à des températures inférieures à 7°C. Enfin, il a été montré via des études in vitro que la température optimale de germination est d’environ 20-25 °C. La germination est quasiment nulle en deçà de 5°C et au-dessus de 32°C. Les applications d’urée post-récolte favorisent les contaminations de chancre et le développement des symptômes. Il semble que l’irrigation par aspersion augmente également la vitesse de production de spores par les chancres.

Toute plaie est un point d’entrée

Les plaies de chute de feuille à l’automne constituent les points d’entrée les plus nombreux pour l’infection. Le second point est les plaies de taille, et parfois les plaies de cueille pour les variétés plus tardives. D’autres plaies telles que les plaies dues au gel, aux piqûres d’insectes, les plaies de palissage ou les broussins sont autant de points d’entrée possibles pour le champignon. Les spores peuvent germer rapidement tant que l’humectation est suffisante et pourraient s’installer dans les tissus de l’écorce en trois à quatre heures. Dans des essais in vitro à La Morinière, il apparaît que la plupart des fongicides anti-tavelures sont efficaces sur le développement des conidies et ascospores de N.ditissima. Mais du fait du temps de latence (entre un et trois ans) entre la contamination et l’apparition des symptômes, leur efficacité est beaucoup plus compliquée à estimer en plein champ. D’autant que l’usage chancre (sur bois) n’autorise que les applications cupriques à la chute des feuilles et pendant l’hiver.

Mesures prophylactiques efficaces

En considérant que chaque millimètre de lésion chancreuse peut être à l’origine de 10 000 spores par évènement pluvieux, la progression du chancre peut rapidement devenir incontrôlable. Par ailleurs, les applications de fongicides ont un pourcentage d’efficacité limité. Et les plaies sur bois sont difficiles à atteindre avec les pulvérisateurs de verger utilisés actuellement, en particulier lorsque l’arbre est encore en pleine végétation. C’est pourquoi il est indispensable d’éradiquer l’inoculum dans les vergers. Pour cela, il est conseillé d’éliminer tous les chancres à la taille et de les sortir du verger pour les brûler. Une attention toute particulière doit être portée aux jeunes plantations où le champignon peut se développer rapidement. Si le chancre est situé dans la partie supérieure de l’arbre, la tête de l’arbre peut être rabattue en deçà de la nécrose dans le bois. Il est alors possible de reconstruire un nouvel axe. Si toutefois le chancre est en position basse, il est souhaitable d’éliminer l’arbre. Le curetage a une efficacité limitée si le mycélium est déjà bien installé dans le bois. Un suivi régulier de ses parcelles et de la maladie est indispensable au moins une fois par an en marquant les chancres curetés avec de la peinture de chantier. Si ceux-ci persistent à se développer ou sont à l’origine de nouveaux chancres l’année suivante, les arbres doivent être supprimés. Un second passage peut être utile au printemps afin de repérer les jeunes chancres néoformés. Des essais menés en Nouvelle-Zélande ont montré un réel intérêt de couvrir les plaies de taille avec de la peinture avec intégration ou non d’un fongicide.

Fanny Le Berry

Forme sexuée et asexuée

Ce champignon de la famille des ascomycètes peut être présent sous deux formes : une forme sexuée et une forme asexuée. La phase asexuée se manifeste à la surface des jeunes chancres par des petits coussinets de couleur blanche. Ces coussinets produisent des conidiospores couramment appelées conidies. Celles-ci peuvent être transportées par la pluie ou par le vent, sur de faibles distances de trois mètres maximum. On trouve surtout les conidies au début de l’été et à l’automne. La phase sexuée n’apparaît que sur les parties mortes du bois, donc sur les lésions chancreuses les plus âgées. Celle-ci se manifeste par l’apparition de « boules rouges », ce sont les périthèces. A l’intérieur de chaque périthèce, se trouvent des asques qui contiennent des ascospores. Lorsque le périthèce est mature, il s’ouvre en cas d’épisode pluvieux grâce à une ouverture nommée ostiole afin de projeter les spores et infecter un nouvel hôte. Cette projection peut se faire directement par éclaboussement ou par le vent sur de plus longues distances. On trouve surtout des ascospores en hiver et au printemps.

Variétés sensibles

Toutes les variétés cultivées sont susceptibles de développer des chancres pourvu qu’elles se situent dans une zone où la maladie sévit et/ou en présence d’inoculum, mais les variétés du groupe Gala sont très sensibles à tout type de chancre. Jazz® Scifresh et Envy® sont reconnues sensibles au Chancre à Nectria. On peut également citer d’autres variétés telles que Belchard Chantecerc, Rubinette et les rouges américaines.

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