Fruits et légumes biologiques : le marché reprend des couleurs
Depuis 2024, les acteurs de la filière bio observent une reprise de la consommation de fruits et légumes bio. La prudence reste tout de même de mise.
Depuis 2024, les acteurs de la filière bio observent une reprise de la consommation de fruits et légumes bio. La prudence reste tout de même de mise.
« Le bio n’est plus en crise » : ce sont les mots optimistes prononcés par Biocoop, lors d’une visioconférence en septembre, après une année 2024 historique. « Les signes de reprise de 2023 ont été confortés en 2024 », abonde Marine Bré-Garnier, chargée d’études à l’Agence bio. En effet, l’an dernier, la valeur des ventes des fruits et légumes bio (au stade de détail) était en hausse de 5,9 % par rapport à 2023, d’après les chiffres de l’agence. Cela représente 929,4 millions d’euros de chiffre d’affaires en fruits (+ 2,7 %) et 1 080,3 millions d’euros en légumes (+ 8,8 %).
« Cette reprise s’appuie fortement sur les circuits magasins bio, stables à 43 % des ventes, et sur la vente directe, à 27 % des ventes, soit 6 points de plus de parts de marché depuis 2020, pris aux GMS », décrit l’experte. La vente directe, c’est un choix qu’a fait à 100 % Sébastien Bruand, maraîcher en Charente, secrétaire national Légumes de la Fnab : « C’est extrêmement intéressant, le lien avec le client, le suivi du produit jusqu’au bout, une résilience plus forte. »
La bonne dynamique se poursuit sur le circuit spécialisé où l’on observe, au premier semestre 2025, une croissance des ventes en valeur de 6,4 % sur les produits sans code-barres EAN, une catégorie tirée vers le haut par les fruits et légumes en vrac, et de 7,5 % pour les fruits et légumes frais emballés, par rapport au premier semestre 2024.
Interrogations sur la dynamique en GMS
Malgré cette embellie, les producteurs restent vigilants. « Nous sentons un début de reprise, à confirmer dans les mois à venir, d’autant qu’il y a un gros questionnement sur la dynamique en GMS », explique Sébastien Bruand. En 2024, le circuit de la distribution généraliste représentait, en valeur au stade du détail, 325 millions d’euros de vente de fruits, soit 35 % du total de l’ensemble des circuits, et 248 millions d’euros de ventes de légumes, soit une part de 23 %.
Des trajectoires contrastées selon les espèces
Tous les fruits et légumes ne sont pas logés à la même enseigne. « En 2024, sur l’ensemble des circuits de distribution, certaines espèces tirent les volumes, quelques espèces connaissent une forte croissance : l’abricot, suite à une mauvaise campagne 2023, le kiwi français, le raisin qui est majoritairement importé. Pêche, fraise et poire sont stables. Les mangues sont en fort recul », détaille Marine Bré-Garnier.
Des taux d’import variables
Cette croissance profite-t-elle à l’origine France ? La part tricolore des fruits et légumes bio est très variable, d’après les données de l’Agence bio. Ainsi, en 2024, en circuits longs, ce taux reste stable en pommes et pommes de terre (100 % comme en 2023), en fraise (87 %), poireau (99 %) ainsi qu’en banane (2 %), le fruit bio le plus vendu. Mais il est en baisse en carotte (94 % contre 96 % en 2023), courgette (42 % contre 46 %), kiwi (33 % contre 40 %), oignon (89 % contre 97 %), raisin (27 % contre 28 %), chou (63 % contre 65 %), courges (94 % contre 95 %), pêches et nectarines (89 % contre 94 %) et agrumes (4 % contre 5 %). À l’inverse, la part d’origine France est en hausse en tomate (65 % contre 62 % en 2023), concombre (71 %, contre 67 %), poire (96 % contre 94 %) et betterave (89 % contre 74 %).
En légumes, baisse des surfaces engagées
« Malgré cette éclaircie sur le marché, on n’est pas encore sous les alizés : nous n’en sommes pas à replanter de manière massive en bio », tempère Guilhem Severac, chef de service arboriculture et maraîchage à la chambre d’agriculture du Vaucluse.
En légumes, en 2024, les surfaces certifiées s’élevaient à 40 999 ha (-6,8 % par rapport à 2023). Celles en conversion ont chuté à 1 046 ha (-39,4 %). Le nombre de fermes engagées est descendu à 13 526 (-3,7 %). « En légumes, globalement les petites fermes sont plus nombreuses et augmentent plus que les grosses », précise Marine Bré-Garnier.
Les dynamiques varient selon les espèces. « La carotte (1 620 ha certifiés et en conversion) a connu un pic de surfaces en 2021, décrit l’experte, suivi d’une baisse, et les surfaces remontent depuis 2023. La tomate (493 ha) a connu un pic en 2021 mais ses surfaces sont en baisse depuis. Les pommes de terre (4 624 ha) ont augmenté régulièrement jusque 2022 inclus, ont baissé en 2023 et stagnent depuis. »
En fruits, baisse des surfaces en conversion
En fruits, les surfaces certifiées se sont hissées à 57 306 ha en 2024 (+ 3 %) et celles en conversion sont descendues à 9 080 ha (-14,1 %). Le nombre de fermes engagées a poursuivi sa progression, à 16 876 (+ 6,1 %). « En fruits, il y a une augmentation du nombre de très petites et de petites fermes, et une stagnation du nombre de grandes fermes, présentes en faible nombre », ajoute Marine Bré-Garnier. Du côté des gagnants, les hectares d’oliviers (6 855 ha certifiés, 1 632 ha en conversion) sont en croissance, détaille-t-elle, et en agrumes, les surfaces ont augmenté de 8,5 % à 912 ha l’an dernier (dont 149 ha en conversion, + 25,3 %). Les hectares de kiwis certifiés (815 ha) stagnent depuis 2021, et ceux de fraises ont augmenté jusqu’en 2023 (410 ha) pour diminuer en 2024 (372 ha).
Après ce début de reprise économique, la bio pourrait gagner du terrain dans les mois et années à venir, à condition d’envoyer un bon signal aux producteurs. Or, beaucoup jugent l’action de l’État illisible, voire insuffisante. À l’instar d’Henri Godron, président de Biocoop : « Jamais nos hommes et femmes politiques n’ont été aussi peu soutenants envers l’agriculture biologique. »
Une reprise à accompagner
« Il faut continuer à communiquer pour ne pas tuer la reprise, affirme Sébastien Bruand, secrétaire national Légumes de la Fnab. Les feedbacks des campagnes passées sont bons, et nous souhaitons que les budgets communication de l’Agence bio, coupés par l’État, soient remis ». Sur son site, Kantar cite parmi les raisons de la reprise le fait que « les campagnes bio réflexes pilotées par l’Agence bio commencent à porter leurs fruits ». De nombreux acteurs de l’amont demandent un crédit d’impôt relevé à 6 000 euros par an (au lieu de 4 500) et de favoriser la contractualisation. De son côté, Biocoop recommande de créer une mission d’inspection interministérielle sur l’agriculture biologique, de garantir l’atteinte des objectifs Egalim (20 % de bio en restauration collective) et d’inciter les distributeurs à proposer un minimum de bio.
Dans quels circuits se vendent les fruits et légumes bio ?
Grande distribution
La place occupée par chaque circuit de distribution varie selon les espèces. En volumes en 2024, d’après l’Agence bio, la part de la catégorie « Grandes et moyennes surfaces » était, par ordre décroissant, de 79 % en banane, 71 % en concombre, 69 % en raisin, 44 % en oignon, 42 % en avocat, 40 % en agrumes, 38 % en carotte, 36 % en betterave, 35 % en chou, 34 % en courgette, 33 % en mangue, 30 % en pomme, 29 % en poivron, 27 % en tomate, 26 % en kiwi, 24 % en poire, 23 % en courge, 22 % en fraise, 21 % en pomme de terre, 18 % en poireau et en abricot et 13 % en pêche-nectarine.
Vente directe et primeurs
Si on regarde la part de la catégorie qui réunit la vente directe et les primeurs, toujours selon les données de l’Agence bio, en volumes et par ordre décroissant, celle-ci était en 2024 de 52 % en poireau, poire, tomate et kiwi, 46 % en carotte, poivron et pêche, 45 % en pomme et pomme de terre, 44 % en abricot, 42 % en oignon, 41 % en fraise, 40 % en chou, 38 % en courge, 24 % en raisin et courgette, 11 % en betterave, 5 % en concombre, 2 % en avocat et agrumes, 1 % en banane et proche de 0 % en mangue.
Magasins bio
Du côté de la catégorie des magasins spécialisés biologiques, selon la même source, en volumes, cette part s’élevait en 2024, par ordre décroissant, à 66 % en mangue, 59 % en agrumes, 57 % en avocat, 54 % en betterave, 43 % en courgette, 41 % en pêche-nectarine 39 % en courge, 38 % en abricot, 35 % en pomme de terre et fraise, 30 % en poireau, 25 % en pomme, poire, poivron et chou, 23 % en concombre, 22 % en kiwi et tomate, 20 % en banane, 16 % en carotte, 15 % en oignon et 7 % en raisin.