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Artichaut : comment les producteurs bretons entendent séduire de nouveaux consommateurs ?

Nouvelle variété d’artichaut, nouveau segment avec les fonds d’artichauts surgelés, meilleure collaboration avec les enseignes de la grande distribution pour les mises en avant en magasin : les producteurs d’artichauts bretons entendent lutter contre la baisse de consommation de l’artichaut.  

Un artichaut dans une parcelle bretonne.
Les surfaces plantées en artichauts en Bretagne baissent surtout du fait des départs en retraite des producteurs, mais comme le souligne Christian Bernard, président de la section Artichaut de Prince de Bretagne : « Si les perspectives de consommation sont là, la production suivra ».
© Claire Tillier

La campagne d’artichauts bretons commence tout juste. L’artichaut étant particulièrement climato-dépendant, difficile d’avoir une visibilité fiable sur les volumes de la production bretonne pour cette année. Néanmoins la campagne se présente bien pour le moment. « Il a beaucoup plu cet hiver, on a craint un moment qu’il y aurait plus de pertes de souches d’artichauts durant l’hiver mais on a finalement moins de pertes que prévu. La campagne démarre à peu près normalement », affirme Christian Bernard, producteur à producteur d’artichauts à Taulé, près de Morlaix dans le Finistère et président de la section Artichaut de Prince de Bretagne

 

Pourquoi une nouvelle variété d’artichaut et quelle est-elle ? 

Cette année, Prince de Bretagne a validé sa nouvelle variété d’artichaut. Cela fait quelque temps que les producteurs bretons travaillent dessus. « C’est vraiment une variété prometteuse au niveau commerce », annonce Christian Bernard. Il s’agit d’un artichaut Camus plus charnu obtenu par sélection. Ce Camus nouveau a été lancé suite aux différentes remarques commerciales. Les clients distributeurs reprochaient en effet au Camus d’être trop ouvert, une particularité de cet artichaut breton. « Nous avons donc travaillé sur une sélection de souches qui avaient fourni les artichauts les plus ronds, sans pour autant dégrader la qualité gustative ni l’épaisseur du fond », deux caractéristiques importantes pour le producteur breton.

Cette nouvelle variété issue de la sélection donne un artichaut plus rond, plus ferme avec un capitule plus fermé, sans épines (pics en haut des feuilles) qui offre en outre une meilleure conservation en rayon. Cette variété va peu à peu faire son apparition sur les étals. « Il s’agit d’un artichaut obtenu par multiplication végétative (une souche donnant naissance à plusieurs souches et ainsi de suite), nous n’avions donc pas des plants à volonté pour l’ensemble des producteurs », explique Christian Bernard. 

 

Commercialisation de fonds d'artichauts surgelés

Autre point important pour les producteurs d’artichauts bretons cette année, la commercialisation de fonds d’artichauts surgelés à marque Prince de Bretagne ou en MDD. Depuis la fermeture du site de d’aucy (groupe coopératif Eureden) près de Morlaix (Finistère) en 2022 et bien qu’une petite partie soit depuis transformée en Espagne, les producteurs bretons avaient perdu un débouché de valorisation pour leurs petits calibres (au moins 20 % de la production totale).

Lire aussi : Artichaut : pourquoi l’ouverture prochaine d’une usine de transformation par Prince de Bretagne est une bonne nouvelle pour les producteurs bretons ?

Les producteurs de Prince de Bretagne ont donc décidé de créer leur propre unité de transformation à Calmez (Côtes d’Armor) sur le même site qui transforme le coco de Paimpol. L’investissement de cet outil industriel permet donc de valoriser cette partie de la production « qui depuis 2 ans restait au champ » selon Christian Bernard. 

Dès 2023 et l’an dernier, des premiers tests ont été faits. Cette année, le site de production est fin prêt. Il peut traiter près de 1 200 tonnes de produits bruts par an (soit l’équivalent de 120 tonnes de fonds d'artichauts surgelés). Les artichauts sont réceptionnés en palox, pour être calibrés et stockés au froid. Le mode de préparation suit un processus rigoureux : « coupe mécanique, éfouinage, blanchiment à 95°C, refroidissement à cœur, parage et tri manuel. Ils sont ensuite surgelés et conditionnés pour la production de cœurs d'artichauts », détaille Prince de Bretagne.

Aujourd’hui les feuilles de ces artichauts sont destinées au compost. D’autres pistes d’utilisation comme l’alimentation animale ou la méthanisation sont à l’étude. « Il y a aussi de la fibre dedans, ce serait bien aussi de pouvoir valoriser la fibre ou les colorants, parce l’artichaut est aussi un colorant naturel », anticipe Christian Bernard, qui rappelle néanmoins que le nerf de la guerre « reste l’équilibre économique de ces orientations »

Les fonds d’artichauts surgelés sont vendus en sachets de 500 g en grande distribution (aujourd’hui dans le Grand Ouest) et chez les spécialistes du surgelé comme Freezer Center. Leur prix de vente consommateur conseillé est de 9,99 € les 500 g. 

Côté variétés, les fonds surgelés concernent les gros artichauts (Camus, Castel, Cardinal) mais la surgélation des fonds pourrait aussi à terme concerner le Petit Violet

Outre le fait de valoriser des artichauts qui resteraient au champ, le lancement de cette offre de fonds d’artichauts surgelés permet en outre de positionner l’artichaut dans d’autres segments de commercialisation que le frais, de l’intégrer dans d’autres habitudes alimentaires et contribuer ainsi au développement de la consommation de l'artichaut. 

 

Près de 75 % des consommateurs d’artichauts ont plus de 65 ans

Car la consommation et surtout le vieillissement de la population achetant des artichauts est aussi une source d’inquiétudes pour les producteurs.  « L’artichaut est confronté à la problématique du non-renouvellement de sa consommation au sein des générations », rapporte le CTIFL dans sa dernière étude sur la consommation de l’artichaut. En effet, près de 75 % des consommateurs d’artichauts ont plus de 65 ans. « On ne met pas l’artichaut sur sa liste de course comme on y met la tomate par exemple, rappelle pour sa part Christian Bernard. Pour le vendre, il faut donc des mises en avant ». 

 

Un travail collaboratif avec la grande distribution qui porte ses fruits 

Depuis l’an dernier, les producteurs d’artichauts bretons ont entamé un travail avec la grande distribution. Auparavant les opérations de mise en avant de l’artichaut était calées en avance et ne correspondaient pas forcément avec la campagne en cours, notamment en cas de retard ou d’avance dus au climat, la production de l’artichaut étant très climato-dépendante. « Aujourd’hui les producteurs bretons travaillent davantage de concert avec les négociants et le commerce pour que les campagnes promotionnelles s’adaptent en temps réel à la saison et cela fonctionne », témoigne Christian Bernard. 

 

Regagner des surfaces de production

Une consommation plus dynamique de l’artichaut permettrait-elle de regagner des surfaces d’artichauts en Bretagne ? Depuis quelques années en effet, les surfaces d’artichauts bretons diminuent lentement. Il y a une dizaine d’années, on comptait 3 500 hectares d’artichauts en Bretagne, aujourd’hui cela ne dépasse pas 2 600 hectares. Un lent déclin que Christian Bernard attribue davantage à « l’âge des producteurs » qu’à la conjoncture. Les surfaces d’artichauts des producteurs partis à la retraite n’ont pas été reprises. 

Lire aussi : « On perd 10 000 tonnes de production d’artichaut tous les 10 ans » : comment les producteurs bretons entendent sauver cette culture emblématique

Est-ce à dire que les jeunes agriculteurs sont moins attirés par la production d’artichauts ? « C’est une culture difficile », admet le producteur. Pour lui, la pénibilité du travail, l’exigence du désherbage et le mildiou constituent « des freins majeurs à la production d’artichauts par de nouveaux producteurs, notamment des jeunes. Le mildiou constitue vraiment un problème, même si on essaie de trouver des souches plus résistantes. Aujourd’hui nous n’avons que deux molécules qui ne sont pas vraiment efficaces ». Pour contrer la pénibilité du travail et le besoin de main-d’œuvre, producteurs et centres techniques travaillent sur des solutions de mécanisation par exemple. Pour le producteur de Taulé (Finistère) cela ne fait aucun doute : « Si les perspectives de consommation sont là, la production suivra »

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