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Des recettes plus ou moins coûteuses pour passer au sans-OGM

Matières premières, herbe, correcteur non-OGM... le Réseau d'élevage bovins lait de la région Grand Est a simulé l'impact économique de différentes stratégies sur cinq systèmes d'élevage.

Avec une plus-value sur le prix du lait de 10 à 15 euros pour 1 000 litres selon les laiteries, l'intérêt économique de produire sans OGM dépend beaucoup de votre situation de départ. « L'impact des modifications sur le revenu est avant tout lié à la productivité des vaches et à la part de maïs dans le système initial », soulignent les auteurs de l'étude menée par les réseaux du Grand Est. Les simulations économiques ont porté sur cinq systèmes d'exploitation (voir encadré). Parmi les hypothèses retenues, il a été considéré que le bâtiment des vaches était saturé. Autrement dit, si le levier conduit à une baisse de production par vache, cela se traduira automatiquement par une baisse des livraisons. Le prix du lait payé aux éleveurs a été fixé à 330 euros pour 1 000 litres. Attention, cette étude a pour but de mesurer l'incidence économique d'un changement de modalité. Elle ne prend pas en compte la prime « sans OGM » versée par la laiterie.

Au-delà des aspects économiques, il faut aussi tenir compte des répercussions des changements de modalités et du respect du cahier des charges sur votre temps de travail, les investissements à consentir pour aménager les paddocks ou stocker les matières premières achetées, l'utilisation du matériel de distribution à plusieurs...

Zéro pointé pour l'achat de correcteur non OGM

Quel que soit le différentiel de prix entre le correcteur initial et le sans-OGM (de +20 €/t à +100 €/t), l'achat de correcteur azoté « garanti sans OGM » n'est jamais intéressant économiquement, conclut l'étude à partir des hypothèses retenues. « La perte est d'autant plus importante lorsque la part de maïs dans la ration est élevée car il y a besoin de davantage de correcteur pour équilibrer la ration. »

D'après les simulations, la perte de revenu disponible (hors prime versée par la laiterie) se limite à 0,6 centime pour 1 000 litres pour le système herbager (système 5) avec un différentiel de prix de concentré de seulement 20 euros par tonne. Mais elle atteint pratiquement 10 euros pour 1 000 litres dans le scénario le plus catastrophique : vaches à 8 100 l en zéro pâturage, 15 kg de maïs/VL/j, 1 650 kg de concentré/VL/an (système 2) et un différentiel de prix supérieur à 100 euros par tonne de correcteur.

Le tourteau de colza, oui, mais à quel prix ?

L'étude confirme l'intérêt de substituer le correcteur azoté initial par des matières premières telles que le tourteau de colza, les drêches de brasserie et les céréales. La substitution avec du tourteau de colza est intéressante dès que son prix est inférieur à 70 % de celui du correcteur azoté type VL 40 % de MAT. Attention toutefois à ses limites en système avec traite robotisée et vaches à très haut niveau de production (lire page ?). Par ailleurs, l’évolution des prix du tourteau de colza pose question, surtout si la demande explose. D’autant que cette année, la production de colza a baissé d'environ 10 % par rapport à 2017 en raison des mauvaises conditions climatiques.

Lors des simulations, le système 1 (vaches à 8 600 l et traite robotisée) a toujours été gagnant quand le correcteur azoté et le concentré de production du commerce étaient substitués par des matières premières. Précisons que les règles de substitution retenues étaient de 1,5 kg de tourteau de colza pour 1 kg de correcteur 40 % de MAT et 0,15 kg de céréales en moins par kilo de correcteur remplacé. Pour les drêches de brasserie, 1,5 kg MS de drêches remplaçait 1 kg de correcteur. 

" Il est intéressant d’associer les drêches de brasserie avec du tourteau de colza dans les systèmes avec une part élevée d’ensilage de maïs. Les drêches vont apporter de l’azote avec une vitesse de dégradation plus lente que le tourteau de colza ", souligne Daniel Coueffé, de la chambre d'agriculture de Haute-Marne.

Les protéagineux sous certaines conditions

Féverole, lupin, toasté ou non... Les protéagineux sont un des leviers connus pour améliorer l'autonomie en protéines. Ils permettent également de s'affranchir des fluctuations du marché des tourteaux de colza et soja. Ce levier s'est avéré rentable dans le système 5 avec de l'herbe toute l'année (30 ares/VL au printemps), des vaches à 5 400 l... En hiver, la ration se compose de foin/regain (80 %) et d'enrubannage de première coupe (20 %). La règle de substitution retenue a été la suivante : 2,2 kg de protéagineux pour 1 kg de correcteur à 40 % de MAT et 1 kg de céréales. Avec ce système, le revenu disponible s'améliorait de 2,70 euros pour 1 000 litres.

En revanche, plus le niveau de production par vache est élevé, plus il sera nécessaire de compléter avec un second correcteur azoté. Les auteurs de l'étude attirent également l'attention sur des points de vigilances et conditions de réussite. La culture des protéagineux nécessite d'avoir des types de sols adaptés : profonds, légers et non battants. « Sur des rations à forte proportion de maïs pauvres en azote, les protéagineux se comportent davantage comme un concentré de production mais ne viendront jamais couvrir la totalité des besoins en azote. » Sur des rations à forte proportion d'herbe, l'utilisation de protéagineux peut entraîner un apport en excès de protéines rapidement dégradables sauf s'ils sont toastés.

 

 

Le plus d'herbe a ses limites

Augmenter la part d'herbe a donné des résultats contrastés en fonction du système initial. Globalement, plus le niveau de production initial est élevé et la part de l'herbe dans la ration est faible, moins cela apparaît rentable. Cette stratégie s'est avérée payante pour le système 3. Initialement, les vaches produisaient 7 200 l de lait. Le silo de maïs était ouvert toute l'année tout en conservant du pâturage (15 à 30 ares). Le changement de stratégie a consisté à fermer le silo au printemps jusqu'en début d'été. Le correcteur azoté a été supprimé sur cette période. La part de l'ensilage de maïs dans la ration hivernale est passée de deux tiers à la moitié. Selon les simulations, ces modifications n’ont eu aucune incidence sur le niveau de production des vaches. « L'impact positif sur le revenu disponible est permis par l'arrêt du correcteur azoté sur la période de pâturage et la baisse de quantité distribuée en hiver. » Mais, avec les conditions météo particulièrement défavorables à la pousse de l'herbe cette année, cette stratégie aurait vite atteint ses limites dans certaines régions.

De l'ensilage de luzerne et plus de céréales

Le remplacement de 5 kg MS d'ensilage de maïs par la même quantité d'ensilage de luzerne dans la ration hivernale a permis d'économiser 1 kg de correcteur azoté dans le système 2. Le correcteur initial a par ailleurs été remplacé par du tourteau de colza. Le maintien du niveau de production des vaches à 8 100 l a cependant nécessité d'ajouter 2 kg de céréales. Au final, l'opération est neutre sur le plan économique.

Augmenter la part d’herbe s'avère en revanche très pénalisant pour le revenu dans le système 1 avec des vaches à haut niveau de production (8 600 l) et très peu d'herbe dans la ration initiale : moins de 3,5 kg/VL/j d'enrubannage en hiver et quasiment pas de pâturage. Le changement de modalité consistait à introduire du pâturage dans la limite de la moitié de la ration et à substituer 2 kg MS d'ensilage de maïs par 2 kg MS d'ensilage d'herbe dans la ration hivernale. Les principales causes de cette perte de revenu, estimée à -11 €/1000 l, sont les baisses de production par vache (de 8 600 l à 7 200 l) non compensées par une augmentation d'effectif et de ventes de céréales.

 

Des simulations encourageantes dans les Hauts-de-France

L'équipe Inosys-réseaux d'élevage des Hauts-de-France a réalisé des simulations sur trois systèmes(1). Chaque cas-type avait une soixantaine de vaches et un volume à produire compris entre 534 000 l et 544 000 l. Les différences portaient sur le degré de spécialisation et la SAU disponible : lait spécialisé maïs (60 ha), polyculture avec betteraves en zone à bon potentiel (140 ha) ou polyculture avec pommes de terre et robot (100 ha). Dans les trois systèmes, le passage s'est avéré intéressant sur le plan économique (amélioration de l'EBE d'environ 10 000 €, soit + 6 à + 10 % ) aussi bien pour les simulations avec 100 % tourteau de colza à 240 euros la tonne qu'avec 100 % de VL 40. Un bonus à moduler toutefois en fonction des contraintes techniques des élevages : accessibilité au pâturage, robot plus ou moins saturé...

Un surcoût de 15 euros par tonne d'aliment

Les hypothèses de base de cette étude étaient les suivantes : un minimum de 150 jours de pâturage et 15 ares par vache et absence d'OGM dans l'alimentation. Le complément de prix « sans OGM » a été fixé à 15 euros pour 1 000 litres de lait avec un prix de base à 325 euros/ pour 1 000 litres (240 €/1000 l en volume B). N'étant pas disponible localement, l'utilisation de tourteau de soja non OGM n'a pas été étudiée. Les prix de la VL 40 (390 €/t), de la VL 18 (270 €/t) et de l'aliment veau (305 €/t) étaient tous supérieurs de 15 euros par tonne à ceux des aliments non certifiés.

Formation sur le pâturage tournant dynamique

Les hypothèses s'appuyaient également sur un mix de différentes démarches non OGM existant sur le terrain. Dans cette région, la Prospérité fermière a par exemple lancé sa démarche Via lacta associant pâturage, sans-OGM et bien-être animal . Le groupe entend accompagner la centaine d'adhérents inscrits dans la démarche. « Ce sont des élevages d'une taille de l'ordre de 50 vaches. Aucun n'a substitué le tourteau de soja par du soja certifié non OGM, pour une raison de coût et de disponibilité. Ils ont mieux valorisé leurs surfaces en herbe en mettant en place du pâturage tournant dynamique par exemple, ou substitué le tourteau de soja par du tourteau de colza, et/ou cultivé davantage de légumineuses. Leurs principales difficultés sont liées à un manque de disponibilité des surfaces autour des bâtiments, à la maîtrise d'une gestion de l'herbe performante et de la culture des légumineuses », souligne Patrick Meunier, le responsable projet coopératif du groupe. La coopérative propose des formations au pâturage tournant dynamique et à la récolte des légumineuses pour limiter les pertes de feuilles.

(1) « Nouvelles démarches « Lait à l'herbe », « Lait sans OGM » : j'y vais, j'y vais pas ? » - www.idele.fr

 

Cote d'alerte à 280 €/t pour le tourteau de colza

Eilyps a réalisé des simulations techniques, économiques, systèmes… pour mesurer les impacts du passage en filière non OGM sur les bénéfices attendus pour un éleveur qui réfléchit à s’engager. Les hypothèses de départ étaient les suivantes : référence de 800 000 l de lait produits par 90 vaches, plus-value de 10 €/1000 l de lait, et des prix d’aliments du commerce constants. « Avec un tourteau de colza certifié non OGM à 245 €/1 000 l, l'éleveur peut réaliser un bénéfice de 5 à 6 €/1 000 l. En revanche, si son prix grimpe à 280-290 €/t, le bénéfice diminue fortement ", indique Anthony Baslé, d'Eilyps. « L'intérêt économique s'améliore quand le passage en non-OGM s'accompagne d'une augmentation du droit à produire, comme le proposent certaines laiteries », précise le consultant. « La simulation économique reste donc un élément nécessaire avant de franchir le pas, afin de mesurer les impacts sur toute la stratégie d’exploitation, de l’animal au fourrage, en passant par les bâtiments. »

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