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Les laiteries et tommes des Pyrénées

Au pays des brebis laitières, les tommes de chèvre des Pyrénées ne sont pas toutes fabriquées avec du lait pyrénéen. Décryptage des laiteries du massif.

Contrairement à celle du lait de vache et de brebis, la collecte de lait de chèvre dans les Pyrénées est assez récente. Pourtant, les chèvres étaient traditionnellement présentes dans les fermes. Aujourd’hui, entre les Pyrénées-Atlantiques et les Pyrénées-Orientales, près de 200 éleveurs caprins laitiers, dont 20 % de livreurs, possèdent 17 000 têtes.

À défaut d’appellation caprine dans la zone, la collecte a évolué parallèlement aux modes de consommation : initialement pour combler en saison creuse les manques de lait d’autres espèces, puis pour diversifier la transformation fromagère des laiteries, et plus récemment, destinée à la production de yaourts. Les industriels privés ou coopératifs présents sur le massif sont le reflet de cette évolution.

Diversification timide

Traditionnellement, dans les Pyrénées, les fromageries produisent de la tomme de vache ou de brebis. Cependant, pour se diversifier la plupart d’entre elles, propose des tommes mixtes et pures chèvre. Parmi elles, les fromageries spécialisées en lait de brebis, comme celle de Matocq, filiale de Lactalis. Elle complète ses volumes avec du lait de vache et un peu de lait de chèvre (240 000 litres) qu’elle va chercher dans l’Aveyron, le Lot et le Tarn, pour produire une tomme mixte (brebis-chèvre) et un pur chèvre.

À une autre échelle, les fromageries Occitanes (coopérative Sodiaal), transforment le plus gros volume : 4,2 millions de litres de chèvre. Pourtant elle, non plus ne collecte pas en local. Son lait vient du Tarn et du Gers.

En fait, la référence pyrénéenne se trouve en Ariège : la fromagerie Jean Faup, dans la chèvre depuis 20 ans. Cette laiterie privée est reconnue, parce qu’elle n’achète pas de lait en dehors du bassin. Elle ramasse 1,8 million de litres auprès d’une quinzaine d’éleveurs locaux et fidèles, malgré l’absence de contrats de collecte. C’est probablement en raison de ses prix, 6 % au-dessus de la référence sud-ouest. « Nous revalorisons également le lait de pâturage de 30 €/1 000 l au producteur, même si nous n’avons pas de fromage sous cette référence", précise Didier Lemasson, son directeur. Depuis huit ans, Jean Faup a arrêté les lactiques en se concentrant sur son cœur de métier et le process qu’elle maîtrise : la tomme.

Originalité récompensée

A contrario, Onetik, filiale de la coopérative d’éleveurs ovins Berria, au Pays Basque, tente des diversifications originales plus ou moins réussies. Si sa mozarella n’a pas bien fonctionné, son Bleu des Basques, chèvre à pâte persillée, inspiré de Roquefort est régulièrement récompensé par divers concours, World cheese awards et Capr’Inov 2016 notamment. « Pour pouvoir percer sur le marché, il faut pouvoir transformer et donc collecter toute l’année. Un nombre minium et une bonne diversité d’élevages sont indispensable » constate Beñat Saint-Esteben, président de Berria. La coopérative se fournit, auprès d’une dizaine et bientôt une douzaine d’éleveurs caprins, dans un rayon de 50 kilomètres environ. Ayant plus de succès que de litrages (elle achète hors zone), la coopérative garantit un prix minimum, afin d’inciter de nouvelles installations en chèvre.

À l’image d’Agour, d’autres laiteries travaillent le lait de chèvre mais n’ont pas organisé de collecte. Elles préfèrent alors acheter le lait spot en France ou en Espagne.

Montée en puissance des yaourts

Aucune des fromageries précitées ne produit de bûches, crottins, frais ou lactiques. Elles préfèrent transposer leur process vache et brebis, en chèvre. « Un savoir-faire décliné pour le rentabiliser », décrit l’un d’eux. Cachés dans ce paysage, deux très jeunes outsiders se font discrets. Pourtant, ici comme ailleurs en France, les yaourts aux laits de brebis et de chèvre profitent d’une nouvelle tendance nutritionnelle. En l’espace d’un an, les deux artisans basques ont su prendre cette vague : Baskalia à Espelette, avec trois références dont une faisselle, et Bastidarra, à Bardos, labellisé haute valeur environnementale. Avec respectivement 200 000 litres et 15 000 litres, ces deux laiteries collectent encore peu mais elles montrent un dynamisme incontestable pour un début. D’autant plus que Baskalia (ex-Esne Ona) s’est rapproché d’un leader des yaourts et desserts artisanaux : Pechalou (Périgord). Ce dernier axant beaucoup son développement dans le bio, d’autres défis attendent les chèvres des Pyrénées.

À la recherche de livreurs locaux

Toutes les laiteries prétendent être à la recherche de volumes. Les grands opérateurs, Lactalis et Sodiaal, mettent à profit leur collecte nationale, préférant transporter le lait jusqu’aux fromageries pyrénéennes, afin d’élargir leur gamme avec un même lait. « Nous sommes prêts à soutenir d’éventuels producteurs pyrénéens », défend cependant Philippe Bru, éleveur de chèvres du Tarn et coopérateur Sodiaal. Didier Lemasson admet que la force et la faiblesse de Jean Faup, sont son autosuffisance en lait. « En zone de montagne, les installations en chèvre sont peu nombreuses. Pour maintenir une collecte rentable, il faut des volumes seuil » précise-t-il.

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