« J'ai ouvert mon bâtiment d'élevage en grand »
En Ardèche, le bâtiment des 180 chèvres de Laurent et Marie-Hélène Poulet est ouvert sur le côté sud. Les chèvres sont au grand air et à l’ombre en été, mais au soleil et à l’abri des intempéries en hiver.
En Ardèche, le bâtiment des 180 chèvres de Laurent et Marie-Hélène Poulet est ouvert sur le côté sud. Les chèvres sont au grand air et à l’ombre en été, mais au soleil et à l’abri des intempéries en hiver.
Les chèvres du Gaec Là-bas aiment le grand air entre un pâturage, huit mois par an, et un bâtiment grand ouvert. À Saint-Alban-d’Ay, en Ardèche, la chèvrerie de 193 places est ouverte sur son côté sud. Ainsi, en hiver, les chèvres profitent du soleil sur l’aire paillée. « Quand il fait vraiment froid, elles ont le soleil de 8 heures du matin jusqu’à 4 heures de l’après-midi », explique Laurent Poulet. En été, le soleil est haut et les rayons n’arrivent pas jusqu’aux chèvres. En revanche, ce bâtiment bioclimatique et ouvert offre de l’air à foison. « C’est comme si elles étaient tout le temps sous un arbre. On n’a pas besoin de générer des courants d’air en ouvrant plus ou moins les portes. »
Le bâtiment Roiné en bois date de 2017. Il reproduit à l’identique un ancien bâtiment datant de 2012 qui est parti en fumée lors d’un incendie. « Nous sommes arrivés en Ardèche il y a vingt ans, racontent Marie-Hélène et Laurent Poulet. Nous nous sommes installés sur une exploitation en location et nous avons construit un bâtiment traditionnel, avec couloir central et aire paillée de chaque côté. Quand le propriétaire a voulu reprendre la ferme au bout de neuf ans, nous avons démonté le bâtiment et l’avons modifié pour l’ouvrir d’un côté. »
Les chèvres cherchent le soleil en hiver
Le bâtiment dispose de 5 mètres d’aire paillée et de 4,5 mètres d’espace pour l’alimentation. Au centre se trouvent les silos et l’aire de stockage du robot filoguidé distributeur de concentrés Méchineau. Les balles rondes de foin sont stockées sous l’auvent, à environ 50 cm de l’aplomb de la gouttière. « Elles ne se mouillent peut-être que deux fois par an, mais ça reste très superficiel. » Le paillage se fait facilement à l’aide du chargeur télescopique.
L’idée d’ouvrir le bâtiment est née d’une observation en hiver : « Il avait fait froid pendant trois semaines en février au point que les abreuvoirs avaient gelé, explique Laurent, 55 ans. Quand on a ouvert les portes du sud pour leur apporter de l’eau, on a vu que les chèvres étaient toutes allées se mettre au soleil. » De quoi inciter les éleveurs à réfléchir au bien-être de leurs chèvres.
Mettre une veste pour que les chèvres n’aient pas froid !
Pour l’éleveur, le froid n’est pas un problème. « En Ardèche, à 450 mètres d’altitude, il y a peu d’hiver. » L’éleveur a quand même fait passer les canalisations d’eau dans des caissons entourés de mousse. Depuis qu’il est installé ici, le thermomètre est descendu plusieurs fois jusqu’à moins 7 °C, mais, jusqu’à maintenant, l’eau a toujours continué à couler dans au moins un des abreuvoirs. « Et si jamais ça gelait, ça ne serait que la partie supérieure qu’il est possible de dégeler en rajoutant de l’eau chaude », rassure-t-il. Son astuce pour ne pas avoir l’impression que les animaux ont froid ? Remettre une épaisseur sur ces épaules, car « si toi tu n’as pas froid, tu n’as pas l’impression que tes chèvres ont froid ! »
Pour l’instant, la production laitière s’est toujours maintenue lors des rares épisodes de grand froid. Les vents froids arrivent plutôt de derrière et les bêtes sont protégées. La chaleur du fumier permet aussi de gagner quelques degrés. « En fait, le pire, c’est quand il fait un peu froid, mais surtout très humide, quand il y a du brouillard et que l’air ne circule pas. C’est là où les chèvres se sentent le moins bien, et la paille va ramollir un peu. » L’autre crainte vient de la pluie, mais elle est apportée le plus souvent par des vents d’ouest et ne mouille quasiment jamais le couloir. Une gouttière éloigne l’eau de la toiture et une légère pente douce évite à l’eau de stagner et de mouiller les balles entreposées.
Trop de lumière dans les yeux ?
Avec une seule ouverture, il n’y a pas de vent dans le bâtiment, mais l’air circule d’autant mieux que les bardages sont ajourés. Et avec cette vie au grand air, les chèvres n’ont aucun problème pulmonaire. « On avait eu du mycoplasme dans le bâtiment fermé mais, là avec les UV, il n’y en a plus du tout. »
Le gros du troupeau met bas fin août-début septembre. Les chèvres qui ne sont pas pleines restent en lactation jusqu’au printemps. Toute cette luminosité ne semble pas perturber le dessaisonnement du troupeau. « Ce qui compte, c’est d’avoir des jours courts, puis des jours longs. On laisse donc les lampes LED allumées en octobre de 5 h 30 à 7 h 30 le matin, puis de 21 h 30 à 23 h 30 le soir, et on arrête 50 jours avant l’introduction des boucs. » Mais cette année, cela n’a pas trop marché. « C’est possible que le mois d’octobre ait été tellement beau qu’elles n’aient pas perçu les jours courts et qu’elles se soient désaisonnées comme sous les tropiques », suppose Laurent Poulet.
Isolation de la toiture
Les chèvres pâturent quasiment toute l’année. Elles ne restent en bâtiment l’hiver que de début décembre au 15 février environ. « Début juin, arrivé au bout du printemps, on les rentre, on les déparasite, puis on les ressortira au tarissement, vers la mi-juillet dans des landes, des sous-bois et des repousses de prairies. » Après les mises bas de septembre, elles profitent encore des prairies jusqu’à début décembre.
Prochainement, le Gaec va profiter du plan de filière caprine de la région Auvergne-Rhône-Alpes pour se faire financer 40 % des 3 000 euros nécessaires pour visser des panneaux OSB sous la toiture. « En rajoutant ces planches de bois aggloméré, on va réduire l’effet rayonnant du bac acier l’été », espère l’éleveur. De quoi améliorer encore le confort des chèvres.
Chiffres clés
Conscient du réchauffement
L’élevage de Laurent et Marie-Hélène Poulet n’échappe pas au réchauffement climatique et les conséquences de ce réchauffement sont de plus en plus palpables. Par exemple, les hivers doux ne permettent plus d’éliminer les parasites correctement. Les ténias notamment sont de plus présents alors que les strongles, au contraire, sont moins actifs avec les sécheresses à répétition. Laurent Poulet sait aussi qu’il devra s’adapter à davantage de sécheresses en été et en hiver et des printemps plus humides. Avec un groupe d’éleveurs, il participe aux réflexions du projet ADAoPT pour adapter le cahier des charges de l’AOP picodon aux nouvelles contraintes climatiques. La présence du loup est une autre source d’inquiétude qui pourrait remettre en cause le fonctionnement du système alors que le troupeau va chercher quasiment 40 % de la ration sous forme de pâturage.