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Pêche et abricot : l’évaluation variétale en bas-intrants phytosanitaires reste délicate

La station SudExpé à Saint-Gilles dans le Gard a lancé, dès 2018, un programme d’évaluation des variétés de pêches et abricots en bas-intrants phytosanitaires. Le point sur les observations réalisées en pêches et nectarines entre 2021 et 2024. [Article rédigé par Sophie Sabot]

Vers quelles variétés s’orienter en pêches ou nectarines pour préserver le potentiel de production tout en répondant aux injonctions sociétales et/ou réglementaires du bas niveau d’intrants (bas-intrants) phytosanitaires ? La question est épineuse mais surtout urgente à l’heure où certaines molécules sont clairement sur la sellette sans solution alternative pour les producteurs.

Depuis 2018, la station SudExpé a mis en place des évaluations variétales en conditions de faibles intrants phytosanitaires. Maëlle Guiraud, responsable du programme pêches-nectarines à SudExpé, rappelle que les premières plantations spécifiques pour ce suivi ont eu lieu en 2018. « Nous avions donc démarré en parallèle un suivi sur les anciennes collections », souligne-t-elle. Les trois premières années du programme ont permis d’affiner les critères d’évaluation et les stratégies de protection. Une nouvelle vague d’évaluation a été programmée entre 2021 à 2024. SudExpé a dévoilé récemment le bilan de ces quatre campagnes.

45 variétés suivies en production en 2024

Qu’en retenir ? D’abord qu’entre 2021 et 2024, soixante-dix variétés en pêches et nectarines ont été évaluées au moins deux années et jusqu’à quatre pour certaines. « En 2024, nous avons pu suivre quarante-cinq variétés en production », précise la responsable du programme. De ces quatre années de suivi, SudExpé tire notamment un bilan de comportement vis-à-vis de la cloque et un bilan de comportement récolte. Maëlle Guiraud invite à rester prudent sur ce bilan puisqu’il est établi selon les critères d’acceptabilité définis par SudExpé. Ceux-ci pourront diverger pour chaque producteur.

Sur le comportement « cloque » en bas-intrants (voir encadré pour la stratégie appliquée), le classement est établi selon six tranches de symptômes observés : 0 % de l’arbre atteint (aucun symptôme), __SWYP_INC__ 10 % (quelques foyers sans conséquence), 10 à 20 % (peu de conséquences, pas de prophylaxie), 20 à 40 % (dégâts significatifs, prophylaxie recommandée, possible impact économique), 40 à 50 % (dégâts graves, impact économique) et > 50 % (mise en péril de la production, voire de la culture).

En pêches jaunes, deux variétés confirment sur quatre ans leur comportement intéressant (10 à 20 % maximum de l’arbre atteint) sur la stratégie appliquée : il s’agit de variétés issues de la tranche de plantation 2010, à savoir Tonicsun® Crispbella cov et Tonicsun® Crispstar cov. D’autres variétés, plantées en 2021, ont offert sur les deux premières campagnes de production (2023 et 2024) un comportement « cloque » intéressant à moins de 10 % de dégâts sur l’arbre en stratégie bas-intrants. À relativiser toutefois puisque les niveaux d’inoculum sont encore faibles pour ces jeunes vergers. Ces bons résultats seront donc à confirmer pour Pajeny cov, Coraline® Monco cov, Tonicsun® Crispdream cov, Tonicsun® Crisplova cov, Pajalade cov et Tonicsun® Crispsol cov.

Impact de la tordeuse en fin de saison

Les observations sur le comportement « cloque » doivent également être mises en perspective des comportements récolte et de l’impact d’autres bioagresseurs. « En pêches, nous avons considéré les rendements, le calibre et le pourcentage de fruits non commercialisables. Sur ce dernier point, nous considérons le comportement acceptable jusqu’à 10 % de pertes (1) », indique Maëlle Guiraud. Des variétés comme Crispbella et Crispstar ont confirmé leur bon comportement récolte en stratégie bas-intrants, avec moins de 10 % de fruits non commercialisables. Sur les variétés observées depuis 2021, Tonicsun® Crispdream cov et Pajalade présentent aussi un bon comportement à la récolte, avec pour la première des rendements à 35 tonnes par hectare avec des calibres A et pour la seconde 36 tonnes par hectare avec des calibres 2A.

Arizona cov, suivie depuis 2021, présente aussi un bon comportement à la récolte avec un comportement « cloque » à confirmer. Tonicsun® Crisplova cov et Tonicsun® Crispsol cov voient en revanche leur comportement à la récolte, affecté par un gros impact de la tordeuse et d’Anarsia en fin de saison. La représentante de SudExpé signale que, de façon générale en stratégie bas-intrants, ces deux ravageurs ont un impact non négligeable sur le comportement des variétés récoltées à partir de fin juillet.

Le bas-intrants compliqué en nectarines

En pêches blanches, aucune variété suivie sur quatre ans ne se détache pour le moment positivement par rapport au comportement cloque. Parmi celles implantées en 2021 et suivies depuis 2023, Melox® 32 a présenté à la fois un bon comportement face à la cloque et un bon comportement à la récolte. À suivre donc. En nectarines jaunes, le nombre de variétés évaluées entre 2021 et 2024 était restreint. « Les comportements sont plus homogènes qu’en pêche mais il n’y a pas pour l’instant de variétés encourageantes sur la tolérance cloque », confirme Maëlle Guiraud.

Quant au comportement à la récolte, il est évalué par SudExpé en tolérant jusqu’à 15 % (1) de fruits non commercialisables sur le total récolté. Seule la variété Kinolea cov, implantée en 2018, a un comportement sur quatre ans acceptable pour la cloque (moins de 20 % de l’arbre atteint) et ne dépasse pas 15 % de déchets à la récolte grâce à un bon comportement face au Thrips meridionalis. En nectarines blanches enfin, seule Nectasweet® Nectadream cov, implantée depuis 2010, se démarque dans son comportement « cloque » mais décroche sur son comportement à la récolte, notamment par un fort impact du thrips et dans une moindre mesure de la tordeuse et d’Anarsia.

(1) Uniquement les pertes liées à des problèmes phytosanitaires. Cela n’inclut pas les écarts de tri liés au cracking, boisage…

Le verger bas-intrants phytosanitaires de SudExpé

Plusieurs critères définissent le verger bas-intrants phytos évalué par SudExpé. Celui-ci est mené sans désherbage chimique, remplacé par un entretien mécanique ou par l’utilisation de bâches tissées sur les nouveaux vergers. La protection phytosanitaire est considérablement allégée sauf en 1ère et 2e feuilles pour installer un verger robuste. Les produits de biocontrôle (homologués AB ou pas) et les produits AB (biocontrôle ou pas) sont utilisés en priorité sauf en cas d’impasse technique. La solution chimique ou « traitement pompier » est prévue si la production est mise en péril. Enfin, l’irrigation et la fertilisation ne sont pas concernées par la stratégie bas-intrants. Elles sont conduites de manière raisonnée.

Des impasses techniques confirmées

Après ces quatre années d’évaluation, SudExpé livre un bilan mitigé. « La stratégie bas-intrants peut se révéler efficace pour certaines variétés et seulement sur certains bioagresseurs : cloque, oïdium, rouille voire tordeuse avec certaines limites sur la saison. Cette efficacité est aussi à relativiser en fonction des conditions de pression, du taux d’inoculum… Enfin, il reste de vraies impasses techniques en pêches-nectarines. Il est aujourd’hui impossible de gérer les maladies de conservation, les différentes cochenilles présentes dans certains vergers ou de grosses attaques de pucerons sans solutions chimiques. Sans oublier que la stratégie bas-intrants induit des risques de phytotoxicité accrus », avertit Maëlle Guiraud.

On retiendra aussi que cette stratégie offre de meilleurs résultats sur pêches que sur nectarines et que les variétés sur créneaux précoces sont celles qui se comportent le mieux, hors attaque grave de pucerons. Enfin, SudExpé pointe du doigt une perte systématique au minimum d’un calibre en bas-intrants phytosanitaires et une perte de tonnage parfois majeure selon les variétés. Une quarantaine d’autres variétés, implantées récemment, viendront alimenter les suivis ces prochaines années, tandis que les plus anciennes (tranche de plantation 2010) seront arrêtées. Ces nouvelles variétés compléteront le calendrier déjà en place, que ce soit en pêches ou nectarines, blanches et jaunes. Mais on ne peut cacher que cette évaluation variétale bas-intrants a du mal à trouver du succès sur l’ensemble de la filière. Et Maëlle Guiraud de préciser : « Si les producteurs trouvent un intérêt dans ces travaux, la collecte de matériel végétal pour alimenter les calendriers de production reste une étape difficile à accomplir mais indispensable à la poursuite de ces travaux. »

Rédaction Réussir

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