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Ces chères datas

La filière vitivinicole génère de plus en plus de données numériques. Mais quelle stratégie a-t-elle mis en place derrière ? Le point sur les différentes avancées amont et aval, dans ce domaine si stratégique.

La gestion des données numériques est en passe de révolutionner notre filière. Pourtant si nous n’y prenons garde, ces informations stratégiques risquent de retomber dans les mains d’entreprises privées, qui en tireront alors profit à la place des vignerons. Ou des législateurs, qui imposeront alors leurs normes. « Il est primordial que la filière y ait réfléchi en amont afin de ne pas subir la pression réglementaire », insiste Jean-Pierre Chanet, de l’Irstea, qui travaille sur ces thématiques, notamment au sein de la chaire AgroTIC. Différents organismes publics, au sein de la filière, sont donc en pleine réflexion sur le sujet. Car de nombreuses questions se posent, telles que les paramètres stratégiques à générer, les informations à partager, la redistribution de la valeur, la protection du flux d’information, afin d’éviter tout piratage, etc.

Analyser les informations pour créer des OAD

Pour l’heure, la filière produit de multiples données. Au vignoble, les drones, les pièges connectés, les capteurs NDVI, ou encore de flux de sève, génèrent par exemple des renseignements. Au chai, les capteurs de suivi des fermentations alcooliques ou de gestion du creux des barriques en font de même. Et l’enjeu derrière ces datas est important. Prenons l’exemple des stations de météo connectées. Elles permettent de récolter des données climatiques au niveau parcellaire. Leur récupération, agrégation, corrélation avec l’état végétatif de la vigne et analyse pourraient aider les assureurs à affiner leur offre en termes de couverture des aléas climatiques. Mais utilisées par les vignerons, elles pourraient déboucher sur une meilleure prévision de leurs risques. « Pour cela, il faudrait mettre en place un registre des sinistres, explique Luc Boucher, conseiller en gestion des risques, et le corréler à un historique météorologique. Et il faudrait même mesurer l’évolution du changement climatique en cours, et le croiser avec les dommages sur la vigne. Il y a là un enjeu de filière. Car si on laisse la main aux assureurs, ils vont augmenter leurs prix. » À l’heure actuelle, il estime que les organismes professionnels ne se sont, à tort, pas emparés du sujet. Ce qui n’est pas tout à fait exact. Sous la houlette de l’IFV et de l’Inra notamment, on assiste à l’émergence de réseaux d’observation des ravageurs et de surveillance du territoire, qui pourrait à termes englober ce type d’informations. « La volonté de la filière est de mettre en place un partage des données, indique Gilles Brianceau, directeur du cluster Inno’vin. Mais nous n’en sommes encore qu’aux prémices. » L’analyse de ces datas pourrait à terme permettre de développer des outils d’aide à la décision (OAD), pour affiner et réduire les traitements, limiter le sulfitage, détecter les résidus en amont, renforcer la traçabilité ou encore augmenter la qualité. Mais afin de pouvoir employer ces informations, il faudrait déjà travailler à leur standardisation. « Jusqu’à présent, chaque constructeur créait ses capteurs, puis sa plateforme de visualisation des données, poursuit Gilles Brianceau. Mais cela évolue. Les entreprises commencent à mettre en place des systèmes ouverts et travaillent sur l’interopérabilité même s’il reste encore à opérer le transfert terrain. »

Ce qui est déjà le cas dans l’aval de la filière. Regroupés au sein de l’organisation à but non lucratif, GS1 France, les représentants du secteur (UMvin, Vif, et l’UNSCV pour la CCVF) sont tombés d’accord sur l’importance d’une codification unique des produits. Un code à 13 chiffres, le GTIN (Global trade item number, ou code article international) permet de standardiser le flux d’information, afin que tous les opérateurs disposent d’un langage unique.

Un code à 13 chiffres pour davantage de traçabilité

Peu de temps après, la filière a souhaité compiler les informations « amont », de type : produit phytosanitaire employé lors des traitements, engrais épandu, bouteille employée, etc., dans un code, pour des questions de traçabilité et d’authentification. « Nous sommes allés assez vite sur cette question, explique Paul Bounaud de GS1, car parmi nos adhérents, figurent les firmes phytosanitaires, qui avaient déjà réalisé tout ce travail de standardisation des données. » Des vignerons flashent donc les étiquettes de leurs phytos, matières sèches, etc., pour simplifier les enregistrements d’informations de traçabilité et la gestion des stocks (n° de lot, n° de tracking, DLUO, etc.). Le but est que dès la source, l’information soit standardisée par la marque. Ensuite, chaque opérateur voit comment il souhaite gérer sa diffusion. Toutes ces données se retrouvent donc elles aussi associées au code GTIN.

Et l’organisation s’attelle à présent à la gestion des informations « produit » pour le commerce omnicanal (cavistes, e-commerce, export, etc.). « Le but est d’accompagner la filière dans la digitalisation du packaging, afin de permettre un maximum de ventes grâce à une information exploitable par l’ensemble des clients jusqu’aux consommateurs via notamment des applications », avance Paul Bounaud. La réflexion a été lancée en janvier, et le but est que tout soit calé pour la fin de l’année. Ce travail devrait déboucher sur une fiche produit optimisée à remplir une seule fois par les vignerons et qui contiendrait une trentaine d’informations, des renseignements de base (nom du domaine, millésime, % alcool, etc.), à ceux de différentiation (notes de dégustation, caractéristiques organoleptiques, etc.), à valeur ajoutée. Le tout serait corrélé à un GTIN, transmis sur la facture ou apposé sur la bouteille, selon le choix du client. « Le but est aussi, derrière, de faciliter la logistique », indique Paul Bounaud.

Des entreprises sont déjà sur les starting-blocks pour employer ces fiches normalisées, à l’instar de Matcha, jeune entreprise de la Wine Tech, qui vise à remplacer le sommelier partout où il ne peut y en avoir, par le biais d’applications, mais aussi à moyen terme de chatbox ou de robot. C’est certain, les datas n’ont pas fini de transformer notre quotidien.

témoignage

Olivier Mouraud, directeur commercial domaine Bougrier

« Une fiabilisation et un gain de temps »

« L’entreprise adhère à GS1 depuis très longtemps, car nous estimons que pour que les normes ne soient pas faites uniquement pour les grosses entreprises, il faut s’impliquer dès le départ. Nous avons par exemple obtenu que le Gen code ne change pas à chaque millésime.

La standardisation des données nous a permis de mieux gérer certains postes, car la codification entraîne la rigueur. Cela permet de tracer les produits entrants (phytos, engrais, produits œnologiques, bouteilles, bouchons, capsules, etc.) et sortants ; c’est une chaîne de traçabilité et de sécurisation du produit. C’est très rassurant pour les clients, notamment sur les MDD. Pour certaines enseignes, c’est une condition quasi sine qua non pour travailler avec elles. Cela fiabilise et procure un gain de temps. »

Attention au matériel

Les tracteurs, enjambeurs, et machines à vendanger sont à présent bardés d’électronique, qui génère de précieuses informations. Outre-Atlantique, certains constructeurs récupèrent, moyennant des espèces sonnantes et trébuchantes, ces données, surtout celles émanant des moissonneuses-batteuses. Cela leur permet de prévoir avec un temps d’avance la qualité et la quantité de la récolte. Ces opérateurs peuvent ainsi se positionner avec un temps d’avance sur les marchés à terme. En France, « John Deere collecte déjà les informations provenant de ses tracteurs », informe Jean-Pierre Chanet, de l’Irstea, qui travaille sur ces thématiques, notamment au sein de la chaire AgroTIC. Cette récupération peut s’avérer utile pour l’agriculteur, qui peut disposer de services en retour. « Mais attention, il faut que l’agriculteur ou le vigneron soit conscient de ce qu’il donne, poursuit l’expert. Il est propriétaire des datas, même si elles ne prennent de la valeur que par le partage. » Cette collecte peut être intéressante pour le vigneron, si elle permet de fiabiliser le matériel. Néanmoins, si le constructeur en venait à s’associer à des sociétés de services, cela pourrait lui être moins profitable et il faudrait alors qu’il veille à ne pas se faire vendre de services inutiles…

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