« 4 000 PME n’exploitent pas leur potentiel à l’export »
Les Marchés : En janvier, l’excédent agro-alimentaire a reculé de 40,9 % par rapport à l’année précédente. Faut-il y voir un effet de la crise économique mondiale ?
Benoît Tarche : L’impact de la crise se constate depuis mi-2008 sur la majorité des marchés, l’Espagne et l’Italie ayant même anticipé la tendance. En janvier 2009, s’est confirmée la grande prudence des importateurs, qui réduisent leurs stocks (en particulier de vins et spiritueux), même si la consommation alimentaire demeure bien orientée en Allemagne, Belgique, Russie, voire en Chine, avec toutefois un recentrage sur des produits moins chers et sur la consommation à domicile. Les plus fortes baisses enregistrées en janvier concernent les états-Unis et le Canada (-31,6 % chacun), les Pays-Bas (-25,2 %) et le Royaume-Uni (-20,1 %).
LM : Le recul des exportations porte sur les vins et champagne, les produits laitiers et fromages. Quelles sont les perspectives de ces secteurs en 2009 ?
B.T. : Les baisses de parité de certaines devises par rapport à l’euro (livre, couronne danoise, etc.) ont parfois accentué les effets de la crise et nos positions souffrent sur la plupart de nos marchés traditionnels. Le recul en volume enregistré en 2008 dans les vins (-10,5 %) pourrait s’étendre à la valeur de nos expéditions qui étaient jusque-là préservées (-36,2 % en janvier !). Pour les produits laitiers, la demande a été plus faible en ce début d’année alors qu’en janvier 2008, la collecte était en hausse dans un contexte de prix élevés. Ces menaces doivent inciter les exportateurs à être toujours plus à l’écoute des marchés et à mieux valoriser la flexibilité de leur offre.
LM : Qu’en est-il des produits bruts ?
B.T. : En comparaison d’une année 2008 survitaminée par l’envolée des cours de matières premières, l’année 2009 pourrait paraître plus morose pour les produits bruts.
LM : Quels pays les IAA françaises ont-elles le plus intérêt à cibler ?
B.T. : Il ne faut surtout pas baisser la garde sur nos marchés traditionnels de l’UE (72 % de nos exportations en 2008). Sur le Royaume-Uni et la Belgique, Ubifrance va par exemple développer des rencontres « B to B » mettant en valeur l’adaptation de l’offre française aux nouveaux segments de la « consommation de crise » : MDD certes, mais au-delà, l’innovation, la praticité adaptées aux nouveaux achats impulsifs. En dépit de la crise, nous allons accompagner 20 entreprises françaises début avril aux états-Unis, dans un format de rencontres d’affaires itinérantes très ciblées (French Food Connection). Les destinations outsiders ne sont pas oubliées : nous reprenons pied au Maroc, en accompagnant, en avril, 50 entreprises françaises sur le Salon international de l’agriculture de Meknès. Il en sera de même en Pologne, en Ukraine, en Russie et en Asie.
LM : Pensez-vous que certains secteurs agricoles et alimentaires sous-exploitent leur capacité d’exportation ?
B.T. : Les objectifs assignés à Ubifrance visent à doubler le nombre d’entreprises accompagnées à l’international (soit 20 000) et à recruter 10 000 nouveaux exportateurs d’ici à 2011, tous secteurs confondus. D’importantes marges de progression existent dans l’agroalimentaire où, selon nos estimations, près de 4 000 entreprises auraient un potentiel non encore exprimé à l’international. Il nous faut les identifier avec nos partenaires régionaux, afin de les accompagner sur les marchés les plus adaptés à leur capacité et à leur maturité commerciale. L’an dernier nous avons lancé, en partenariat avec le ministère de l’Agriculture, des opérations dédiées aux primo-exportateurs en Belgique et en Irlande. Avec Interfel et les professionnels des fruits et légumes, nous allons travailler pour passer d’une logique de dégagement à une stratégie d’exportation. Par ailleurs, nous approfondissons des marchés de niche à fort potentiel, comme les bières artisanales aux états-Unis et bientôt au Japon.
LM : Les PME françaises sont-elles bien armées pour vendre leurs produits à l’étranger ?
B.T. : Exporter, ça s’apprend. Il ne suffit pas de participer une fois à un salon et d’expédier un catalogue. Il faut prendre le temps de construire une relation de confiance avec les acheteurs étrangers. Après chaque salon, nous demandons à nos experts de prendre le temps du « debriefing » individuel avec les entreprises, afin d’ajuster les stratégies.
LM : Concrètement, que peut apporter Ubifrance à une PME qui souhaite faire ses premiers pas à l’export ?
B.T. : Tout le dispositif Ubifrance est tendu vers la construction d’une chaîne de valeur ajoutée, depuis l’échelon de proximité en région, jusqu’aux marchés à l’export. Le réseau agroalimentaire d’Ubifrance est fort de 160 experts, mobilisés pour apporter aux entreprises l’information sur les marchés, les opportunités qui s’y présentent, les aider à construire leur stratégie export.
LM : Le réseau Ubifrance - missions économiques a changé. Quelle différence majeure verront les entreprises déjà clientes ?
B.T. : Ubifrance a pour seule ambition d’être encore plus efficace dans les services qu’elle apporte aux entreprises, en proposant des prestations avec plus de valeur ajoutée et avec des coûts en forte réduction du fait d’un doublement de ses crédits d’intervention. Par exemple, le coût d’une rencontre B to B à l’étranger, comme la French Food Connection aux états-Unis, a baissé de 42 % par rapport à 2008.