Aller au contenu principal

Filière brassicole
La malterie européenne en crise de surcapacité

Sur tous les continents, le marché du malt évolue selon un schéma qui piège la malterie européenne dans un effet de ciseau. Ces capacités ont trop fortement augmenté face à une demande export en repli généralisé.


Aux malteries franco-suisses d´Issoudun dans l´Indre, cuves de trempage puis tours de germination et de touraillage (séchage) se remplissent et se vident de lots d´orge sans discontinuer. Au total, pas loin de 200 000 tonnes d´orge brassicole par an qui, après neuf à dix jours, se seront transformées en 150 000 tonnes de malt. La malterie d´Issoudun, qui a vu ses capacités doubler depuis son rachat par le groupe coopératif Épis-Centre en 1993, fait aujourd´hui partie du groupe européen Boortmalt. Le rapprochement remonte à la fin de la campagne 2003-2004, date à laquelle Épis-Centre est entré majoritairement au capital de Boortmalt, joignant sa filiale malterie franco-suisse aux installations de cette société belge. L´ensemble représente une capacité de production de 500 000 tonnes de malt, en Belgique, en France en Croatie et en Chine.
Son développement témoigne d´une décennie globalement faste qui vient de prendre fin assez brutalement. Ce cycle de développement trouvait sa source dans l´émergence d´une forte demande de malt à l´Est depuis la chute du mur de Berlin et dans la croissance mondiale de la consommation de bière (2 % en moyenne), tirée par l´Asie.
Boortmalt est représentatif de la malterie européenne et notamment française. Elle vend l´essentiel de sa production sur pays tiers.
©E. Baratte

Bouleversement spectaculaire en Russie
« Le marché communautaire représente 14 % de nos ventes, le reste de l´Europe 16 %, l´Amérique centrale et du Sud 30 %, l´Asie 22 % et l´Afrique 18 % », indique Philippe Lehrmann, directeur commercial. « L´industrie de la malterie a construit son développement sur les marchés exports. Elle est de fait très sensible aux mutations du marché », poursuit-il.
Sur tous les continents, le marché du malt évolue selon un schéma qui piège la malterie européenne dans un effet de ciseau. Alors que ses capacités ont augmenté de près d´1,3 million de tonnes de 2000 à 2004, avec des mises en chantier il y a encore deux ans seulement en France, Allemagne, Belgique et Pays-Bas, la demande à l´exportation s´est contractée très sensiblement. « De plus en plus, le malt est produit localement avec pour conséquence la baisse sensible ou la disparition de certaines destinations. Les marchés sont dynamiques en brasserie mais la demande supplémentaire de malt ne s´approvisionne pas en Europe », résume Daniel Huvet, directeur général international de Malteurop, numéro trois mondial.

« Pour la Russie, c´est réglé. Au Brésil, la baisse est rapide. En Amérique centrale, des destinations comme le Venezuela représentent des volumes importants. Mais il ne faut pas négliger l´influence des entités régionales de libre échange comme le Mercosur qui structurent les flux selon des logiques régionales », poursuit-il de concert avec Alain Le Floch, directeur de Malteurop.
Le bouleversement le plus spectaculaire s´est produit en Russie où se sont ouvertes « 800 000 tonnes de capacité entre 2003 et 2005 », indique une note d´Euromalt.

Fermetures en Angleterre et en Allemagne
Outre la disparition d´un débouché massif, celles-ci promettent très probablement l´avènement d´un nouveau concurrent sur les marchés. Il y a seulement trois ans, les exportations de l´UE vers la Russie culminaient à 500 000 tonnes.
En Asie, la croissance chinoise est dynamique. Mais, en maintenant des droits de douane élevés sur le malt et faibles sur l´orge, les Chinois ont choisi de malter eux-mêmes des orges d´importation, surtout australiennes par proximité logistique mais aussi françaises et canadiennes. La part de marché du malt européen vers le Japon, traditionnel gros importateur s´érode inexorablement. De près de 345 000 tonnes en 1999, elle a chuté à 263 000 en 2004, selon les statistiques des malteurs de France.
Autre exemple emblématique de la recomposition actuelle du marché, l´Allemagne, plaque tournante traditionnelle des malts communautaires, importe beaucoup moins. « Elle reste jusqu´ici le troisième marché dans le monde, rappelle Philippe Lehrmann. Mais perdant des débouchés à l´Est, la malterie allemande en pleine restructuration se recentre pour alimenter son propre marché. »

Parallèlement, s´ajoutent l´essoufflement de la consommation de bière en Europe et une vague de grandes concentrations chez les brasseurs. L´industrie de la malterie - dont les groupes leader comme Soufflet, Malteurop, Cargill ou Boortmalt ont pourtant une taille mondiale - apparaît désormais atomisée face à des géants internationaux. Les achats de malt deviennent très centralisés exerçant une forte pression sur les prix. « La seule réaction des malteurs a été d´anticiper le déséquilibre offre/demande par une baisse des marges dès les contrats exécutés début 2005 ; la tendance se poursuivant sur 2006. Les marges ne couvrent plus la totalité des frais variables, charges fixes et amortissements », commente Épis-Centre dans son dernier rapport annuel.
Fatale dans un tel contexte, la restructuration de la malterie a commencé en Europe. « Les Anglais ont déjà fermé plus de 150 000 tonnes, 80 000 à 100 000 tonnes devraient suivre cette année, indique Philippe Lehrmann. En Allemagne où il reste encore plus de 60 entreprises, les fermetures portent sur 150 000 tonnes et on s´attend à 100 000 tonnes supplémentaires en 2006 », complète-t-il.

« Mais les surcapacités restent d´au moins 500 000 à 600 000 tonnes en Europe. Il y aura de nouvelles fermetures en 2006 qui devraient concerner de vieilles unités et celles qui sont mal situées par rapport aux rayons d´exportations », estiment Daniel Huvet et Alain Le Floch chez Malteurop. Pour l´heure, en France, seule l´unité Malteurop de Reims (92 000 tonnes) a fermé en 2005. Elle fait suite à l´ouverture de l´unité de 235 000 tonnes à Vitry-le-François.

Chiffres clés
Le marché du malt en millions de tonnes
 Capacité de production mondiale : 21,6.
 Échanges mondiaux : 4,3.
 Production UE : 8,75.
 Part européenne à l´exportation : 2,1 avec un maximum à 2,5 en 2004.
 Production française : 1,4.
 Export français : 1,28.

Source : Malteurs de France.

Les plus lus

<em class="placeholder">Paysage avec diversité culturale.</em>
Telepac 2025 : la rotation des cultures de la BCAE 7 n’est plus obligatoire

La version révisée du plan stratégique national (PSN) de la PAC 2023-2027 vient d’être validée par l’Europe. Pour la PAC…

<em class="placeholder">Plante de datura stramoine en fleur. </em>
« La télédétection du datura par drone me coûte 72 €/ha, mais c’est un outil de lutte indispensable sur mon exploitation des Pyrénées-Atlantiques »

Anne Darrouzet est agricultrice en bio à Bougarber, dans les Pyrénées-Atlantiques. Elle a mené pendant des années une…

<em class="placeholder">Méthaniseur en injection de la coopérative EMC2 à Landres (54).</em>
Méthanisation agricole : des conditions tarifaires qui pourraient booster les projets

La politique de transition énergétique française ouvre de bonnes perspectives pour la production de biométhane. Mais échaudés…

<em class="placeholder">Vincent Prévost, agriculteur à Gueux, dans la Marne</em>
Chardon : « Je garde une attention constante tout au long de la rotation pour limiter cette adventice dans mes parcelles dans la Marne »
Producteur de grandes cultures à Gueux dans la Marne, Vincent Prévost reste vigilant tout au long de la rotation pour limiter au…
<em class="placeholder">Antoine Prévost, exploitant agricole à Foucherolles, dans son champ de blé au printemps 2025.</em>
« La négociation de ma reprise de terres s’est faite en bonne intelligence avec le cédant »

Antoine Prévost, exploitant agricole à Foucherolles, a saisi l’opportunité de reprendre 35 hectares de terres en plus de son…

<em class="placeholder">Visite d&#039;un essais colza organisé par la coopérative Vivescia.</em>
Colza : « Nous recherchons dans le Grand-Est des variétés calmes à l’automne pour les semis de début août, et des variétés très dynamiques pour les semis plus tardifs »
Étienne Mignot est expert innovation agronomique au sein du groupe coopératif Vivescia. Il explique quelles sont les gammes de…
Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 96€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Grandes Cultures
Consultez les revues Réussir Grandes Cultures au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Grandes Cultures