Grandes cultures bio : Quels leviers de résilience face aux crises économiques ?
        
      
      
            Les exploitations de grandes cultures apparaissent parmi les plus durement touchées par la crise de la filière bio. Forte dépendance aux rendements, maîtrise limitée des prix, sont des facteurs explicatifs, mais à conditions égales, certaines exploitations semblent plus résilientes que d’autres.
      
Les exploitations de grandes cultures apparaissent parmi les plus durement touchées par la crise de la filière bio. Forte dépendance aux rendements, maîtrise limitée des prix, sont des facteurs explicatifs, mais à conditions égales, certaines exploitations semblent plus résilientes que d’autres.
 
Les exploitations de grandes cultures bio ont subi, comme en conventionnel, l’effet ciseau de la baisse des prix conjuguée à la hausse des charges. Leurs résultats économiques se sont érodés progressivement à partir de 2023, mais de façon plus ou moins importante selon les exploitations au sein de la filière. « En grandes cultures, le produit est globalement moins stable que dans les autres productions, car il dépend des rendements qui peuvent fluctuer fortement d’une année sur l’autre. Ces variations, associées à une plus faible maîtrise de la vente rendent les exploitations plus fragiles, souligne Caroline Altare, référente bio Rhône-Alpes au Cerfrance. Les trésoreries peuvent se dégrader rapidement, surtout lorsque les annuités d’emprunt pèsent lourd.
Des écarts importants entre exploitations
En période de crise, les écarts entre exploitations tendent à se creuser. Guillaume Lemasle, de l’Atelier des études économiques du Cerfrance Normandie Maine, indique que les exploitations de grandes cultures bio les plus saines aujourd’hui sont celles qui allient de bons rendements, de faibles charges et une bonne gestion de la trésorerie. « Les deux tiers de nos exploitations qui ont encore des trésoreries positives en 2024 sont celles qui ont su gérer les excédents des bonnes années. »
Si le revenu disponible par UTH est en moyenne à 15 000 euros en 2024 dans le Nord-Ouest, en Rhône-Alpes, où les potentiels sont plus faibles, seul le quart supérieur des fermes de grandes cultures bio atteint un revenu disponible de 15 820 euros par UTH, contre -14 491 euros par UTH pour le quart inférieur. « Les fermes qui résistent le mieux sont celles qui ont le moins de SAU par UTH, le moins de charges d’approvisionnement, peu de travaux par entreprise, un niveau d’investissement limité et sans doute de meilleurs rendements », explique Caroline Altare.
Dans le Gers, Michel Lagahe du Cerfrance Gascogne Occitanie, a identifié deux groupes d’exploitations, qui, à systèmes identiques, ont été impactés par la crise de façon différente : « Le premier groupe est à l’équilibre, en sérénité, avec un bon EBE, le second est en danger, avec un gros endettement. » Premier constat, les exploitations à l’équilibre affichent des rendements supérieurs de 6 % en blé tendre, 13 % en tournesol, et 17 % en soja par rapport à des exploitations en danger, en moyenne sur les années 2022, 2023 et 2024. Michel Lagahe observe aussi que certains dans ce groupe produisent des cultures à valeur ajoutée (lentille, pois chiche, maïs pop-corn), et/ou ont investi dans du stockage, ou encore s’impliquent dans la commercialisation.
Au final, les résultats sont sans appel. En moyenne sur 2022, 2023 et 2024, le produit à l’hectare est supérieur de 250 euros (+ 22 %) pour les fermes à l’équilibre, pour des charges opérationnelles et de structure peu différentes entre les deux groupes. L’EBE est de 236 euros par hectare contre - 46 euros par hectare pour les fermes en danger, et le revenu disponible de 30 000 euros contre -15 000 euros. Le responsable indique que dans le Gers, 38 % des surfaces de grandes cultures bio ont disparu entre 2023 et 2025 : « Les plus en difficulté n’ont pas ensemencé leurs parcelles ou ont opté pour des luzernes afin de limiter les pertes financières. »
La diversification de l’assolement est un levier majeur
Les exploitations de grandes cultures bio de la plaine vendéenne, qui intègrent des cultures à forte valeur ajoutée, légumes, semences, plantes aromatiques et médicinales, « tiennent encore la route », souligne Élisabeth Cocaud, de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. A contrario, les exploitations en céréales et oléoprotéagineux classiques, qui étaient déjà fragiles avant la crise, sont en grande difficulté. Pour Michel Lagahe, les cultures à valeur ajoutée sont intéressantes, mais exigent une maîtrise technique pointue : « En Occitanie, les attaques de ravageurs sur lentilles ou soja ont entraîné de lourdes pertes sur certaines exploitations ces deux dernières années. »
Les contrats, qu’ils soient sur des cultures très spécifiques ou sur du blé meunier, constituent des filets de sécurité, mais il faut les honorer. Un autre levier réside dans la capacité des agriculteurs à livrer un produit propre à leur coopérative. « Ceux qui s’en sortent souvent mieux ont des installations de triage et stockage, car ils obtiennent de meilleurs prix. »
« Dans le contexte actuel, une exploitation bio doit être robuste pour gérer l’incertitude », énonce Benoît Mousserin du Cerfrance Synergie Sud-Est. Cela suppose « une stabilité de la production, une diversification des revenus, une optimisation des coûts, la constitution d’une réserve de trésorerie et un accès à des marchés stables ». Si les prix semblent revenus à leur niveau d’avant-crise en 2025, les charges, elles, demeurent élevées. Stéphane Hanquez, de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, insiste sur l’intérêt d’avoir un accès à de la matière organique à moindre coût grâce à la présence d’un élevage sur l’exploitation ou d’éleveurs proches. « Les systèmes associant polycultures et élevage restent les plus résilients en bio. »
Une conjonction de facteurs négatifs entre 2021 à 2024
La filière grandes cultures bio a subi la baisse du prix des céréales bio qui a démarré en 2021 et s’est poursuivie jusqu’en 2024, avec une accentuation particulière entre 2022 et 2023 sur certaines cultures. En parallèle, la flambée des coûts de production a mis à mal des exploitations qui vivaient jusque-là plutôt bien. « La sécheresse de 2022 a accentué les difficultés et 2023 a marqué un décrochage brutal, avec des baisses de prix de 100 euros par tonne sur le blé, et de 150 euros par tonne sur le maïs », illustre Élisabeth Cocaud, de la chambre des Pays de la Loire. Sur les exploitations suivies dans cette région, l’EBE moyen est passé entre 2022 et 2023 de 78 000 à 51 000 euros, et le résultat courant de 53 000 à 21 000 euros.
La campagne 2024 a accentué les difficultés en raison de rendements divisés par deux, d’une qualité médiocre (blé panifiable valorisé en blé fourrager) et de prix encore bas. Le revenu disponible de nos exploitations spécialisées a chuté de 50 % indique Guillaume Lemasle du Cerfrance Normandie Maine.
 
        
     
       
       
       
       
 
 
 
 
 
