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Caprins
Profession "fromage fermier"

Quelle est la place aujourd´hui du métier de fromager fermier face à l´évolution de la société contemporaine et à la perte de confiance auquel est confronté le monde agricole.


C´est à cette problématique du métier de fromager, centrée sur les fondements mêmes de l´activité des fromagers fermiers, telle quelle est vécue par les éleveurs au quotidien, que s´est portée la réflexion du colloque organisé par la région Alpes Provence Côte d´azur, à l´occasion de la dernière assemblée générale de la FRECAP.
Cette région où la quasi totalité du lait est transformé à la ferme a connu, dans le passé, toutes les étapes vécues de façon plus générale par le secteur fromager fermier : de profession marginalisée et dépréciée dans la décennie 70-80, elle est aujourd´hui reconnue avec ses spécificités : plus professionnelle, en phase avec les nouvelles attentes des consommateurs et les orientations de la politique agricole (qualité des produits, traçabilité, territoires etc.).
Mais, paradoxalement, c´est au moment où sa place est enfin reconnue, et après avoir absorbé dans les années 90 le choc des nouvelles réglementations sanitaires, que de nouvelles interrogations sur sa pérennité se font jour : contraintes de la charge de travail, succession, installations, coût des investissements, avenir des petits ateliers, etc. Autant de questions essentielles abordées au travers de témoignages d´éleveurs sur les réalités du métier et d´intervenants extérieurs.
La tribune ©DR

La tribune : Annie Sic a témoigné de son expérience dans la vallée de la Vésubie

Métier à multiples facettes
"Plus qu´un métier c´est une vie et, souvent, plus un choix personnel qu´un héritage familial. On ne peut s´installer comme éleveur fromager fermier qu´à la condition d´avoir un minimum de passion pour le métier. C´est un métier qui comporte des libertés appréciables même si, en contrepartie, existent de vraies contraintes quotidiennes". Eleveuse fromagère dans la vallée de la Vésubie (Alpes Maritimes), Annie Sic a témoigné de son expérience et de sa passion pour son métier.
"Le premier plaisir a été l´achat des chevrettes pour créer le troupeau et sans oublier la fabrication des premiers fromages qui a été vécu comme un moment très fort. La vie d´éleveur fromager c´est souvent un problème de couple, car chacun doit trouver sa place dans les activités, cela en fonction de ses attentes, de ses envies.
C´est petit à petit, au fil des années, que se construit la répartition des tâches, plutôt l´élevage ou plutôt les fromages, sans oublier la commercialisation. Tout est à gérer en même temps : les animaux, la fabrication, la vente, la réglementation et, bien sûr, la vie familiale si importante. Face à cette accumulation, l´éleveur a besoin de l´action collective, car on ne peut vivre en se battant contre tout en permanence. Réfléchir à plusieurs, agir collectivement, permet d´être plus fort, d´autant que chez les fromagers fermiers on trouve souvent de fortes personnalités ! Les hommes et les femmes qui font ce métier sont souvent des passionnés. même si parfois ils sont fatigués !"
Jean-claude Balmelle ©DR

Jean-claude Balmelle : "Nous sommes porteurs d´une authenticité réelle que notre société demande".
Chevrier dans l´Ardèche, Jean-Claude Balmelle s´est interrogé sur la position des éleveurs fromagers dans la société.
"En plus de notre rôle économique, nous jouons un rôle social et culturel dans la société rurale où nous vivons. Nos savoir-faire font partie du patrimoine rural, aussi nous devons savoir expliquer nos pratiques, notre métier, nos produits. Prendre le temps d´expliquer est important, surtout vis-à-vis des consommateurs avec lesquels nous avons un contact privilégié de proximité. Mais attention, il ne faut pas paraître mais être vraiment. Nos pratiques doivent être lisibles, expliquées et explicables auprès de nos voisins et de nos acheteurs. Nous sommes porteurs d´une authenticité réelle que notre société demande. De même, notre élevage doit être bien intégré dans le village et nos pratiques en harmonie avec notre milieu de vie. Sans oublier également que, non seulement nos exploitations doivent être rentables, mais aussi vivables".
Le métier : des individus avant tout
Si les dimensions économiques et sociétales des activités des fromagers fermiers sont importantes, une présentation idyllique n´est cependant pas de mise comme l´ont fait remarqué plusieurs éleveurs au cours du débat.
"Il faut se méfier des clichés car l´évolution des dernières décennies s´est accompagnée de coût sociaux pour la profession, a rappelé Charles Chabot. Nous ne devons pas oublier les difficultés à l´origine de divorces et même de suicides de certains de nos collègues. Ce coût social s´est accompagné d´un coût économique, des élevages ont fait faillite surtout chez les néo-ruraux. Il y a eu de vraies désespérances, aussi serait-il nécessaire de mieux connaître les coût sociaux individuels et collectifs qui ont marqué notre profession. Chaque métier a une face obscure qu´on ne doit pas ignorer".
La solidarité au travers de l´action collective permet de mieux supporter les difficultés "Dans les Hautes-Alpes, nous avons créé une coopérative où se retrouvent essentiellement des femmes" a témoigné Hélène Boussouar en rappelant que deux d´entre elles avaient tragiquement disparues.
Hélène Boussouar ©DR

Hélène Boussouar : "Se retrouver pour parler est un besoin réel".
"Se retrouver pour parler est un réel besoin, parce que cela aide dans le métier tel que nous le vivons. La surcharge de travail que l´on subit dans l´exploitation est parfois difficile à assumer, surtout pour les femmes qui ont moins souvent l´occasion de sortir. C´est pourquoi nous devons réfléchir sur des formules collectives d´aide au travail".
Un métier se construit
Apportant l´éclairage d´un sociologue, Bruno Lemery s´est interrogé sur la façon dont on est passé de la condition paysanne d´autrefois à celle d´un métier exercé par des agriculteurs. Aujourd´hui certains modèles agricoles sont contestés avec la crise de confiance que traverse l´agriculture, aussi l´éleveur-fromager perçoit-il la nécessité de mieux définir son métier face aux attentes de la société.
Les métiers se construisent et celui d´éleveur-fromager s´est bâti sur des compétences, des savoir-faire. Il ne suffit pas de posséder des compétences réelles, encore faut-il savoir les faire reconnaître, sachant que les images des métiers dépendent de ceux que les exercent. C´est un défi que doivent relever les fromagers fermiers tout en ayant conscience que derrière le métier, tel qu´ils l´exercent aujourd´hui, il y a également l´histoire de leur métier et la perception qu´en a leur environnement.
"La dimension humaine et culturelle de votre activité est importante car il n´y a pas que l´économie, a souligné Nicette Aubert représentante du Conseil Régional. Le métier d´agriculteur et surtout celui d´éleveur est important pour notre région et son identité. Chaque fois qu´une exploitation disparaît, que des terres sont abandonnées, ou qu´une maison est rachetée par une personne extérieure, c´est un facteur de déséquilibre. Notre région est modifiée y compris dans ses valeurs culturelles. Nous devons avoir une approche territoriale où les éleveurs qui occupent l´espace jouent un rôle essentiel".
Troupeau en haute-provence ©DR

Troupeau en haute-provence
Il est nécessaire d´avoir une approche territoriale où les éleveurs qui occupent l´espace jouent un rôle essentiel.

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