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L’échec de la politique de protection stricte du loup

L’augmentation constante des attaques aux troupeaux a démontré l’échec d’une politique basée sur la seule protection des troupeaux. La prise de conscience des élus pourrait faire émerger de nouvelles solutions.

Le loup a coûté en 2015 plus de 20 millions d’euros, entre indemnisation des dégâts, moyens de protection, agents publics affectés au dossier… Malgré les moyens mis en œuvre, il a fait la même année près de 9 000 victimes et 2 440 attaques dans 24 départements. Pour le Cerpam (Centre d'études et de réalisations pastorales Alpes Méditerranée), cet échec de la politique de gestion reposant sur la seule protection des troupeaux s’explique par différents facteurs.

D’une part, les modes d’élevage déployés dans les systèmes de montagne méditerranéens, sont particulièrement vulnérables à la prédation. En effet, ils reposent sur la mobilisation de surfaces embroussaillées offrant des ressources alimentaires à moindre coût, mais permettant aux loups d’agir discrètement.
De plus, le chien de race Montagne des Pyrénées (patou), principal moyen de protection mis en avant, n’avait plus été confronté au loup depuis des décennies. Les éleveurs n’ont donc pu bénéficier ni de la base génétique d’une population de chiens en conditions de travail, ni du transfert de savoir-faire d’acteurs les mettant en œuvre, et sont aujourd’hui confrontés au double défi d’avoir des chiens agressifs envers le loup sans l’être envers les autres usagers de l’espace.
Enfin, la protection des troupeaux repose fortement sur la présence de l’homme. Ce temps passé au gardiennage ou à la gestion des chiens, des clôtures, et au rassemblement des animaux affectent le travail productif et la vie familiale et sociale des éleveurs.

Réinstaurer la crainte de l’homme

Depuis vingt ans, l’ensemble des signaux adressés au loup signifient une absence de risque à s’approcher des troupeaux. C’est pourquoi les loups multiplient les tentatives d’attaques sur troupeau, y compris de jour et à proximité des habitations et en présence de l’homme et des chiens. Selon le Cerpam, il faudrait pouvoir opérer des prélèvements ciblés de loups afin de réorienter leur prédation vers la faune sauvage, allant jusqu’à prélever des meutes entières là où elles sont le plus habituées aux proies domestiques. C’est seulement en réinstaurant la crainte de l’homme que l’on peut espérer un retour d'efficacité des moyens de protection. Ensuite, on pourra réinvestir dans une population de chiens en mobilisant des souches et savoir-faire là où ils sont au travail et multiplier les investissements en équipements nécessaires pour la sécurisation du parc de pâturage.

La prise de conscience récente par l’État des limites de cette politique de protection stricte a conduit à engager de véritables prélèvements de loups qui ont atteint 6 % de l’effectif en 2014-15 pour un taux d’accroissement moyen de la population de 16 % par an. Mais le cadre actuel dérogatoire dans la convention de Bern et la directive Habitat est trop strict pour mettre en œuvre une régulation efficace de la population. Les élus se mobilisent sur le dossier et l’Union pour la sauvegarde des activités pastorales et rurales (collectif de maires créé en 2015 suite aux états généraux du col du Glandon), demande la sortie du loup du statut d’espèce strictement protégée.

Un manque de suivi des loups captifs

En attendant, avec 34 loups abattus sur un plafond de 36, les prélèvements ont été stoppés fin décembre pour ne pas risquer de le dépasser. Les organisations professionnelles (FNO, FNSEA, JA et APCA) sont mobilisées pour obtenir un quota supplémentaire pour pouvoir poursuivre les opérations de tirs de défense dans les mêmes conditions et ne pas laisser les éleveurs démunis face aux attaques. Dans ce contexte tendu, la fuite par effraction de six loups du parc animalier du Gévaudan en Lozère met le feu aux poudres, d’autant plus qu’un recensement effectué par la DDT de Lozère a révélé la présence de 40 loups… dans un parc sensé en détenir 32 ! Les syndicats locaux s’interrogent et exigent des réponses : comment se fait-il, quand les éleveurs sont tenus d’identifier tous leurs animaux, qu’il n’en soit pas de même pour les loups élevés en captivité ?

Une brigade pour défendre les troupeaux

Annoncé en juillet 2015 par Ségolène Royal pour venir en appui aux éleveurs connaissant une forte récurrence des attaques, une brigade a été mise en place à l’automne au sein de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage pour permettre le prélèvement de loups lorsque la pression de prédation est trop forte. Dix jeunes ont été recrutés, formés à la connaissance du loup et du pastoralisme et déployés sur le terrain dès l’automne. Ils avouent avoir d’abord essuyé une certaine méfiance des éleveurs, mais avec cinq loups prélevés en six mois, ils ont finalement fait leurs preuves. « Même quand on ne parvient pas à prélever de loups, notre présence crée une certaine agitation qui dissuade les attaques. Ça permet de donner un peu de répit aux éleveurs, ils savent qu’ils peuvent dormir tranquille quand on est là, et ça apaise les esprits. » Les interventions sont programmées sur sollicitation des DDT dans le cadre des tirs de défense et tirs de prélèvement et priorisées en fonction du nombre d’attaques et de victimes, de l’urgence, de la faisabilité.

"Ce n'est pas le métier de l'éleveur de tirer sur le loup"

« Je subis une attaque par mois depuis le début de l’année, explique Emmanuel Verdegl, éleveur de 130 chèvres et 70 brebis à Saint-Martin de Vésubie. J’ai commencé par acheter des chiens de protection. Puis j’ai embauché un berger, et j’ai installé des filets, des clôtures… Mais c’est un stress permanent. Aujourd’hui quand on croise d’autres éleveurs, on ne parle plus de la production mais du loup ! » Il a obtenu des tirs de défense et validé son permis de chasse pour pouvoir défendre son troupeau « Mais ce n’est pas le métier de l’éleveur ou du berger de tirer sur le loup. Les agents de la brigade sont plus aptes à cela et j’espère qu’ils vont réussir. » Les brigadiers prennent contact avec les éleveurs et bergers en arrivant sur le lieu de la mission. « Ils connaissent le terrain et peuvent détenir beaucoup d’indices révélant les habitudes du loup ». Les interventions étant plutôt nocturnes, une caméra thermique leur permet de suivre le déplacement des animaux dans la nuit grâce à la chaleur qu’ils émettent. Le reste de la panoplie se compose d’un phare pour éclairer dans la nuit et d’une carabine. Toutes les missions donnent lieu à la rédaction d’un rapport. Les observations réalisées complètent celles du réseau loup.

Le saviez-vous ?

Dans le nord des Rocheuses, aux États-Unis, le loup qui a bénéficié de programmes de restauration, atteint aujourd’hui 1 700 individus. Les pertes annuelles enregistrées semblent stabilisées autour de 180 bovins et 250 ovins. L’administration est chargée d’assurer un contrôle ciblé des loups à problème par tir létal ou piégeage. Ces prélèvements affectent chaque année environ 15 % de la population, soit 260 loups et peuvent concerner des meutes entières. De plus, le loup a été déclassé et a rejoint la liste des espèces chassables, avec quotas de prélèvement, dans le Montana et l’Idaho. Certaines associations pro-loups, inquiètes des risques de braconnage, participent au dédommagement des éleveurs et au financement de techniques de protection.

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