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Vente directe
Tendance haussière mais pas de chiffres précis pour les circuits courts

En France, la viande bovine n’est pas exclusivement vendue en boucherie ou dans la grande distribution. Vente directe et sites de commerce en ligne font des émules. Impossible pour autant de quantifier ce phénomène.

La consommation française de viande bovine à 1 % ? 3 % ? Davantage ? Il est impossible à ce jour de quantifier précisément la part des tonnages consommés sur territoire français qui ont été achetés par l’intermédiaire de circuits courts. À savoir ceux de la vente directe, pratiquée par bon nombre d’éleveurs, et ceux des ventes en ligne réalisées depuis les sites internet de différents prestataires. « Ces données statistiques n’existent pas », précisait Emmanuel Bernard, éleveur dans la Nièvre et représentant d’Interbev, à l’occasion d’une table ronde organisée lors du dernier concours national de la race Charolaise à Magny-Cours dans ce même département. Impossible également de savoir combien d’exploitations ont opté pour ce mode de commercialisation et impossible aussi de faire une liste exhaustive de la totalité des différents sites permettant d’acheter de la viande en ligne.

Enquête sur les circuits courts

Plusieurs raisons incitent les éleveurs à opter pour les circuits courts. Pour mieux les connaître, l’Institut de l’élevage avait coordonné une enquête à ce sujet. Elle avait été réalisée en 2010 et 2011 auprès d’un panel de 89 élevages situés dans une bonne quinzaine de départements où les systèmes allaitants sont communément rencontrés. Un travail qui, de ce fait, n’est pas quantitativement représentatif de l’ensemble de ce qui se fait au niveau national. Pour autant, il avait permis de montrer la diversité des situations et de donner des repères en termes de stratégie commerciale, d’organisation du travail et de rémunération (1). « Les objectifs ou motivations des éleveurs interrogés pour démarrer cette activité sont souvent multiples, mais la recherche de plus-value économique est quasi unanimement citée par 90 % des éleveurs enquêtés », précise le compte-rendu de cette enquête. « Le souhait d’une meilleure reconnaissance de leur travail vient ensuite (cité par 46 %) ainsi que leur goût pour la relation avec les clients (citée par 35 %). » La mise en place de l’activité en circuits courts fait suite à une installation dans 22 % des ateliers enquêtés.

La proportion d’animaux commercialisés dans les circuits courts est sujette à de fortes variations entre exploitations. « Les élevages enquêtés commercialisent de 3 à 150 animaux par an en circuit court (29 animaux en moyenne), mais les ventes dans ce créneau de la totalité des animaux produits par l’élevage sont peu fréquentes (12 % des cas). »

La décision de commercialiser en vente directe se traduit souvent par une évolution de la conduite. Cela va dans le sens de davantage de finitions mais également d’un rajeunissement des animaux engraissés et ceci plus particulièrement quand il s’agit de femelles. Ces éleveurs tendent également à faire évoluer la gestion de la reproduction. Ils recherchent souvent un étalement des dates de vêlage et une augmentation du taux de renouvellement de façon à être en mesure de proposer des vaches de réforme plus jeunes avec des sorties mieux réparties tout au long de l’année. Pour près de la moitié des éleveurs enquêtés, cette nouvelle activité a eu un impact sur les besoins en main-d’œuvre et a pu se traduire par l’embauche de salariés. Pour les autres, le surplus de travail a été absorbé par une réorganisation des travaux, un recours à de la main-d’œuvre bénévole, la délégation de travaux agricoles en prestation…

Internet favorise les circuits courts

Même si cette enquête ne le précise pas, une bonne partie des éleveurs qui optent pour la vente directe finissent tôt ou tard par mettre en place un site internet. Il leur permet de présenter leur exploitation, faire connaître la façon dont leurs animaux sont élevés et les tarifs auxquels la viande est vendue. Cet outil facilite la gestion des commandes. Il est souvent complété par le recours aux réseaux sociaux pour relancer les clients.

Mais sur internet, les possibilités d’acheter de la viande bovine ne manquent pas. À côté de ce qui est mis en place par des éleveurs, il existe de nombreux autres sites. Mis en ligne par différents prestataires ou entreprises, ils proposent des produits divers et variés à des tarifs tout aussi divers et variés pour des viandes dont les provenances sont là encore diverses et variées. On trouve de tout sur internet : depuis la viande charolaise proposée par 10 kg dans un élevage de Saône-et-Loire et vendue 130 € TTC la caissette jusqu’au bœuf de Kobé Japonais proposé à 420 € le kilo (oui vous avez bien lu, 420 € le kilo !) en passant par l’entrecôte de bœuf Angus d’Argentine affichée par un importateur à 75 €/kg.

Même si les ventes en grande distribution représentaient l’an dernier l’essentiel des tonnages achetés par les Français, la méfiance d’une part croissante des consommateurs vis-à-vis de ce circuit offre autant de possibilités de développer les circuits courts. « Il y a un vrai potentiel de développement, mais il y a de plus en plus de revendeurs '100 % web' qui essaient de prendre des places sur ce marché, sans pour autant gérer la partie abattage découpe et il y en aura de plus en plus », estimait Louis-Bertrand Jeannerod, l’un des participants à la table ronde organisée par le herd-book Charolais (voir encadré). Pour autant, « le marché de la viande en circuit court n’est pas encore saturé surtout quand on travaille dans le cadre de circuit de proximité. Pour ce qui est de mon entreprise, travailler depuis un petit abattoir local situé à proximité immédiate des élevages chez qui nous nous fournissons est un argument de vente. » Et d’ajouter qu’il existe de nouvelles possibilités pour faire du commerce et faciliter la logistique liée au transport du produit avec des possibilités pour expédier des denrées périssables par colis réfrigéré même si cela reste onéreux.

(1) Produire et commercialiser de la viande bovine en circuits courts, document de 28 pages supervisé par l’Institut de l’élevage.

Sébastien Girardet, éleveur

Quatre à cinq vaches par an en vente directe

Éleveur à Cossaye dans le sud de la Nièvre, Sébastien Girardet est à la tête d’une exploitation individuelle on ne peut plus classique pour ce département : 131 ha dont une vingtaine en culture et une petite centaine de vêlage pour une production de broutards associée à la vente de différentes catégories de femelles, maigres ou finies. Son épouse travaille à l’extérieur. « Comment valoriser sa production pour avoir un revenu décent ? Comment conserver ce modèle familial si important à mes yeux pourtant à la merci de l’industrialisation et de la financiarisation de notre profession ? » s’interroge le jeune éleveur. Sur son exploitation, face à la baisse du prix du bétail il a d’abord comprimé les charges et amélioré l’autonomie alimentaire en développant la culture du méteil.

Il a également développé une activité vente directe. Il propose les classiques cartons de viande sous vide et complète cette offre par des viandes en sauces en bocaux. « Le plus compliqué c’est se faire connaître ! J’ai fait un site internet où j’explique comment je travaille. J’ai essayé les flyers sur les voitures ou dans les boîtes aux lettres mais sans grand succès. Je vends par caissettes de cinq kilos et une belle charolaise de 300 kg de viande nette représente 60 colis et souvent pratiquement autant de clients à trouver. Je suis actuellement sur une base de quatre à cinq vaches par an. » Sébastien Girardet analyse cette activité comme gourmande côté temps de travail surtout pour une exploitation individuelle comme la sienne. « Si demain j’arrivais à commercialiser mes animaux de boucherie sur une base de 4,5 €/kg de carcasse, je cesserai cette activité. Je pense qu’il en serait de même pour bon nombre des éleveurs qui ont recours à la vente directe. »

www.charolais-ferme-girardet.fr

Yan Mathioux, société MDB

"Une activité chronophage"

Co-dirigeant de BDM, cabinet d’expertise en nutrition animale, Yan Mathioux a créé l’an dernier avec ses deux associés la société MDB. Sur le principe — proposer de la viande en caissettes à des particuliers ou des restaurants — rien de novateur. Son fonctionnement l’est davantage dans la mesure où cette société prend en charge un point clé de la vente directe qui rebute bien des éleveurs. À savoir le démarchage, la prise de commande, la livraison puis le suivi après-vente et la relance des clients. « L’éleveur ne s’occupe de rien d’autre que de livrer sa bête (génisse ou jeune vache) à l’abattoir de Saint-Amand-Montrond dans le Cher. Notre concept a été lancé en mars 2016. Nous avons démarré avec deux animaux par mois et depuis, ce chiffre est passé à 10. Pour la vente, un seul format : le carton de 10 kg au prix unique de 15,5 €/kg de carcasse. Les éleveurs sont rémunérés 4,5 €/kg, 4,7 € si une bonne conformation et finesse d’os se traduisent par un bon rendement. Ces circuits courts encore loin d’être saturés, mais c’est une activité très chronophage. On envisage l’embauche d’un commercial pour démarcher puis livrer les clients. »

www.viande-du-nutritionniste.com

Louis-Bertrand Jeannerod, "Une boucherie en ligne"

« Notre principe est exactement le même qu’une boucherie, mais en ligne et en ne commercialisant que des produits locaux », explique Louis-Bertrand Jeannerod, créateur de nature-regions.com. Après avoir travaillé plusieurs années à Paris, ce jeune entrepreneur a décidé il y a six ans de revenir dans la Nièvre pour créer sa société. Il écoule via son site bovins et porcins achetés auprès d’un réseau d’éleveurs locaux et abattus à Luzy dans le sud-est du département, où est installée son entreprise de découpe transformation expédition. « Nous avons actuellement 15 fournisseurs. Ils ont ainsi développé la part des animaux finis sur leurs exploitations. » Six ans après sa création, la société abat et vend une moyenne de deux et demi à trois gros bovins, six porcs et un veau par semaine.

La volonté est d’éviter la concurrence avec les éleveurs locaux écoulant déjà une partie de leurs animaux en vente directe auprès d’une clientèle de proximité. L’idée est davantage de prospecter dans les grandes agglomérations. « Le Charolais a une bonne notoriété. On souhaiterait surtout pouvoir disposer de davantage de viande bio. Nos clients nous en redemandent. »

www.nature-regions.com

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