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Préparer les broutards à la transition entre naissage et engraissement

Dans le cadre du projet Welhbeef, l’Institut de l’élevage a testé la préparation complète des broutards à la vente, comme on le rencontre outre-Atlantique, afin de faciliter la transition entre naissage et engraissement.

La préparation sanitaire complète des broutards est une pratique qui apporte des éléments positifs mais elle reste à adapter en fonction du contexte et vient en renforcement des bonnes pratiques d’élevage. © Idele
La préparation sanitaire complète des broutards est une pratique qui apporte des éléments positifs mais elle reste à adapter en fonction du contexte et vient en renforcement des bonnes pratiques d’élevage.
© Idele

L’accumulation d’événements stressants et le mélange de microbismes lors du passage des broutards de leurs élevages d’origine à l’atelier d’engraissement, affaiblissent leur immunité et les rendent plus sensibles aux troubles respiratoires. « La prise en charge ou la prévention de ces maladies par des traitements collectifs trop précoces ne sont aujourd’hui plus des pratiques envisageables, en raison de l’évolution de l’antibiorésistance et pour préserver l’arsenal thérapeutique. Les plans Ecoantibio du ministère de l’Agriculture sont là pour le rappeler. Ils encadrent dorénavant l’utilisation des antibiotiques avec la volonté de la raisonner et de développer des alternatives que ce soit en termes de traitements ou de conduites d’élevage. Dans ce contexte, le projet Welhbeef (1), mené en amont de l’engraissement, visait à évaluer l’amélioration de la santé des bovins par une conduite innovante dont l’objectif est d’habituer et de préparer les broutards à l’engraissement dans des conditions d’élevages commerciaux », souligne Élise Vanbergue, cheffe de projet santé et bien-être à l’Institut de l’élevage.

Lire aussi : L’aromathérapie, une médecine complémentaire à explorer en engraissement

Une préparation complète des broutards à la vente de 50 jours

Un essai en élevages commerciaux avec 168 broutards charolais a été mis en place en 2018. Ainsi, un sevrage précoce des animaux (50 jours avant le départ en centre de tri) a été réalisé chez les neuf naisseurs volontaires du projet. Ceci permettant de dissocier le stress amené par le sevrage de celui engendré par le transport vers le centre de rassemblement.

« Durant cette phase, les broutards, logés en bâtiment pour les habituer, ont été vaccinés contre trois pathogènes responsables des maladies respiratoires (BRSV, BPI3, Mannhemia haemolytica) et vermifugés. Ils ont également reçu une ration équilibrée et enrichie en vitamines, oligoéléments et extraits de plantes. L’objectif étant de booster leur immunité avant l’arrivée en atelier d’engraissement. Ensuite, ces broutards ont suivi le schéma classique (passage en centre de tri avant d’aller chez un des quatre engraisseurs sélectionnés pour l’étude) », expose Élise Vanbergue. Chez chaque naisseur et chaque engraisseur, deux lots ont été mis en place, un lot témoin (schéma habituel) et un lot préparé selon ce protocole. « La conduite témoin a cependant été assez variable chez les naisseurs au niveau des pratiques alimentaires et vaccinales, les éleveurs ayant la liberté de procéder comme ils le font habituellement », note la cheffe de projet.

Des mesures et observations ont été réalisées pour estimer les effets sur la santé des animaux et leurs performances (suivi sanitaire, croissance, immunité, comportement).

Des résultats surprenants chez les engraisseurs

Concernant les performances des animaux, aucune différence significative n’a été mise en évidence pour les croissances, le poids carcasse et la conformation. Du côté sanitaire, contrairement à ce que l’on aurait pu attendre dans le cadre de cette étude, la préparation des jeunes bovins n’a pas vraiment donné lieu à une diminution de la prévalence des troubles respiratoires dans les ateliers d’engraissement. On a même observé une tendance surprenante à une augmentation des troubles respiratoires dans les lots préparés que ce soit pour la morbidité (30 % chez les lots préparés contre 19 % chez les témoins) ou pour les lésions pulmonaires observées post-mortem.

« Ces données nous ont étonnés dans un premier temps. On s’attendait à des résultats inverses au vu des connaissances actuelles. Des éléments permettent cependant de l’expliquer. En premier lieu, le contexte épidémiologique dans les ateliers d’engraissement. Sur les bovins présentant des signes cliniques, des écouvillons nasaux profonds (60) ont été réalisés pour identifier les agents pouvant avoir une responsabilité dans l’apparition de ces signes. Les agents pathogènes les plus présents s’avèrent être le coronavirus bovin (présent dans 81 % des échantillons récoltés) et la pasteurella multocida (47 % des cas). À l’inverse, les agents contre lesquels les animaux ont été vaccinés étaient peu ou pas existants. Ces résultats posent la question de l’étiologie de ces affections respiratoires. Dans notre cas, on ne sait pas si on a été confronté à un contexte régional ou annuel particulier ou si on doit remettre en cause la technique qui a également ses limites. Le contexte épidémiologique des engraisseurs met donc en lumière le moindre bénéfice de la vaccination pour le lot préparé tout comme l’importance du contexte sanitaire dans les élevages receveurs. »

Des conditions d’hébergement essentielles

Le second élément explicatif des résultats sanitaires dans les ateliers d’engraissement réside dans des conditions peu favorables chez les naisseurs qui ont initié des troubles respiratoires. Chez les naisseurs, la morbidité s’est élevée à 1 % pour les animaux témoins contre 18 % pour les préparés. Une fois de plus, ces données sont variables et dépendent du contexte propre à chaque élevage naisseur. « Certes, les observations se sont faites en deux lieux différents, en pâtures pour les témoins, en bâtiments pour les préparés, et peuvent ainsi justifier une expression différentielle de signes cliniques non spécifiques des affections respiratoires. Toutefois, le dosage des cytokines a permis de mettre en évidence que 15 % des animaux des lots préparés se sont retrouvés avec un état inflammatoire modéré à sévère à l’entrée en engraissement probablement en lien avec des affections respiratoires. Ces résultats peuvent être expliqués par des conditions d’hébergement des broutards souvent peu favorables, pouvant entraîner des troubles respiratoires chez les naisseurs. »

La variabilité de la compétence immunitaire représente enfin un troisième critère explicatif. Les séroconversions ont montré une capacité de réponse à la vaccination diverse selon l’individu et les pratiques d’élevages et notamment des protocoles vaccinaux mis en place pendant le jeune âge. Ce dernier élément demande davantage d’investigation pour déterminer quels sont les protocoles sanitaires à adopter en fonction des contextes.

Globalement, la préparation sanitaire complète est intéressante au regard de la littérature et de façon générale, c’est une pratique qui apporte des éléments positifs mais elle reste à adapter en fonction du contexte et vient en renforcement des bonnes pratiques d’élevage et ce, depuis la naissance.

(1) Ce projet a été financé par l’Institut Carnot et France Futur élevage et repose sur la complémentarité de plusieurs partenaires pour une approche globale : l’Institut de l’élevage, Deltavit, EMC2 élevage, les écoles nationales vétérinaires de Toulouse et de Nantes et l’Inrae.
 
 

Chiffres clés

Les pathologies respiratoires, ce sont :

3 % de mortalité
70 à 85 % des problèmes de santé en engraissement dans les 20 à 30 premiers jours majoritairement
20 % des animaux traités aux antibiotiques

Des enquêtes sur la perception de la filière face à cette nouvelle organisation ont été menées tout au long du programme sur cette nouvelle organisation.

Freins et motivations au changement

La préparation en bâtiments entraîne pour le naisseur des chantiers supplémentaires (paillage, curage, alimentation quasi quotidienne à quotidienne). « En termes de travail, le surplus de temps passé est très variable. Il est dépendant du parcellaire et de l’équipement de l’exploitant. Dans certains cas, le retour des broutards en bâtiments a simplifié la tâche en raison d’un parcellaire morcelé qui pouvait rendre la surveillance très chronophage. Économiquement, le naisseur doit supporter des charges supplémentaires (vaccination, déparasitage, aliment…). Selon les cours des broutards, ces coûts supplémentaires peuvent être couverts par le prix de vente des animaux préparés, significativement plus lourds (400 kg pour les broutards préparés contre 377 pour les témoins). »

Les motivations au changement de pratiques concernaient surtout les résultats chez l’engraisseur, la valorisation de la conduite chez les naisseurs et la réponse aux enjeux de société. Les freins au changement étaient plus variés. Ils touchaient des problèmes logistiques chez les naisseurs et les opérateurs (contention, équipements, tri dans les centres de rassemblement…), des freins individuels, des problèmes d’organisation de la filière pour la valorisation de ces broutards (traçabilité, garantie) et des enjeux nationaux (non-contractualisation) et supranationaux (freins sur certains marchés exports).

 

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