Prix du lait : la facturation par les OP aura un coût pour les éleveurs
Pour le paiement du lait, les OP non commerciales vont pouvoir recevoir les données volume de leurs adhérents directement du laboratoire interprofessionnel. Mais la récupération des données volume et qualité du lait et leur traitement ont un coût que toutes les organisations de producteurs ne pourront pas se payer.

L’objectif de l’interprofession laitière était qu’au 1er mai, la transmission des données volume des laiteries aux organisations de producteurs (OP) non commerciales, par le biais des laboratoires interprofessionnels, soit opérationnelle dans toute la France, pour les OP qui en font la demande.
« Les laboratoires ont finalisé leurs développements. Deux laboratoires sont en cours de finalisation des tests avec leurs laiteries partenaires. Des laiteries ont aussi des développements à réaliser pour que les flux soient opérationnels », indiquait le Cniel à la mi-mai, prévoyant un aboutissement complet d’ici cet été. Concernant les données qualité du lait, le transfert aux OP est opérationnel depuis le début de l’année.
Le processus prévu est le suivant : les collecteurs fournissent les données volume aux laboratoires interprofessionnels, qui les centralisent avec les données qualité, puis fournissent l’ensemble aux OP par le biais d’Infolabo, outil interprofessionnel informatique qui centralise les résultats d’analyses accrédités pour le paiement du lait.
Des laiteries ne sont pas encore prêtes
D’ici quelques semaines ou mois, tout devrait donc être prêt pour que n’importe quelle OP non commerciale dans n’importe quelle région puisse avoir accès aux données volume et qualité du lait liées aux échantillons analysés en laboratoire, de leurs adhérents. « Il était urgent que ce chantier aboutisse. Cela faisait trop longtemps qu’il y avait des blocages. Pour que les OP puissent monter en puissance, il leur faut cet accès aux données de leurs adhérents. En vue de réaliser la facturation du lait, mais aussi pour d’autres missions auprès de leurs adhérents », commente Benoît Gavelle, administrateur FNPL en charge des sujets concernant les OP.
Dans l’Ouest, il a fallu créer le transfert des données volume
Il existe des disparités selon les régions et les laboratoires. « Dans beaucoup de régions, les laboratoires recevaient déjà de la part des laiteries les données volume lors de la collecte de lait, afin de rendre des résultats matière grasse (MG) et matière protéique (MP), pondérés par les volumes de lait livrés », expose Benoît Gavelle.
Par contre, en Bretagne et Pays de la Loire notamment, le laboratoire MyLab communiquait jusque-là les résultats matière grasse et matière protéique en moyenne arithmétique. Il ne disposait pas des données volume. « Il a donc fallu développer un outil informatique de collecte, traitement et transfert de données, sécurisé, expose Frédéric David, président de MyLab. Par ailleurs, quand on parle de donnée volume, il y a en réalité onze critères d’identification comme l’immatriculation du camion de collecte, le numéro de tournée et le nom du chauffeur, pour tracer la donnée. Enfin, les laiteries n’avaient pas non plus d’outil informatique pour le transfert des données. Il leur a fallu s’adapter, et pour certaines ce travail est encore en cours. »
L’OP non commerciale est un acteur supplémentaire
Ce sujet des transferts de données ne concerne pas les OP commerciales (GIE, coopérative) qui sont le premier acheteur du lait de leurs adhérents et fonctionnent ainsi comme une laiterie.
Une OP non commerciale ne bénéficie pas du transfert de propriété. Pour recueillir les données volume et qualité du lait de ses adhérents, elle doit recueillir leur consentement. Elle est dépendante du collecteur/premier acheteur, qui doit adapter son outil informatique et son fonctionnement. Enfin, l’OP doit contractualiser avec le laboratoire d’analyse interprofessionnel. En effet, la transmission des données au bénéfice de l’OP s’ajoute aux autres transmissions que le laboratoire continuera de réaliser. « C’est bien un développement informatique spécifique qu’il a fallu réaliser, avec un canal supplémentaire, sécurisé, dont il faut prévoir la maintenance », explique Jean-Vincent Gauzentes, le directeur d’Agrolab’s, un laboratoire interprofessionnel sur une large zone du sud de la France. Ce qui explique qu’il ait fallu du temps, et que ce service ait un coût.
Les labos font payer les OP
« Le Cniel assume le coût des développements pour les évolutions techniques et ergonomiques d’Infolabo, qui permettent de garder un outil sûr et performant. Mais les laboratoires contribuent financièrement à la maintenance de l’outil et ont en charge les mises à jour des annuaires et des données », détaille l’interprofession laitière.
Le conseil d’administration de MyLab a fixé à 3 centimes d'euros pour 1 000 litres le coût de la prestation aux OP, pour une durée de trois ans. « Nous avons un outil qui permet d’envoyer les données directement aux OP, sans qu’elles aient besoin de ressaisir les données dans leur logiciel », développe Frédéric David. Il ajoute que ce canal de transfert vers les OP est sécurisé. « Ce canal ne concerne que les OP non commerciales, aujourd’hui peu nombreuses à demander le transfert des données. Il s’agit donc d’une demande spécifique, avec par conséquent un surcoût qui ne peut être mutualisé sur l’ensemble de notre activité laitière. »
Même son de cloche à Agrolab’s. « C’est une prestation spécifique pour nous car il y a un deuxième tiers – l’OP – en plus du premier tiers – la laiterie. Il a fallu développer un canal d’information supplémentaire, sécurisé. Il faudra en assurer la maintenance. Le coût du transfert est minime. C’est le coût du dispositif – logiciel et main d’œuvre – qui n’est pas négligeable. Nous n’avons pas encore signé de contrat avec une OP, mais ce ne sera pas gratuit. »
Tous les deux soulignent que, lorsque le transfert des données est affiché « gratuit », c’est que son coût est compris dans la prestation globale du laboratoire.
Comment faire baisser le coût ?
« Chez MyLab, le coût de la prestation est fixé à 3 centimes. Mais dans un an, un audit permettra de dire si nous pouvons baisser ce coût ou pas. Si de nombreuses OP s’engagent, en utilisant le même logiciel, cela permettra d’amortir le coût », explique Frédéric David.
À ce jour, très peu d’OP auraient manifesté leur intérêt pour la récupération des données de leurs adhérents. Et pour cause : si elle a un coût, comment le rentabiliser ? L’OPLGO (OP représentant des éleveurs sous contrat avec Lactalis dans le Grand Ouest), qui dispose d’un logiciel de gestion des données de ses adhérents, ne pense pas signer de contrat avec MyLab, pour l’heure. « Il faut que nous trouvions d’abord comment obtenir un retour sur investissement. S’il faut un budget pour récupérer des données, il faut que ces données apportent une plus-value à nos adhérents. Or, actuellement, avec un unique acheteur de lait, cela ne nous apporterait pas grand-chose. »
Pas encore de retour sur investissement
Dans le Grand Ouest, sous l’impulsion de leur association d’OP Poplait, trois OP sont en marche pour réaliser la facturation dans les mois qui viennent, avec le logiciel de facturation de Poplait et la ressource humaine de l’association d’OP. L’OP Abers émeraude est la plus avancée. Elle représente environ 200 exploitations laitières liées à la laiterie Sill Malo. « Nous avons signé un contrat avec MyLab pour le transfert des données. En ce début mai, nous terminons de rassembler auprès des producteurs leur accord pour récupérer leurs données volume et qualité du lait, les mandats Sepa pour les paiements, et les mandats de facturation », indique Benoît Quéméneur, président de l’OP et de Poplait. La facturation par l’OP se mettra progressivement en place. « La laiterie demande un peu de délai pour s’adapter. Les premiers mois, notre mandat de facturation à la laiterie se poursuit, ce qui nous permettra de réaliser notre facturation à blanc et de comparer les deux. » L’OP investit pour l’avenir. « Nous faisons cela pour avoir plus de poids face à la laiterie et peser dans les négociations », souligne Benoît Quéméneur.
Étant donné que récupérer des données et les valoriser pour réaliser le suivi de leurs adhérents et la facturation représente un coût pour les OP, celles-ci auraient tout intérêt à se structurer pour mutualiser cet effort, comme le fait Poplait dans le Grand Ouest pour ses neuf OP adhérentes. Un service qu’elle propose également aux OP non adhérentes.
Le saviez-vous ?
Chaque laboratoire a son indépendance. Ils sont certifiés pour être laboratoire interprofessionnel, mais leurs règles de fonctionnement et leur politique tarifaire leur sont propres. Tous comme les OP, les laiteries payent les prestations demandées aux laboratoires.