La complémentation de précision n’apporte pas de plus-value pour les vaches laitières
Les résultats du projet Harpagon montrent qu’une complémentation individuelle selon la réponse au concentré des vaches est difficile à réaliser et n’améliore pas les performances moyennes du lot.
Les résultats du projet Harpagon montrent qu’une complémentation individuelle selon la réponse au concentré des vaches est difficile à réaliser et n’améliore pas les performances moyennes du lot.

« Quand on baisse le concentré distribué en complément de la ration de base, les réponses des vaches sont variables », a expliqué Valentine Landais, d’Idele, lors d’une journée de restitution du projet Harpagon, qui visait à proposer de nouvelles règles de pilotage des concentrés selon la réaction individuelle de chaque vache. « Beaucoup compensent en mangeant un peu plus à l’auge, sans baisser en lait ou en baissant modérément. Certaines toutefois compensent peu à l’auge et baissent beaucoup en lait. Mais les réactions ne sont pas répétables. »
Dans un essai sur 59 vaches où le concentré était abaissé de 4 kg/j à 1 kg/j pendant trois semaines, 56 % des vaches ont mangé un peu plus à l’auge, 24 % beaucoup plus et 20 % n’ont pas compensé. 38 % ont maintenu leur production, 35 % l’ont baissée modérément et 27 % l’ont beaucoup baissée. Mais quand le challenge a été répété trois fois, les vaches n’ont pas toujours eu la même réaction.
Peu de différences sur les performances
Un autre essai, avec 69 vaches réparties en trois lots, a comparé une complémentation individualisée distribuée selon la réponse de chaque vache au concentré (lot Harpagon), à un lot nourri en ration complète et un autre en ration semi-complète, avec une même quantité moyenne de concentré par lot (2,4 kg/VL/j). La conclusion est qu’alimenter selon la réponse des vaches ne change pas les performances. « À même budget de concentré, la complémentation individuelle, qu’elle soit classique ou « de précision », c’est-à-dire adaptée à la réponse individuelle de chaque vache, n’apporte pas de plus-value par rapport à une complémentation commune à l’ensemble des vaches, concluent les expérimentatrices. La ration complète est la plus simple. Les rations semi-complètes, de plus en plus courantes avec les DAC et les robots, permettent un peu d’optimiser les performances, mais souvent avec plus de concentré. »
Dans cet essai, toutes les vaches ont d’abord connu trois semaines et demi de restriction de concentré de production (passage de 5 à 1 kg/VL/j). Elles ont ensuite été alimentées pendant douze semaines et demi, soit en ration complète, soit en ration semi-complète, soit individuellement en fonction de la réponse de chacune à la baisse de concentré de production observée durant la phase de restriction. Les vaches ayant eu la meilleure réponse à la baisse de concentré ont été moins complémentées.

« Il y a eu très peu de différences en moyenne entre les lots sur l’ingestion à l’auge et au DAC, le lait brut et corrigé, la note d’état corporel et l’émission de méthane », rapporte Amélie Fischer, d’Idele. Pour dix vaches du lot Harpagon (majoritairement des primipares), qui ont compensé davantage à l’auge et ont moins baissé en lait suite au challenge, une alimentation de précision a permis de faire quelques économies en concentré sans conséquences sur les performances zootechniques. Mais cette stratégie n’est pas souhaitable étant donné qu’elle n’apparaît pas répétable.
« L’alimentation à volonté est la base »
« Pour qu’une vache puisse compenser une baisse du concentré, la ration de base doit être vraiment distribuée à volonté », insiste Julien Jurquet, d’Idele. Dans l’essai sur la baisse de concentré de 4 kg/j à 1 kg/j, Idele a comparé un lot de vaches ayant une ration de base à volonté et un lot ayant une offre limitée. Dans le lot alimenté à volonté, les vaches ont compensé la baisse de concentré en augmentant leur ingestion à l’auge. « Le lot avec alimentation limitée n’a par contre pas pu compenser cette baisse et a produit 1,8 kg/j de lait brut en moins quand le concentré a diminué, indique Julien Jurquet. Les vaches mangeaient de plus très vite quand la ration était distribuée et prenaient leur dernier repas à 17 h, contre 22 h pour le lot alimenté à volonté, ce qui peut entraîner des problèmes métaboliques. »
La différence de volume distribué était pourtant peu visible à l’œil. « Pour que l’alimentation soit vraiment à volonté, il faut 5 % de restes. Il faut donc peser la ration et vérifier régulièrement son matériel de pesée. » Des vidéos la nuit peuvent aussi permettre de voir le comportement des vaches et si elles manquent d’alimentation.
En savoir plus
Tous les résultats des essais menés à la Ferme des Trinottières dans le cadre du projet Harpagon sont disponibles sur le site internet du projet https://idele.fr/harpagon/