Volailles : pourquoi les salmonelles sont difficiles à combattre
La lutte contre les salmonelles est un enjeu de santé publique, lié à la prévention des toxi-infections alimentaires via la consommation de produits avicoles contaminés. Leur maîtrise nécessite d’agir à plusieurs niveaux.


1 Quels sont les sérotypes d’origine aviaire à risques pour l’Homme ?
Les salmonelles sont des bactéries qui se trouvent normalement dans le tube digestif de nombreux animaux (ruminants, volailles, porcs…) et de l’Homme. Elles peuvent aussi se retrouver dans l’environnement, et chez les plantes.
À la fin des années 1980, une forte augmentation des cas d’infection chez l’Homme, a été observée, suite à l’ingestion d’œufs ou d’ovoproduits issus d’élevages de poules pondeuses contaminés.
La salmonellose est la seconde zoonose d’origine alimentaire en Europe, mais le recensement des cas est sans doute incomplet du fait de sous déclarations. En effet dans la plupart des cas, les salmonelloses se manifestent par des gastro-entérites aiguës après un ou deux jours d’incubation, et les symptômes (fièvre, diarrhée, vomissements, douleurs abdominales) disparaissent en trois à cinq jours chez les personnes sans problème particuliers. Les personnes âgées, femmes enceintes, nourrissons ou personnes immunodéprimées sont en revanche plus à risques de développer des symptômes graves voire mortels. Salmonella Enteritidis et S. Typhymurium sont les deux sérotypes les plus fréquemment incriminés dans les infections humaines, et les produits d’origines avicoles sont souvent identifiés comme source principale de contamination. Une réglementation européenne visant spécifiquement les filières avicoles a donc été mise en place en 2003.
2 Quelles sont les voies de contamination des volailles ?
La contamination des volailles se fait essentiellement par l’ingestion d’aliments, d’eau, de litière contaminée. L’excrétion fécale des volailles est variable et peut durer plus de douze semaines, alors même que celles-ci ne présentent généralement pas de symptômes.
Les salmonelles ont une capacité de survie très importante. Elles peuvent se développer entre 5 et 50 °C, en milieu acide ou basique. Elles peuvent survivre dans les sols ou la boue, plusieurs mois voire quelques années selon les conditions, et en particulier en présence de matière organique, d’une faible exposition aux UV, de faibles fluctuations de température et d’une humidité suffisante. Les étangs, mares, flaques d’eau constituent ainsi des sources de contaminations importantes. De nombreux vecteurs ont par ailleurs été identifiés (ténébrions, poux rouges, rongeurs, mouches).
Les salmonelles peuvent aussi former des biofilms dans les circuits d’abreuvement, en particulier si la température de l’eau avoisine les 25 °C, en présence d’un faible débit et de matière organique.
Les parois peuvent également se contaminer via le dépôt de poussières ou de fèces.
3 Comment réduire les risques de contaminations ?
Vu la persistance des salmonelles et les voies de contamination multiples, la biosécurité demeure le principal moyen pour prévenir la contamination des volailles.
La température est le facteur principal permettant l’élimination des salmonelles. Le traitement thermique des effluents (plus de 55 °C pendant au moins trois jours) est donc une approche efficace pour leur hygiénisation. Mais un simple stockage en tas est souvent insuffisant pour traiter un fumier contaminé. Le compostage peut en revanche s’avérer efficace. Il faut toutefois faire très attention à l’homogénéité du tas, car de nombreux facteurs peuvent permettre la persistance de Salmonella si la température ne dépasse pas 45 °C (pH, taux d’humidité, dessiccation et ré-humification, condition aérobie versus anaérobie).
La contamination des matières premières végétales et des aliments destinés aux volailles est rare selon l’Anses. Néanmoins les aliments composés destinés aux reproducteurs Gallus gallus ou dindes de plus de 250 animaux, doivent subir un traitement thermique assurant un niveau de contamination minimale.
4 Sur quels dispositifs s’appuie la lutte ?
- Le règlement européen n° 2160/2003 fixe un cadre général pour la prévention des toxi-infections alimentaires associées au portage asymptomatique et à leur transmission alimentaire dans les filières avicoles.
- Le programme national de lutte en France, concerne les espèces Gallus gallus (chair et œufs de consommation) et Meleagris gallopavo (dindes), que ce soit à l’étage de reproduction ou de production. Les troupeaux de moins de 250 volailles ne sont pas concernés, sauf ceux dont la production d’œufs de consommation est destinée à un centre de conditionnement.
- L’arrêté du 3 mai 2022 défini les sérotypes du groupe 1 (S. Enteritidis, S. Typhymurium, S. Kentucky) qui font à la fois l’objet d’une surveillance et d’une police sanitaire. Auxquels il faut ajouter S. Hadar, S. Infantis et S. Virchow pour les filières Gallus gallus chair et œufs de consommation à l’étage reproduction. Les autres sérotypes font partie du groupe 2 et ne font l’objet que d’une surveillance.
- Les modalités de surveillance (fréquence, nombre de prélèvements et matrice, sérotypes recherchés) dépendent de l’espèce et de l’étage dans la filière. Elles comprennent à la fois des dépistages obligatoires réalisés par les vétérinaires sanitaires des élevages ou leurs délégataires, et des dépistages complémentaires réalisés par les agents des directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP).
- Les troupeaux reconnus infectés par un sérotype de salmonelle du groupe 1 sont considérés comme foyers.
Des prévalences de foyers à surveiller
Le dernier bilan du programme de lutte en France, réalisé par l’Anses pour l’année 2023, fait état d’une augmentation des foyers chez les reproducteurs de poulets de chair, et également d’une dégradation à l’étage production en filière dindes de chair.
Les inquiétudes persistent également pour la filière œufs de consommation, en particulier à l’étage production, où la prévalence se maintient au-dessus du seuil de 2 % fixé par la réglementation européenne.

Avis d'expert : Nathalie Rousset, Itavi
« Ne pas négliger les contaminations entre filières animales »
« L’épandage de fumiers ou lisier contaminés par Salmonella sur des pâtures ou des champs cultivés, dans le voisinage de poulaillers, est souvent cité comme un facteur de risque de contamination.
Les autres filières de productions animales, notamment bovines et porcines, ne sont pas indemnes de contaminations. Les exploitations possédant plusieurs ateliers, avec des zones de circulation communes ou des zones avec des exploitations proches avec des activités d’élevages variées (bovins, volailles, porcs…) semblent également plus à risques.
Les capacités des salmonelles à persister dans l’environnement, le portage asymptomatique y compris chez d’autres espèces complexifie la lutte contre cette bactérie.
La problématique des contaminations croisées reste peu étudiée à ce jour, et peu prise en compte dans les mesures de gestion des foyers.
Face à ce constat, l’Itavi, l’Anses, l’institut technique du porc (Ifip) et l’institut de l’élevage (Idele) ont lancé le projet Casdar Bter qui vise à étudier la transmission de Salmonella et de Campylobacter au sein d’exploitations comportant des ateliers mixtes. Une approche territoriale et dynamique de l’épidémiologie de ces pathogènes permettrait d’améliorer la compréhension des sources et vecteurs de contamination croisée et d’identifier des mesures de contrôles. »
Une multitude de sources de contamination
Les salmonelles peuvent persister longtemps dans l’environnement et de nombreux vecteurs ont été identifiés.
