Connaître le mode de vie des animaux domestiqués à l’état sauvage est essentiel pour comprendre comment était leur comportement originel et comment l’animal domestiqué met en œuvre ses comportements innés en contexte d’élevage. L’ancêtre du canard de Barbarie est le canard Musqué, originaire d’Amérique du Sud.
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« Il vit dans la forêt tropicale, caractérisée par un étagement de la végétation, décrit l’éthologue Amandine Cosnard. Il aime se percher dans les arbres, ce qu’il peut faire grâce à ses grandes griffes. Et il niche en hauteur, de préférence dans un tronc d’arbre. » Les ressources étant abondantes toute l’année, les femelles vivent en petit groupe, même en saison de reproduction, ce qui permet au mâle d’avoir plusieurs femelles.
Le canard Musqué, dit aussi canard muet, communique peu vocalement. « Comme la visibilité est réduite dans la jungle, il ne repère pas ses prédateurs au loin et ne veut pas se signaler en criant. Son plumage est noir pour être moins visible dans un milieu sombre. »
Les jeunes, qui ne peuvent pas voler, ont une stratégie de survie différente, consistant à rester immobiles, couchés au sol.
Un attrait pour la nouveauté plus marqué en cas d’ennui
À l’état sauvage, le canard musqué est un omnivore opportuniste. « Son régime n’est pas spécifique et il teste beaucoup de choses. » Il se nourrit principalement de végétaux (feuilles, racines, graines, fruits), mais ingère aussi des animaux (mollusques, petits poissons, amphibiens, reptiles, vers, insectes). « Sa ration est végétale à 90 %, sauf les trois premières semaines de sa vie où il a un fort besoin en protéines et n’assimile pas encore bien la cellulose. »
Dès la naissance, ce canard est équipé pour se nourrir. Il peut grignoter avec son bec, filtrer l’eau pour récupérer des aliments, arracher des végétaux. Il n’a pas besoin d’être nourri directement par ses parents et quitte le nid dès qu’il peut. « Le caneton d’un jour se débrouille en élevage, note l’éthologue. Mais il ne sait pas ce qui est consommable. Il teste tout ce qui est présent dans son environnement jusqu’à ce qu’il trouve un aliment lui donnant de l’énergie. » Les canards ont par ailleurs un attrait inné pour ce qui est rouge, vert, brillant, en mouvement ou contrasté. Et l’intérêt pour la nouveauté est plus marqué en cas d’ennui, de carence alimentaire et de troubles digestifs.
Agir sur l’environnement et les apprentissages
« Ce sont des animaux extrêmement adaptables, souligne Amandine Cosnard. On peut les nourrir sans problème avec des granulés, que l’on ne trouve pas dans la nature. Mais l’ennui, les carences et troubles digestifs entraînent des risques accrus de picage et de castration par ses congénères, d’où l’intérêt de bien suivre l’alimentation, d’avoir un programme lumineux adapté et d’enrichir les bâtiments d’élevage. »
L’apprentissage de ce qui est consommable et profitable se fait par imitation et par essai-erreur. Le canard va ensuite se diriger surtout vers ce qui est connu, sauf en cas de pénurie ou de carence.
« Pour le picage aussi, il y a imitation, souligne l’éthologue. Le sang, rouge et en mouvement, attire les canards. Et puisque le picage apporte un élément nutritif profitable, ils y reviennent. En élevage, le picage peut fortement augmenter en quelques heures. »
Au final, le déclenchement d’un comportement va dépendre de l’environnement et de la perception qu’en a l’animal. « Des leviers d’action sont donc possibles pour limiter ou accentuer un comportement, analyse Amandine Cosnard. Si on ne peut pas changer les comportements innés, il est possible d’agir sur le milieu de vie de l’animal et sur des apprentissages permettant l’émergence des comportements voulus. »