« En 100 ans, la viticulture en biodynamie n’a jamais été aussi actuelle »
René Becker, consultant et formateur en biodynamie, dresse un bilan et des perspectives pour la biodynamie à l’occasion du centenaire du mouvement.
René Becker, consultant et formateur en biodynamie, dresse un bilan et des perspectives pour la biodynamie à l’occasion du centenaire du mouvement.
La biodynamie a 100 ans cette année. Quelle rétrospective pouvez-vous tracer ?
René Becker - Je constate qu’un joli bout de chemin a été fait : le mouvement a essaimé dans le monde entier, et la viticulture biodynamique a connu une expansion assez colossale au cours des vingt dernières années. Pendant longtemps, les pionniers connaissaient quelqu’un ayant participé aux conférences données par Rudolf Steiner en 1924, le Cours aux Agriculteurs. Ils leur faisaient une confiance aveugle et se lançaient par conviction.
Aujourd’hui, Rudolf Steiner, c’est de l’Histoire. Et bien souvent les vignerons passent à la biodynamie parce qu’ils constatent des différences chez leurs voisins qui en font. Les vignerons ont cela de particulier qu’ils connaissent leur plante par cœur et détectent le moindre changement de l’apex ou de brillance de la feuille.
Le mouvement est sorti de son trou dans les années 1990-2000, quand les gens ont goûté de grands vins biodynamiques. La communication n’a sans doute pas été toujours à la hauteur, puisqu’on se bat aujourd’hui contre de nombreux articles critiques. Alors que la biodynamie amène une réponse aux problèmes de notre époque.
En quoi est-elle si actuelle selon vous ?
R. B. - Steiner parlait déjà de biodiversité, d’arbres, de couverts pâturés, de fermes autonomes, d’animaux… Il avait une pensée organisationniste tirée de Goethe et des penseurs grecs. C’est ce que l’on réhabilite aujourd’hui : repenser le vivant.
La biodynamie est une opportunité d’être plus résilient face au changement climatique, grâce aux microclimats qu’elle engendre et à la meilleure vie du sol. Lors de la sécheresse de 2003, les prairies en biodynamie sont restées vertes plus longtemps, et ont redémarré plus vite. Il y a un manque de références académiques sur le sujet, mais l’Inrae commence à s’y intéresser, et l’association Biodynamie Recherche publie de plus en plus.
Quels sont les défis de l’agriculture biodynamique pour l’avenir ?
R. B. - Les préparations ont fait leurs preuves, mais face aux nouvelles problématiques comme la sécheresse ou la canicule il faudra certainement en améliorer certaines ou en mettre en place de nouvelles. Le champ est énorme et demandera un travail collectif. Les acteurs de la biodynamie auront besoin plus que jamais d’être soudés ! Concernant les publications scientifiques, il faudra capitaliser au fur et à mesure de leurs sorties et diffuser les résultats. La biodynamie est tout à fait légitime à mon sens : elle n’explique pas tout, certes, mais les sciences rationnelles non plus. Il faut être humble des deux côtés. Être rationaliste n’empêche pas d’être sensible et intuitif. Un jour peut-être, il y aura des méthodes expérimentales qui corroboreront les résultats de la biodynamie.