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Une gamme pour mieux valoriser ses vins

En appellation bordeaux et bordeaux supérieur sur une douzaine d’hectares, Stefaan Massart, du Château Vilatte, élabore dix cuvées par an. Née de son envie de créer, cette gamme a aussi un intérêt économique.

Installé à Puynormand, dans le Libournais, le Château Vilatte est en appellation bordeaux ou bordeaux supérieur, et en bio depuis 2009. Certains se seraient contentés de faire deux ou trois cuvées, mais Stefaan Massart, le vigneron à la tête de ce domaine familial, aime la dimension créative du métier. Alors au fil des ans, il a inventé différents produits inspirés par son terroir, ses raisins, ses intuitions et son envie d’apprivoiser de nouvelles techniques. Aujourd’hui, il en propose dix dont un pétillant naturel, son dernier né, et deux jus de raisins. "Il y a une trentaine d’années, nous avions simplement un bordeaux supérieur rouge, un bordeaux blanc, et un bordeaux rosé. L’envie de créer d’autres vins, le goût pour les vins frais, pour les crémants, la demande des clients, le plaisir de produire des jus de raisin sains et goûteux pour nos enfants, l’évolution des équipements de cave… c’est un ensemble de choses, associé au plaisir de l’essai et de prendre quelques risques", confie Stefaan Massart. Ainsi pour le pet’nat il a eu envie d’essayer "de faire une 'bulle' entièrement nature et avec les levures indigènes". Il considère qu’une gamme "laisse aussi plus de liberté technique à l’intérieur de chaque millésime".

Une palette de styles pour répondre à la diversité des goûts

Il vend 100 % de sa production en bouteille et en exporte 60 %. Au fil du temps, l’ajout de cuvées a fait évoluer la proportion entre les couleurs. "Ces 25 dernières années nous sommes passés de 70 % de vins rouges à 40 % aujourd’hui".

Le premier avantage est de proposer une diversité de vins "pour plaire à presque tous les palais". Pour les rouges, le Château Vilatte veille aussi à proposer "trois à quatre millésimes souvent complémentaires selon les profils", ce qui accroît encore le choix. « On stocke les vins à la place des clients. » Chaque cuvée est l’occasion pour Stefaan Massart de dialoguer avec le client. "Chaque vin a un peu son histoire et originalité. Nous avons cinq terroirs différents, que nous essayons de valoriser le plus précisément possible. Ce sont des cuvées agréables à vendre », raconte le vigneron. Même ses jus de raisin tranquilles et pétillants ont leur petite histoire.

Dans la démarche de Stefaan Massart, il y a aussi l’envie de montrer tout ce qu’il peut faire de différent et de qualitatif avec son terroir même dépourvu d’une appellation prestigieuse. En trente-cinq ans, il a tout repensé et replanté : cépages, porte-greffes, emplacements.

Faciliter la gestion avec une organisation bien huilée

Certains verraient dans cette multiplication de produits de la complexité. Mais pour Stefaan Massart, c’est une solution pour mieux valoriser ses vins. "Cela permet surtout de ne vendre aucun vin en dessous des coûts de production, surtout en bio, avec des charges supérieures du fait des coûts de main-d’œuvre et de mécanisation, et des rendements tout de même un peu en dessous de ceux en viticulture conventionnelle."
Cette volonté de diversification nécessite un solide sens de l’organisation. "Tout est stocké en box identifiés dans un bâtiment dédié climatisé. La petitesse de la propriété avec seulement trois personnes polyvalentes et une bonne connaissance des produits facilitent les choses. Nous n’avons pas de logiciel de gestion des stocks particulier. Nous gérons avec des tableaux Excel créés par nous-mêmes", explique Stefaan Massart.

Un coût limité par les méthodes de travail du domaine

Compte tenu de la dimension familiale du domaine, Stefaan Massart estime que cette stratégie de gamme "n’entraîne pas un gros surcoût". Il souligne la nécessité "d’équipements de chai précis et techniques, de cuves de petits volumes, d’un bon matériel de transfert, d’une hygiène de chai drastique, d’un chai spacieux et clair avec une bonne liberté de mouvement et un suivi millimétré pendant les vendanges et l’élevage qui demande du temps". Il pointe aussi l’importance de disposer d’un espace de stockage suffisamment vaste.

Certes la gestion de petites séries complique l’établissement et la mise à jour des tarifs ainsi que l’étiquetage. Elle implique "une grosse immobilisation de matière sèche », mais il juge que cela reste gérable, d’autant plus que le domaine a "standardisé capsules et cartons, seules les étiquettes et contre étiquettes sont toutes différentes avec un graphisme au plus près de l’identité du vin".

Une sécurité d’approvisionnement face aux aléas climatiques

Stefaan Massart a du mal à trouver des inconvénients. Il admet quand même que "l’immobilisation et l’inertie des stocks" génèrent "quelquefois une incompréhension de notre système de fonctionnement par la banque". Mais au vu des millésimes récents, qui ont vu se succéder différents aléas climatiques, ce choix se révèle apporter "une relative sécurité de disponibilité des vins". Si ça ne peut pas jouer pour ses blancs classiques et rosés qui représentent un tiers des volumes et sont vendus dans l’année ou les deux ans, ses crémants ont deux ans de lattes minimum tandis que ses autres vins sont commercialisés après plusieurs années d’élevage. "Jusqu’à sept à huit ans pour certains bordeaux supérieurs rouges", précise le vigneron.

Grâce à l’arrivée en production de quelques hectares de jeunes vignes, le Château Vilatte pense augmenter sa production "d’au moins 20 %" dans les années qui viennent. Le domaine compte bien sur sa politique de gamme pour faire progresser les ventes.

repères

Château Vilatte

Lieu Puynormand

Superficie 12 ha en production

Effectif permanent 3 personnes

Production 50 000 bouteilles environ

Mode de culture certifié AB

Ventes export 60 %, propriété 30 % salons et CHR 10 %

Cépages sauvignons blanc et gris, muscadelle, sémillon, merlot, cabernet franc, cabernet sauvignon, petit verdot, colombard

Cuvées bordeaux blanc sec "classique" ou élevé en fûts d’acacia, bordeaux rosé, bordeaux supérieur rouge "classique" ou en fûts, crémant-de-bordeaux blanc ou rosé, jus de raisins avec ou sans bulles. (5 à 10 % de sa production). Prix propriété : de 6,50 à 11 €

Avis d’expert : Olivier Dauga, œnologue conseil, à la tête de la société de conseil Le Faiseur de vin

"Pour constituer sa gamme, il faut partir de la production"

" Les consommateurs d’aujourd’hui recherchent une émotion à travers un vin. Créer des atmosphères est le but d’une gamme. Ce n’est pas que le packaging et le marketing qui fait vendre. Il faut partir de la production. La première étape est de zoner le terroir en repérant les éléments sur lesquels on peut jouer : cépages, sols, expositions. Se dire que sur 15 ou 20 hectares on va faire un vin, un rosé et un second vin avec les jeunes vignes ne permet pas de créer de l’émotion. Il faut ensuite identifier des cibles. La cuvée pour les cavistes ou celle qui sera vendue chez Métro, en grande distribution ou en restauration ne peut pas être la même. On peut cibler par exemple une cuvée pour la bistronomie, avec un vin facile à boire, peu tannique, un habillage sympa. Si on l’appelle second vin, c’est mort ! Cette réflexion doit intégrer les moyens et le temps dont on dispose pour vendre ses vins. On peut éventuellement se faire conseiller sur ce qui se vend sur le marché. La gamme se raisonne aussi financièrement avec différents prix et rotations de vente : rapide avec des vins de 6 à 12 mois, moyenne avec des vins de 12 à 24 mois et longue au-delà de 24 mois. Le prix est à fixer en fonction du travail nécessaire et de la cible. Même pour les vins que l’on garde, il ne s’agit pas d’être passif : il faut démarcher en amont la cible visée, être proactif. Dernière étape : penser à la communication. Comment on va faire connaître la gamme et partager avec le consommateur le plaisir de faire ces vins."

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