« Soutenons nos vignerons », cinq BIB qui redonnent des couleurs sur le marché des rouges
Initiée depuis Bergerac et étendue à cinq régions par les Grands chais de France, la vente de BIB « Soutenons nos vignerons » au prix public de 11,95 euros les 3 litres redonne une lueur d’espoir dans un marché des rouges bien terne. Prix d’achat unique pour les vignerons et caves partenaires : 156 euros l’hectolitre.
Initiée depuis Bergerac et étendue à cinq régions par les Grands chais de France, la vente de BIB « Soutenons nos vignerons » au prix public de 11,95 euros les 3 litres redonne une lueur d’espoir dans un marché des rouges bien terne. Prix d’achat unique pour les vignerons et caves partenaires : 156 euros l’hectolitre.
Tout a commencé en 2024 à Bergerac. Sous la pression de manifestations de viticulteurs, la Maison Parsat, négoce viticole local, avait proposé de commercialiser un BIB d’AOP bergerac rouge solidaire. L’idée a fait son chemin, a été reprise et étendue ce printemps à quatre autres régions françaises par les Grands chais de France. « Acheter au fil de l’eau ne nous intéresse pas, indique Yannick Deroulede, directeur commercial France des Grands chais de France. « Soutenons nos vignerons » est, en quelque sorte, un aboutissement de la stratégie amont que nous menons depuis plus de dix ans sans communiquer. »
Le négoce a proposé à ses clients de la grande distribution cinq BIB de 3 litres d’AOP bergerac, bordeaux, buzet, corbières et côtes-du-rhône à mettre en rayon côte à côte. Une opération hors-norme pour laquelle un contrat spécifique a été signé, hors des négociations commerciales habituelles. Pas de promotion, de marge arrière : le juste prix est indiqué sur le carton.
Près de la moitié du prix revient aux producteurs, hors taxes
Le principe ? 48 % des 11,95 euros du BIB reviennent aux producteurs (hors taxes, hors droits), 31 % au distributeur et 21 % au négoce. « Notre rémunération correspond à l’amortissement de l’outil de production et aux personnes de la force de vente, mais nous ne prenons pas de marge commerciale », explique le directeur.
Leader de la grande distribution, Leclerc a signé le premier, avec une exclusivité de trois mois. Les BIB ont même été présentés dans les prospectus commerciaux plusieurs fois de suite. Puis Carrefour hyper et super, et Intermarché au national ont rejoint la démarche. Ils feront une mise en avant des BIB en janvier.
Le groupe Casino va aussi déployer « Soutenons nos vignerons » dans les centres des grandes villes par le biais des Franprix. Ces derniers ont obtenu une dérogation pour ne présenter que deux régions dans leurs rayons, étant donné l’exiguïté des magasins. Autrement, les distributeurs s’engagent à exposer les cinq régions dans les linéaires. Pour un impact visuel fort auprès des consommateurs.
Un début plutôt encourageant avec 190 000 BIB vendus
Comment la démarche a-t-elle été accueillie ? Aujourd’hui, 250 000 BIB ont été vendus aux distributeurs sur les cinq AOP, dont 190 000 ont été achetés par les consommateurs, d’après les sorties de caisse et les estimations. Pour un projet véritablement arrivé en rayon en mai, « c’est un début plutôt encourageant, nous sommes déjà dans le top 5 des BIB de marque, se réjouit Yannick Deroulede, mais il reste du travail à effectuer pour faire grandir la démarche et nous allons nous en occuper », assure-t-il. Qui achète ? Est-ce qu’il y a une fidélisation ? Autant de questions que le négociant étudie, tout en projetant de sortir la marque du linéaire et d'aller à la rencontre des clients.
Côté amont, les partenaires sont plus que satisfaits. À Bergerac, la cave de Sigoulès a d’ores et déjà fait partir 250 hectolitres et l’opération concerne 2 000 hectolitres sur l’ensemble de l’AOC pour l’instant. Le vin est un assemblage issu de la cave et d’une dizaine de vignerons indépendants. L’appellation bergerac ne rencontre pas de problèmes sur les blancs, mais subit une mévente sur les rouges, avec des prix d’achat en dessous du prix de revient.
Avec le BIB solidaire, le prix a atteint 1 400 euros le tonneau, soit 156 euros l’hectolitre, prix unique quelle que soit la région. « Une très bonne valorisation pour le vigneron, économiquement et psychologiquement. C’est une réponse directe aux problèmes des agriculteurs », atteste Bénédicte Bosselut, présidente de la cave de Sigoulès. La plus-value pour les coopérateurs sera voisine de 18 euros par hectare, a-t-elle calculé. « C’est une belle opération qui a réussi à réunir toute la filière autour de la table », insiste la présidente, qui espère que ce BIB puisse montrer l’exemple pour entraîner le prix des rouges à la hausse.
« Si l’opération devait se poursuivre, cela pourrait pousser quelques jeunes à investir »
Un point de vue partagé par Étienne Laris, président de la cave du Mont Tauch, à Turchan dans l’Aude. « Nous étions déjà partenaires des Grands chais de France depuis 2013 pour l’export et ils commercialisent l’ensemble de notre récolte depuis 2017 par le biais d’un contrat sur dix ans, avec volumes et prix affichés, supérieurs à la mercuriale. » Lorsque le négoce propose le projet de BIB solidaires, avec une valorisation supplémentaire de 22 euros par hectolitre, les responsables de la coopérative sont partants.
« C’est tout neuf, mais nous voyons que des volumes ont déjà été retirés et payés comme prévu avec cette belle plus-value. Cela met du baume au cœur », confie Étienne Laris, qui s’inquiète maintenant pour les faibles rendements obtenus cette année, la région ayant été touchée par un incendie cet été. Quant à la pérennité de l’opération, « c’est le client qui la fera, mais si elle devait se poursuivre, cela pourrait pousser quelques jeunes à investir », espère-t-il. Une opération bénéfique pour toute la profession, qui mériterait d’être générale, « sur tous les vins et toutes les régions ».
« C’est un produit intelligemment positionné entre la MMD et la marque »
Même son de cloche dans la vallée du Rhône. « Nous sommes une cave coopérative de taille moyenne avec un modèle orienté vers le vrac à 80 %. Quand les Grands chais de France nous ont proposé ce contrat, nous avons foncé. Dans un contexte sclérosé, c’était une occasion à saisir pour la valorisation supplémentaire qu’il va apporter à nos coopérateurs mais aussi pour la valeur d’exemple qu’il peut représenter : nous avons un BIB à moins de 12 euros, avec lequel tout le monde gagne sa vie. Cela montre qu’on peut le faire », appuie Edwige Bourchet, directrice de la cave La Romaine, à Vaison-la-Romaine, dans le Vaucluse.
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La coopérative fournit le côtes-du-rhône, un assemblage réalisé avec les Grands chais à base de grenache et de syrah. « Le prix est plus que correct vu le marasme actuel des marchés. Mais c’est du gagnant-gagnant car le vin est bon », insiste la directrice qui constate un très bon démarrage des sorties et table, à terme, sur plusieurs milliers d’hectolitres. Une petite bouffée d’oxygène qui encourage à envisager le moyen terme dans une période propice au repli prudent sur soi-même. Par exemple, investir dans la bouteille pour développer la valorisation des coopérateurs, participer à améliorer l’image et « prospérer ensemble ».
« C’est un produit intelligemment positionné entre la MDD et la marque, qui parle aux consommateurs avec des valeurs d’équité, cela ne peut être qu’un succès », affirme Edwige Bourchet.
Une bonne percée sur le marché
D’après les chiffres des ventes sur la période P5 - P9 (mai à septembre), le BIB bordeaux « Soutenons nos vignerons » est la deuxième meilleure vente au national de BIB rouges 3 litres. Le BIB corbières est leader des ventes de BIB 3 litres rouges issus du Languedoc, sur la même période. Ces bons chiffres confirment qu’au moins une partie des consommateurs est prête à privilégier les initiatives qui assurent une meilleure valorisation aux producteurs.