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L’agneau bio : un marché porteur à structurer

L’agneau bio connaît une forte croissance mais la filière peine à s’organiser en filière longue. Avec la campagne L’agneau bio d’automne, elle tente de remettre en phase la production et la consommation.

Porté par les attentes des consommateurs qui souhaitent remettre du sens dans leur alimentation, le bio ne cesse de croître. En ovin aussi, le bio connaît une croissance à deux chiffres depuis plusieurs années. L’abattage de viande ovine est ainsi passé de 928 tonnes équivalent carcasse en 2011 à 1 432 en 2017. « Les abattages se développent mais pas au rythme des cheptels qui passent en bio », observe cependant Jean-François Deglorie, salarié de Forébio et animateur technique de la commission bio à Interbev. En effet, les conversions des exploitations en bio se poursuivent à un rythme soutenu. On compte ainsi 213 000 brebis viande en bio et conversion (185 000 en bio et 28 000 en conversion), soit 10 % de plus qu’en 2016. En 2017, 1 840 éleveurs de brebis viande étaient engagés dans la bio, 1 570 éleveurs certifiés et 270 en conversion. À cela s’ajoutent 510 éleveurs de 112 000 brebis laitières certifiées et en conversion.

Consommer de l’agneau à l’automne pour respecter le cycle naturel

Hélas, tous les agneaux bio ne sont pas valorisés en bio. « La demande n’est pas en adéquation avec la production, regrette Philippe Cabarat, président de la commission bio d’Interbev. Il faudrait environ 5 000 agneaux chaque semaine mais on a certaines semaines à 2 000 agneaux et d’autres à 15 000… » Pour tenter de contrer ce déphasage temporel entre offre et demande, l’interprofession a lancé l’an dernier l’opération l’agneau bio d’automne. « Après avoir alimenté les barbecues pendant l’été, l’agneau est un peu oublié à l’automne », observe Philippe Cabarat. L’agneau d’automne veut alors rappeler que consommer de la viande d’agneau bio à l’automne, c’est respecter le cycle naturel des animaux.

un avenir à construire

Concrètement, du 28 octobre au 30 novembre 2019, la viande d’agneau bio sera mise en avant avec une signalétique spécifique chez une centaine de bouchers et dans 400 grandes surfaces ou magasins spécialisés. Des animations seront aussi proposées dans une centaine de restaurants scolaires de toute la France. L’agneau bio sera aussi offert à la dégustation lors de foires ou salons grand public en région.

Difficile de massifier l’offre sur une niche

Philippe Cabarat, président de la commission bio d’Interbev : « L’agneau bio d’automne essaie de remettre la consommation en phase avec la production. » © D. Hardy

Mais cette opération de communication ne parviendra pas seule à remettre en phase la production et la consommation. Les producteurs et les opérateurs doivent aussi se structurer pour offrir une régularité des approvisionnements. Certains comme Unébio, Sicaba ou Bretagne Viande bio (voir ci-contre) y travaillent. Autre difficulté de ce marché de niche, l’offre n’est pas encore massifiée en filière longue. « Il est dur de construire des économies d’échelle sur des petits volumes », note Philippe Cabarat. « Tant qu’il y aura de trop petits volumes, les charges fixes resteront coûteuses », complète Jean-François Deglorie. L’agneau se retrouve alors à des prix élevés en magasin mais le prix de vente de l’éleveur est, lui, souvent insuffisant. « La valorisation en bio n’est pas encore suffisante pour permettre une vraie rémunération qui motiverait les éleveurs », regrette ainsi Jean-François Deglorie. « Il faut parvenir à consolider la filière longue et la consommation pour arriver à valoriser en bio, conclut Philippe Cabarat. Il y a un avenir dans l’agneau bio mais il faut le construire ! »

​Bretagne viande bio propose des agneaux toute l’année

Un prix incitatif et le choix des races permettent aux producteurs de Bretagne viande bio d’approvisionner régulièrement les bouchers. Exemple avec Thomas Raiffé.

Thomas Raiffé est éleveur de 200 brebis suffolk et charmoise et administrateur de Bretagne viande bio. « Le bio est un marché porteur mais il faut des agneaux toute l’année », explique l’éleveur installé en 2015 dans le Morbihan. Dans le groupement Bretagne viande bio, une quinzaine de producteurs ovins produisent des agneaux nés en mars-avril mais aussi en désaisonné. Les prix de 9,7 euros du kilo de carcasse de décembre à mai et de 8,7 euros de juin à novembre incitent ainsi à fournir des agneaux en hiver. Un prix qui n’a pas bougé depuis six ans et qui reste supérieur au prix moyen de l’agneau bio français à 7,6 euros. « Nos prix ont été discutés dans le groupement avec les bouchers, explique Thomas Raiffé. Ils étaient d’accord pour augmenter les prix mais les producteurs ont fait l’effort d’avoir des agneaux toute l’année ».

Séduits par la Charmoise

Pour assurer cette régularité, les éleveurs du groupement ont choisi des races qui peuvent se désaisonner. On trouve ainsi des Moutons vendéens, un peu de Rouge de l’Ouest, des Charmoises ou des Ile-de-France. Thomais Raiffé lui apprécie la Charmoise qui se désaisonne et valorise bien l’herbe. « Elle pousse moins vite que la Suffolk mais elle est toujours en état et donc bien apprécié par les bouchers ». L’éleveur vise 60 % des agnelages en octobre-novembre pour avoir des agneaux à Pâques. Les animaux nés en mai-juin seront eux prêts en décembre-janvier pendant la période creuse. « Pour l’instant, je garde mes femelles de façon à atteindre l’objectif de 350 brebis ». Environ un tiers des agneaux sont vendus en direct, un autre tiers à Bretagne viande bio et un tiers comme reproducteurs. En vente directe, les colis de demi-agneau sont proposés, découpés et sous-vide, à 16 euros du kilo.

Des céréales produites pour finir les agneaux d’hiver

Produire des agneaux toute l’année nécessite d’avoir des céréales pour finir les agneaux d’hiver. L’exploitation de 90 hectares permet heureusement d’avoir suffisamment d’autonomie alimentaire. Il garde même quelques bovins qui pâturent avec le troupeau. « La mixité bovin-ovin limite la pression parasitaire et protège des renards », apprécie l’éleveur de 39 ans. Pour lui, la production bio demande de la vigilance. « On a le moins le droit à l’erreur car c’est plus difficile à rattraper ». Après le sevrage, il pèse ses agneaux tous les dix jours grâce à une balance avec lecteur de boucle qui permet de voir le GMQ en direct. « On vérifie que ça grossit, c’est un bon indicateur ». Ceux qui ne grossissent pas sont isolés et, après une coproscopie, ils peuvent être traités contre les antiparasitaires si besoin.​

Des consommateurs sensibles à la qualité

Selon l’Agence bio, la viande d’agneau bio représenterait un marché de 55 millions d’euros en 2017, contre 35 millions d’euros en 2011. La viande ovine bio trouve des débouchés sur tous les types de circuits : que ce soit en grandes surfaces (29 %), en boucheries artisanales (24 %) et en magasins spécialisés (17 %). La vente directe (21 %) représente toujours une part importante des ventes. Par contre, la restauration hors domicile représente encore un faible débouché (9 %), certaines collectivités continuent à privilégier l’origine locale, sans exigence particulière sur les conditions de production. Cependant, le gouvernement a annoncé sa volonté d’introduire 20 % de produits bios dans la restauration collective publique à l’horizon 2022.

Relié au goût, à l’aspect santé et au bien-être animal

Le nombre d’amateurs de viande bio est toujours en augmentation. Aujourd’hui, près de trois consommateurs de viande sur quatre consomment de la viande bio, au moins occasionnellement. Les consommateurs interrogés l’an dernier par l’Ifop dans un sondage pour Interbev associent spontanément la viande bio à un produit de qualité, au goût, à l’aspect santé et au bien-être animal. Ces qualités découlent de la perception qu’ils ont de l’élevage bio, qui leur évoque le bon traitement réservé aux animaux (59 %), des pratiques d’élevage optimales (42 %), des méthodes de production exigeantes (19 %) et une vraie volonté de préserver l’environnement (16 %).

Les fermes ovines bio présentent des structures très différentes

Les fermes ovines bio présentent des structures très différentes. De l’éleveur pluriactif qui consacre moins d’une UMO à son élevage aux grandes exploitations sociétaires, tout est représenté dans la production bio. De même, la diversification est une réalité qui se décline bien souvent selon le mode de commercialisation choisi. En effet, en circuit court, les éleveurs se tourneront plus facilement vers un atelier complémentaire de granivores pour compléter leurs gammes de produits. Les productions végétales sont principalement des grandes cultures qui vont contribuer à l’autonomie alimentaire de l’exploitation. La moitié des élevages consomme en totalité les productions végétales de la ferme. Le pâturage est majoritairement conduit en extensif avec un chargement inférieur à 1 UGB/ha. Les exploitations se définissent pour la plupart comme « doublement herbagères », c’est-à-dire qu’elles utilisent peu de cultures fourragères et font un minimum de grandes cultures. Cette utilisation optimale de la ressource pastorale fait écho à la cohérence des systèmes d’élevage bio qui prônent l’autonomie alimentaire. Au niveau technique, l’élevage bio affiche des résultats inférieurs au conventionnel. Des taux de mises bas et de prolificité plus bas et une mortalité des agneaux plus élevée, malgré la prolificité moins importante. Néanmoins les agneaux bio issus de systèmes herbagers sont vendus plus lourds que les conventionnels et inversement pour les agneaux issus du pastoralisme.

*Ces données sont issues de l’étude « les systèmes ovins biologiques sont-ils plus durables que les conventionnels ? », menée par l’Institut de l’Élevage, l’Itab et l’Inra. L’étude a porté sur 50 élevages ovins allaitants bios, répartis dans 10 régions.

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