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« Tous nos coproduits sont mélangés en silo unique »

La SCEA Saint-Étienne en Meurthe-et-Moselle fait intervenir un prestataire pour stocker ses coproduits dans un seul et même silo. À la clé : une ration non OGM à coût maîtrisé, moins de charge de travail au quotidien et de bonnes performances.

Installé à Ceintrey, Jean-Philippe Duval, est à la tête d’un troupeau de 140 laitières à 10 000 kg de lait en système de traite robotisé avec deux salariés. Depuis plus de 10 ans, il réalise un mélange de coproduit pour l’année, stocké dans un seul et même silo. Une pratique atypique mais de plus en plus commune dans la région riche en ressources issues des industries agroalimentaires (brasserie, sucrerie, amidonnerie…)

Jean-Philippe Duval alimente 140 vaches laitières en 15 minutes deux fois par jour.

La ration à l’auge est composée de plus de 10 ingrédients mais seulement 4 emplacements pour la préparation : un silo d’ensilage de maïs, un silo d’ensilage d’herbe, un silo de mélange de coproduits et un mélange sec permettant d’intégrer les minéraux. Elle est réalisée à l’aide d’une automotrice : « en seulement 15 min la ration est préparée et distribuée pour les vaches laitières, je ne descends pas de l’automotrice et je n’ai aucune manipulation manuelle à faire ! La distribution quotidienne est donc facilitée et les erreurs de chargements sont limitées quelle que soit la personne qui prépare la ration » précise Jean-Philippe.

« Tous nos coproduits sont mélangés en silo unique »

 

Une fois les fourrages récoltés et le silo de coproduit réalisé, la ration est identique toute l’année. « Une ration stable et homogène toute l’année permet d’avoir un bon fonctionnement ruminal et d’améliorer l’efficacité alimentaire » témoigne Jérôme Larcelet, consultant Nutrition chez Seenorest.

Le mélange est réalisé une fois par an, soit environ 400 tonnes à mélanger dans la journée. Les coproduits humides arrivent la veille ou le jour même pour être mélangés sur place. L’éleveur fait appel à un prestataire local (société Pollen) qui possède une mélangeuse de 45 m3 capable de mélanger jusqu’à 1000 tonnes d’aliments dans la journée. Elle est attelée à un camion semi-remorque pour les trajets sur route et une fois sur la ferme, elle possède des roues automotrices qui lui permettent de se déplacer et d’être autonome pour réaliser le mélange et vider dans le silo. Le bol mélangeur est surplombé d’un bras-grue qui le remplit, ce qui permet au chauffeur d’être autonome. L’éleveur a simplement à mettre en place et tasser le mélange dans le silo à l’aide d’un télescopique.

La conservation reste excellente toute l’année

Le coût du silo en 2020 était de 40 000 €, soit 100 €/T de mélange. « Ce chiffre peut effrayer sur le coup mais je suis couvert pour l’année, je n’ai plus à sortir de trésorerie par la suite et subir les cours des matières premières au mois le mois. Une fois le silo réalisé, je connais mon coût alimentaire pour l’année ! Je surveille simplement le cours du tourteau de colza pour bloquer au meilleur moment les camions dont j’ai besoin. Le prix des coproduits humides fluctue beaucoup moins ». Pour ne pas avoir à mobiliser trop de trésorerie, il serait aussi possible de faire un prêt court terme auprès de la banque « C’est une gestion un peu particulière mais qui permet de ne plus se poser de question dans l’année et d’avoir l’esprit tranquille en ce qui concerne l’alimentation du troupeau », poursuit l’éleveur.

Vidéo de confection du mélange

Lors de la conception, quelques règles sont importantes à respecter notamment au niveau de la matière sèche et de la hauteur du silo. « Il faut viser entre 40-50 % de MS et 1,50-2 m de hauteur en fonction des matières utilisées dans le mélange » précise Jérôme Larcelet. À la SCEA Saint-Étienne, le mélange est stocké dans un silo couloir d’une largeur de 7 m et sur une hauteur moyenne de 1,50 m. « On utilise aucun conservateur, j’avance d’environ 12 cm par jour sur la largeur du front d’attaque, je n’ai aucune perte sur l’année et même au bout d’un an le mélange reste identique et n’est pas altéré » témoigne Jean-Philippe Duval.

La composition du mélange s’adapte aux fourrages de l’année

« Nous réalisons le mélange au mois d’octobre ou novembre, ce qui permet d’avoir une vision sur la quantité et la qualité des fourrages récoltés et d’adapter le mélange en fonction. Nous ne réalisons jamais le même mélange d’une année sur l’autre », témoigne l’éleveur. Les ressources disponibles dans la région sont multiples et permettent de faire des mélanges protéiques, énergétiques ou équilibrés. « L’année dernière, les rendements et la qualité des ensilages de maïs n’étaient pas au rendez-vous, nous avons donc formulé un mélange permettant de combler le déficit fourrager et énergétique en privilégiant des pulpes de betteraves, de la farine fourragère de maïs et du corn gluten. Cette année, les stocks en ensilage d’herbe sont satisfaisants et de qualité tout comme les futures récoltes de maïs qui s’annoncent excellentes, donc je pense que l’on va plutôt s’orienter sur un mélange plus riche en protéine. »

L’utilisation importante de coproduits humides dans la ration augmente l’encombrement, ce qui permet de limiter la consommation des fourrages et donc de réduire la part de surfaces fourragères dans l’assolement. « Aujourd’hui avec les aléas climatiques qui impactent fortement les bilans fourragers depuis quelques années, les coproduits sont une sécurité et une réelle opportunité pour combler le déficit en fourrage » apprécie Jean-Philippe Duval.

90 % de la ration provient de la région

La ration semi-complète, se compose à l’auge de 9 kg MS d’ensilage de maïs, 4,5 kg MS d’ensilage d’herbe, 4 kg MS de mélange de coproduits, 0,5 kg MS de paille, 1,5 kg MS de farine de maïs, 0,5 kg MS tourteau colza et 0,28 kg d’un minéral 3-28-7. Et au robot, les vaches reçoivent en moyenne 2 kg MS d’un tourteau à 36 % MAT et 2,2 kg MS de Wheat Feed. Cette ration a une autonomie massique de 60 % à l’échelle de l’exploitation et de 90 % à l’échelle de la région Grand-Est. « Limiter le recours aux produits d’importation en valorisant des ressources de l’exploitation et de la région permet de soutenir l’activité économique locale et de renvoyer une image positive face aux enjeux environnementaux et sociétaux qui sont de plus en plus présents dans notre métier » apprécie l’éleveur. Cette pratique répond par ailleurs au cahier des charges de la laiterie qui demande une alimentation non OGM tout en restant dans une économie circulaire.

Avis d’expert : Jérôme Larcelet, consultant Nutrition à Seenorest

« Une solution qui n’a plus rien à prouver ! »

« Aujourd’hui nous avons suffisamment de recul sur cette pratique pour attester des bénéfices possibles d’en retirer. D’abord sur le plan technique, pour sécuriser le système fourrager, améliorer la conservation des produits et avoir une ration plus stable et homogène dans le temps. Économiquement, cette pratique permet d’utiliser et de valoriser des coproduits locaux bon marché ce qui ne serait pas possible autrement, et permet de diminuer le coût alimentaire tout en préservant les performances laitières. En libérant des hectares de SFP, cette stratégie permet en outre d’augmenter la part de cultures de vente et d’économiser du temps de travail. Enfin, au niveau environnemental, les émissions de GES se voient limitées avec des bovins « qui mangent local » une alimentation 100 % non OGM. »

 

Pas seulement réservée aux grands troupeaux

Cette solution en stockage par voie humide peut s’adresser à tout type d’exploitation et même aux plus petites. Cela permet de travailler en camion benné de 30 t et du coup de bénéficier de tarifs avantageux comparé à des livraisons régulières en petites quantités. Si l’élevage dispose d’un silo couloir adapté, de place pour réceptionner plusieurs camions et réaliser le chantier, il est possible de réaliser le mélange sur place. Autrement, les éleveurs se font livrer par camion complet de 30 t de mélanges humides préalablement réalisés sur des plates-formes. Plusieurs prestataires proposent cette formule aujourd’hui dans les régions avec des gisements de coproduits.

Côté éco

7,11 €/VL/jour est la marge sur coût alimentaire moyenne sur l’hiver 2020/2021. Le coût alimentaire s’est élevé à 4,38 €/VL/jour (hors coût de distribution à l’auge).

Les plus Les moins

+Temps de préparation de la ration

+Ration constante toute l’année

+maîtrise du coût alimentaire

+Conservation

+Ration Locavore

-Trésorerie

-Disponibilité des coproduits

Rédaction Réussir

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