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La face cachée du mouvement végan

Vidéos à charge avec la volonté de choquer. Intrusions dans les élevages, abattoirs, centres de recherche... Agression de bouchers... L’agenda des animalistes radicaux est bien de mettre fin à l’élevage.

L’animalisme radical a sauté à la figure des acteurs de l’élevage à partir du milieu des années 2010. Les vidéos à charge de L214(1), construites à partir d’images captées illégalement et savamment assemblées au montage pour choquer, soutenues par des musiques anxiogènes et intelligemment médiatisées, les a laissés sans voix. Des mouvements plus radicaux encore, tels que 269 Life France, 269 Libération animale ou Boucherie abolition, ont émergé dans leur sillage. Ils sont à l’origine d’actions violentes : blocages d’abattoirs, intimidations, et dégradations de biens visant des boucherie et des commerces. L’incompréhension est totale dans des filières et dans un pays qui ne se considère pas comme un mauvais élève sur les questions de protection animale.

Très bruyants, ces mouvements radicaux sont pourtant loin de représenter tout le champ de la protection animale, qui existait bien avant ces actions spectaculaires. On a coutume de distinguer deux sortes d’associations, les welfaristes et les abolitionnistes, selon leur positionnement vis-à-vis des animaux d’élevage. Les premières ne remettent pas en cause l’élevage mais militent en faveur de l’amélioration des conditions de vie et d’abattage des animaux. Trois associations welfaristes dominent le paysage français de la protection des animaux de ferme : Welfarm, CIWF (Compassion in world farming) et OABA (Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoir). Interbev a engagé depuis 2017 un dialogue avec ces organisations pour faire progresser les pratiques.

Les abolitionnistes visent l’abolition de l’élevage

Discussion impossible en revanche avec les associations abolitionnistes, telles que L214, qui refusent par principe tout  partenariat avec le monde de l’élevage. Et pour cause. Elles visent l’abolition de l’élevage au nom de l’idéologie antispéciste. Les antispécistes « refusent d’établir une quelconque distinction entre les espèces, et donc entre les humains et les animaux - distinction qu’ils assimilent au spécisme -, au nom d’une lutte contre les discriminations et l’oppression des espèces animales non humaines », décrypte Eddy Fougier, expert des mouvements protestataires, dans une récente étude(2) qu’il a réalisée pour la Fondapol (Fondation pour l’innovation politique), un think tank libéral et progressiste. Ils mettent la lutte contre l’exploitation animale au même rang que la lutte contre l’esclavage, le racisme, le sexisme... Pour eux, l’espèce n’est pas un critère pour déterminer comment traiter un animal. Derrière les humains ou les animaux, ils ne voient que des individus également « sentients », c’est-à-dire dotés de la capacité à ressentir la souffrance physique ou psychique.

Radicalité des propos, des visions et des modes opératoires

Eddy Fougier décrit par le menu le fonctionnement des associations abolitionnistes et les ressorts qui animent ce fondamentalisme végan. « L’animalisme radical présente trois caractéristiques communes, qui le distinguent notamment de l’animalisme “réformiste” incarné par les associations traditionnelles. » À savoir une triple radicalité des propos, des visions et des modes opératoires. Les mots et les images utilisés pour parler des animaux et de la viande sont volontairement outranciers et provocateurs. L’expert cite notamment Aymeric Caron, l’une des figures médiatiques de l’animalisme radical : « Le consommateur de viande est un assassin », « Dire à un boucher que c’est un assassin, c’est une réalité étymologique parce qu’un assassinat, c’est un meurtre avec préméditation, sans consentement de la victime »... « L’objectif évident des animalistes radicaux est de modifier le regard que les Français peuvent avoir sur l’élevage industriel, la viande, la boucherie, la fourrure, les expérimentations animales, le gavage des oies ou des canards ou encore la corrida en suscitant chez eux indignation et colère face aux traitements infligés aux animaux », analyse-t-il. Quant à la radicalité des visions, L214 ne s’en cache pas. « Parce que la production de viande implique de tuer les animaux que l'on mange, parce que nombre d'entre eux souffrent de leurs conditions de vie et de mise à mort, parce que la consommation de viande n'est pas une nécessité, parce que les êtres sensibles ne doivent pas être maltraités ou tués sans nécessité, l'élevage, la pêche et la chasse doivent être abolis », affirme l’association en page d’ouverture de l’un de ses sites (Abolir la viande). Quant à la radicalité des modes opératoires, point besoin de dessin.

Un marketing de l’horreur efficace

Cet objectif abolitionniste n’empêche pourtant pas L214 d’avancer masquée. « Le projet serait clairement abolitionniste et antispéciste, tout en étant audible par le grand public et les médias. Nous avions l’intention de mener des campagnes sectorielles qui serviraient de levier pour avancer vers l’abolition de l’élevage », expliquait Brigitte Gothière, cofondatrice de L214, dans un livre (L214, une voix pour les animaux, de Del Amo) relatant l’histoire de l’association créée en 2008. Bref, il s’agit de lancer un pont entre, d’une part, l’action à court terme (welfariste), acceptable et accessible au plus grand nombre, pour instiller l’idée que la condition animale est déplorable et qu’il faut changer les habitudes alimentaires et, d’autre part, l’action à long terme (abolitionniste) qui en découle, à savoir supprimer toute utilisation de l’animal. Une stratégie soutenue par un marketing de l’horreur efficace : des campagnes à fort impact émotionnel, des ambassadeurs reconnus par le public et des exclusivités négociées avec des médias pour leur lancement.

(1) Le nom de l’association fait référence à l’article L214-1 du Code rural établissant que l’animal est un « être sensible ».
 

Les Z’Homnivores lance le site mangerdetout.fr

° Pour défaire les contrevérités qui nourrissent l’agribashing, le collectif d’acteurs bretons de l’agriculture et de l’agroalimentaire(1) Les Z’Homnivores a mis en ligne cet été le site mangerdetout.fr. Il vise à apporter des réponses complètes et objectives à toutes les questions que se pose le consommateur autour de l’alimentation. Il fournit aussi des clés aux éleveurs pour communiquer sur leur production, de façon positive et étayée.
° Son originalité est d’être aussi un site de réflexions. « Le débat sociétal sur l’alimentation a été confisqué par les animalistes. Nous voulions faire entendre notre voix, celle qui prône une alimentation omnivore », explique Loïc Hénaff, président de Produit en Bretagne. Ce site s’appuie sur la vision partagée du collectif Les Z’Homnivores : « on a réaffirmé ce qui pour nous allait de soi en s’entourant de philosophes, de scientifiques, de nutritionnistes : pour faire grandir l’homme, depuis toujours, il est naturel et vital de se nourrir de produits animaux et végétaux ». « Loin des images chocs et des « fake news », le parti pris du site est d’aller au-delà de la controverse et d’amener du dialogue et de l’ouverture, insiste Danièle Evain, présidente d’Agriculture de Bretagne. Chacun doit pouvoir être libre de choisir son mode de consommation, en toute connaissance de cause. »
° Le site se base sur des informations documentées et scientifiques. Il aborde toutes les dimensions de l’alimentation : les notions de santé et de goût, l’environnement, la bien-traitance animale. Il explique les différents régimes alimentaires et s’appuie sur les conseils nutritionnels des autorités publiques. Il propose des outils pratiques pour bien consommer. Il apporte des éléments de réflexions sur notre rapport à la mort des animaux, l’impact d’un monde sans élevage, sur l’idéologie antispéciste …
° Créé il y a deux ans alors que la Bretagne devenait la cible des abolitionnistes, le collectif Les Z’Homnivores a engagé diverses actions, notamment l’opération Breizh Agri Food qui a proposé en juin 2019 quelque 180 portes-ouvertes autour de l’alimentation, qui ont attiré près de 40 000 visiteurs.
(1) Produit en Bretagne, l’Association bretonne des entreprises agroalimentaires, Agriculteurs de Bretagne, l’UGPVB, Interbev Bretagne et la chambre d’agriculture de Bretagne.
 
 

S’y retrouver dans la mouvance végane

Si la mouvance végane est devenu la bête noire du monde de l’élevage, derrière ce terme se cachent des tendances plus ou moins restrictives et militantes.

Les végétariens (2 % dans la population française) se limitent à ne pas manger de viande.
Les végétaliens excluent également tous les autres produits animaux (produits laitiers, œufs...).
Les flexitariens réduisent leur consommation de viande ou ont opté pour un régime majoritairement, mais non exclusivement sans viande.
Les végans proprement dit (moins de 0,5 %) font de leur refus de l’exploitation animale une philosophie et un mode de vie. Ils ne consomment aucun produit issus des animaux, y compris ceux qui contiennent des additifs d’origine animale ou même le miel. Il refusent l’usage de vêtements fabriqués avec des matières animales (cuir, laine, soie...) et de tous les produits testés sur les animaux. Et bien sûr, ils ne mettront jamais les pieds dans un parc animalier ou un cirque. Une partie d’entre eux cherche à politiser la cause animale et l’alimentation et à inciter par tous les moyens les non-végans à le devenir.

Un activisme multiforme soutenu par la Silicon Valley

Dotée d’un budget confortable, L214 investit tous les espaces de la société pour faire avancer son projet abolitionniste.

L’association L214 fait feu de tout bois pour parvenir à ses fins. En témoigne la dizaine de sites internet qui reflètent son activisme multiforme. Il y a d’abord des sites « d’information », très orientés, sur la viande (Viande-info), le lait (Lait-viande.info) et les palmipèdes (Stop gavage). Des sites pratiques expliquent comment devenir vegan et où trouver des restaurants végans. Le site (Politique&animaux) note, dénonce et incite à interpeller les élus politiques quant à leur action à l’égard des animaux. Un site destiné aux enseignants fournit pléthore de documents pédagogiques militants librement utilisables dans les classes, de la maternelle jusqu’au lycée. Deux sites enfin (Abolir la viande, Fermons les abattoirs) visent explicitement les végans les plus radicaux pour les inciter à l’action. « La production et la consommation de viande doivent être interdites », affirme le premier.

Pour investir ainsi tous les espaces d’expression de la société, entretenir un réseau dans soixante villes et rémunérer plus de soixante salariés (contre 15 en 2015), il faut de l’argent, beaucoup d’argent. Et L214 n’en manque pas. L’association bénéficie d’un confortable budget (2017) de 5,2 millions d’euros, dont près de 4,4 millions d’euros de dons et legs. Les dons, en France, sont défiscalisés à 66 %. Après avoir stagné pendant sept ans, elle a connu ces dernières années une croissance fulgurante. Depuis 2015, le nombre d’adhérents a été multiplié par trois (32 000 en 2019). La surenchère médiatique a aussi pour but de recruter sur le marché concurrentiel de l’animalisme.

En 2017, l’association a bénéficié d’une subvention de 1,14 million d’euros de l’Open Philanthropy Project, un fonds privé américain de la Silicon Valley, en échange de campagnes contre les poulets de chair et pour faire du prosélytisme végan dans les universités françaises. À l’instar du politologue Paul Ariès, les végans sont souvent accusés d’être « les idiots utiles du capitalisme ». Pendant qu’ils préparent les esprits à ne plus manger des produits issus des animaux, les grandes sociétés de l’internet (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) investissent massivement dans le nouvel eldorado des protéines artificielles, au travers de startups biotechnologiques. Parmi lesquelles l’Américaine Perfect Day, qui ambitionne de créer du lait par séquençage de gènes et impression 3D(1). Les mêmes personnes financent d’un côté les ONG animalistes et investissent de l’autre dans des fonds d’investissement qui, eux-mêmes, financent les labos et startups de la viande artificielle.

(1) Voir Réussir Lait, n°337, juillet-août 2019, p.12.

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