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Avec Franck Gaudin, nutritionniste: comment on booste la production laitière aux USA

Nutritionniste aux États-Unis, Franck Gaudin a fait part de ses préconisations pour gérer des systèmes à haut niveau de production lors d'une journée organisée par Lely.

 

 

 

Traite robotisée ou non, comment booster la production par vache sans déraper sur les coûts de production ? Le nutritionniste américain Franck Gaudin a fait un one man show très marqué par le modèle vaches hautes productrices à l’américaine lors d'une journée organisée par Lely. « La plupart des éleveurs que je conseille ont des vaches à 40 kg et ils me demandent comment faire pour qu’elles produisent 45 kg. Ceux qui sont à 45 kg me disent 'creuse toi la tête pour faire 50 kg', etc... », a-t-il raconté. Franck Gaudin travaille pour une société spécialisée dans l’alimentation du bétail. Elle a investi dans une ferme de 1 500 vaches. « Nous sommes en phase de réflexion pour passer en traite robotisée. Il nous faudrait 22 robots, nous en avons déjà commandé quatre. Il y a cinq ans, il y avait peu de robots aux USA, on ne savait pas produire avec des robots. »

Viser 150 jours de stade moyen de lactation

« Les élevages que je suis aux États-Unis sont à 180 jours de stade moyen de lactation. En France, vous êtes plus élevés », constate Franck Gaudin. Au robot, chez une vache adulte le pic de lactation intervient entre 40 et 45 jours. Les vaches sont alors à 55-60 kg. Après ce pic, la production laitière baisse de 80 à 90 g par jour. « En baissant le nombre de jours en lactation de 10 jours, on gagne quasiment un litre de lait de moyenne sans changer le coût de la ration. Cela a un impact économique énorme. »

Concrètement, si votre troupeau est à 33 litres à 180 jours de stade moyen de lactation, vous pouvez passer à 34 litres avec 170 jours et à 36 litres avec 150 jours. Pour baisser le stade moyen, il ne faut pas hésiter à inséminer avant 65 jours après le vêlage. « Il faut inséminer le plus proche possible du pic de lactation », conseille Franck Gaudin. « On peut le faire dès 50 jours, si la vache n’a pas fait de métrite, de mammite… grâce à l’acidification de la ration au tarissement (chlorure de magnésium…). »

 

 

 

Reste qu’aux États-Unis, les troupeaux qui sont à 150 jours de stade moyen utilisent un double protocole. Les éleveurs mettent des colliers ou des podomètres pour mesurer l’activité des vaches et détecter les chaleurs. Et ils utilisent un protocole hormonal pour récupérer toutes les vaches qui ne sont pas actives 50 jours après le vêlage. « S’il y a des restrictions sur l’usage des hormones, on arrivera toujours à trouver de nouvelles solutions », assure Franck Gaudin.

Apporter la bonne dose de précurseur de glucose

Quel précurseur de glucose utiliser et à quelle dose ? Le problème du propylène glycol est qu’il n’est pas appétent. « On est obligé de le mélanger avec autre chose. Nous le mélangeons à part égale avec du glycérol. » Le nutritionniste conseille de distribuer 350 g/j de précurseur de glucose pendant les trente premiers jours de lactation. « Je me demande cependant s’il ne faudrait pas en distribuer pendant 45 jours ", s’interroge-t-il. Pour une vache en cétose, il en distribue 500 g pendant les cinq premiers jours. Il préconise de bien lire l’étiquette du produit acheté. « Le glycérol coûte 40 % moins cher que le propylène glycol. Et l’idée, ce n’est pas de soigner les vaches au robot, mais de prévenir les cétoses pour avoir plus de lait. Si vous avez une pompe à précurseur de glucose, vous pouvez vous permettre d’augmenter un peu la lysine pour augmenter la production par vache. Si le tarissement s’est bien passé, elles vont répondre. »

Supplémentation au robot, 6 kg au cinquième jour

« Une vache en deuxième ou troisième lactation qui tourne bien avec un robot est déjà à 45 litres au bout de cinq à sept jours de lactation Si le plan d’alimentation dans le robot met trois semaines pour arriver à l’optimal, vous loupez quelque chose », prévient Franck Gaudin. Le pic de lactation sur une vache adulte intervient entre 45 et 55 jours. Les primipares sont plus lentes (80 à 90 jours). Avec une supplémentation au robot adaptée, des vaches qui font 45 litres de moyenne arrêtent de perdre du poids à 21 jours. « Aux États-Unis, la supplémentation au robot commence à 8 livres (3,75 kg/VL) le premier jour de lactation. On augmente ensuite de 450 g tous les jours. Au cinquième jour de lactation, on est quasiment au maximum (6 à 6,5 kg/VL). La capacité d’ingestion d’une vache à 5 ou 10 jours de lactation n’est pas énorme. Il ne faut donc pas distribuer trop de concentrés par rapport aux fourrages. »

 

 

 

Aux USA, dans les élevages avec traite robotisée, les éleveurs ne distribuent le plus souvent qu’un seul aliment . « Dans notre exploitation, nous sommes partis sur une VL 16 à base de maïs, tourteau de soja et coque de soja. On est à 16 % de protéines. Il y a un peu d’amidon et de fibres. Quand on augmente ou baisse la VL 16, on ne modifie pas la ration de base. En début de lactation, on donne du précurseur de glucose et de la VL 16 équilibrée. » Franck Gaudin distribue également 300 g de correcteur azoté pour ramener de la lysine métabolisable (20 g/VL/j). « L’objectif est d’apporter la même dose de lysine aux vaches qui sont en début de lactation alors qu’elles ont une plus faible capacité d’ingestion. On continue à apporter des acides aminés à l’auge pour que les vaches en fin de lactation en aient toujours assez. »

10 g de lysine en plus, c’est 3 % de lait en plus

« La lysine nous a fait progresser en production laitière. Le problème est qu’elle ne peut pas être granulée. Il faut donc la distribuer à l’auge. Avec 165 g de lysine métabolisable par vache et par jour, si vous augmentez les apports de 10 g/VL/j, vous pouvez tabler sur une augmentation de production laitière de 3 % », annonce Franck Gaudin. Lequel précise cependant que les acides aminés payent plus avec un troupeau à 37 litres qu’à 27 litres. « À 27 litres, il y a d’autres choses à modifier avant, sans que cela coûte quelque chose. »

Mais attention, à force d’ajouter de la lysine il faut aussi se pencher sur l’équilibre de la ration. L’énergie peut devenir le facteur limitant. Aux États-Unis, tous les élevages utilisent de la lysine synthétique (protégée). « En France vous êtes à 165 g/VL/j. En général, chez nous on est à 180 voire 200 g. Parmi les élevages que je suis, une dizaine sont à 46 kg de lait avec de très bons taux avec un stade moyen de lactation de 150 j. Ils distribuent 195 g de lysine métabolisable/VL/j. »

De la méthionine plutôt que de la choline

« Aux États-Unis, nous donnons énormément de choline. Mais il y a un débat en ce moment autour de l’intérêt de la choline par rapport à la méthionine », note Franck Gaudin. La méthionine coûte trois à quatre fois moins cher et a un impact plus important sur la production que la choline, explique le nutritionniste. Toutes ses rations pour les préparations vêlages sont supplémentées avec de la méthionine. « Nous utilisons un ratio de un tiers de méthionine (30 g/VL/j) pour deux tiers de lysine (90 g/VL/j pour améliorer le fonctionnement du foie. »

Analyser les fourrages distribués aux taries

Pour être certain d’avoir une Baca négative (balance alimentaire cation/anion autour de -150 meq/kg de MS), mieux vaut analyser tous les fourrages distribués parce que leur valeur alimentaire peut fortement varier. « Il ne faut pas avoir quinze foins différents dans la ration. Il faut trouver un foin qui colle et en avoir plus de cinq bottes. » Distribuer une ration avec 50 % de paille broyée et de foin broyé est possible. Mais le nutritionniste met en garde contre trois limites avec la paille. « Il faut la broyer pour augmenter l’ingestion parce que le niveau d''ingestion avant vêlage dicte celui d’après le vêlage. Par ailleurs, la paille peut contenir des mycotoxines, et elle est pauvre en protéines. »

Attention aussi aux caractéristiques de l’ensilage de maïs. « S’il est à 30 ou 40 % de matière sèche et à 30 % ou 40 % en amidon, ce n’est pas pareil. » Dans un élevage suivi par Franck Gaudin, les éleveurs distribuent 10 à 11 kg brut de maïs à 33-36 % MS et 6 kg de paille aux vaches taries en préparation. Leurs vaches produisent 46 à 47 litres de lait à 42 g/l de TB et 35 g/l de TA avec deux traites par jour.

Ne pas perturber le développement de la mamelle

L’élevage des génisses de 2 à 22 mois a un impact très important sur le développement de la mamelle. Rester en dessous de 1 kg de GMQ durant la phase 2 à 12 mois est important pour ne pas perturber le développement de la glande mammaire. « Cette dernière croît de façon colossale entre 0 et 2 mois. Et son développement se poursuit jusqu’à la puberté. Il ne faut pas trop réduire la durée de cette période », conseille Franck Gaudin. Une génisse devient pubère quand elle a atteint 55 % de son poids vif adulte. C’est possible à 7 ou 8 mois, mais ce n’est pas souhaitable pour le développement de la glande mammaire. Or, souvent après le sevrage, il y trop d’énergie dans la ration des génisses, constate le nutitionniste. « Certains ensilages d’herbe (très jeunes) sont très digestibles. Ils apportent beaucoup plus d’énergie qu’on ne le pense. »

Apprendre à mesurer le pH urinaire

Il faut mesurer le pH urinaire. Ce n’est vraiment pas compliqué à faire. « Si vous le faites sur quelques vaches en préparation vêlage et qu’elles sont autour de pH 6, 'ça roule' ». Le pic de lactation sera meilleur parce que les vaches ingèrent plus. Elles ont moins de problèmes métaboliques, de non-délivrance, de métrites ou de mammites.

En revanche, attention si vous en avez plusieurs avec un pH urinaire supérieur à 7,5 - 8. " Au-delà du risque de fièvre de lait, cela indique que les vaches ne mangent pas assez ou que la ration ne contient pas assez d’acidifiant (chlorure de magnésium, chlorure de calcium, soufre…) ", souligne Franck Gaudin. Il ne faut pas pour autant descendre trop bas. Avec un pH urinaire à 5 ou 5,5 on commence en effet à avoir un impact négatif sur le niveau d’ingestion des vaches.

Limiter les risques d’hypocalcémie autour du vêlage

Une calcémie inférieure à 85 mg de calcium par litre de sérum sanguin a un impact sur l’immunité, les non-délivrances, les métrites et les mammites.

La préparation au vêlage doit durer entre 14 et 21 jours. « Il ne faut pas se dire : je vais réparer toutes les erreurs que j’ai faites pendant deux mois lors du tarissement grâce à une bonne préparation au vêlage. En revanche, quand on a bien géré les taries, le plus gros problème durant la phase de préparation au vêlage, c’est le calcium », souligne Franck Gaudin. Juste avant le vêlage, il y a une chute du calcium sanguin. Une calcémie inférieure à 85 mg de calcium par litre de sérum sanguin a un impact sur l’immunité, les non-délivrances, les métrites et les mammites. Les vaches ingèrent moins et font des cétoses ou des retournements de caillette. L’idée est de réduire et limiter dans le temps l’hypocalcémie et d’éviter les fièvres de lait.

Le nutritionniste rappelle que lorsque la Baca est négative durant la phase de préparation au vêlage, les vaches mobilisent plus facilement le calcium après le vêlage. Le pic de lactation s’exprime mieux chez les multipares. « Chez les primipares, cela ne change pas ou peu l’expression du pic parce qu’elles sont rarement en hypocalcémie. »

Limiter le calcium n’a pas d’impact sur la Baca

Concrètement, pour une vache en préparation vêlage, la ration finale doit contenir 1,5 g/kg MS de calcium, 0,42 à 0,45 g/kg MS de phosphore, 0,5 g/kg MS de magnésium, 0,3 g/kg MS de soufre et entre 0,8 et 1,25 g/kg MS en chlorure. « Contrairement au potassium, limiter l’apport de calcium dans la ration des vaches taries n’a aucun impact sur la Baca. En revanche, depuis que nous apportons plus de calcium (jusqu’à 180 g/VL/j), nous avons moins de problèmes de non-délivrance. »

À retenir

Apporter 6 kg de concentrés dès le 5e jour de lactation
Viser 150 jours de stade moyen de lactation
Inséminer si possible dès 50 jours
Pas plus de 1 kg de GMQ entre 2 et 12 mois

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