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« J’ai fait le choix de la rusticité avec les Pyrénéennes »

Camille Machado élève des chèvres pyrénéennes, caractérisées par leur rusticité, leur caractère bien trempé et leur faible productivité.

C’est en montant à 900 mètres d’altitude dans la vallée d’Aspe, dans le Béarn, que l’on peut croiser les trente-deux chèvres pyrénéennes et les vingt-huit brebis basco-béarnaises de Camille Machado en route vers le communal. L’éleveuse de 37 ans a créé son exploitation en 2019, après être tombée amoureuse du petit village de Lescun, situé à la frontière espagnole.

« Je suis partie en courant »

La jeune femme n’a pas un parcours comme les autres. Originaire de Villefranche-sur-Saône (Rhône) et non issue du milieu agricole, elle obtient un master d’Écologie et gestion de la biodiversité à l’Université de Montpellier. Elle intègre une association militante de protection de l’ours dans les Pyrénées. « J’avais vingt ans à l’époque, je pensais être du bon côté », confie-t-elle. Elle y est restée trois ans salariée, avant d’être confrontée au monde agricole et de voir ses principes vaciller. « Nous distribuions des tracts sur les marchés et nous récitions des discours appris par cœur. Je suis partie en courant. »

Elle travaille sept ans pour un éleveur ovin à Lescun avant de créer « Les Caprices de Lescun » en 2019. L’éleveuse achète des chèvres pyrénéennes, séduite par leur rusticité et leur caractère. Mais la nouvelle ne semble pas faire l’unanimité auprès des autres éleveurs. « Je pensais leur éviter de la concurrence, mais les chèvres sont vues d’un très mauvais œil ici. » Une légende raconte qu’une chèvre aurait été à l’origine de l’introduction de la maladie de l’agalactie contagieuse dans le Béarn. Bien connue des éleveurs des Pyrénées-Atlantiques, la maladie touchant les ovins et caprins provoque notamment des mammites, des arthrites et kératites et cause de lourdes pertes économiques.

« Paradoxalement, les chèvres pyrénéennes plaisent, aux jeunes installés notamment, car c’est de l’élevage extensif. Quand je vends des chevrettes, je reçois quinze appels dans l’heure. »

Sacré caractère

Armées de cornes imposantes, les Pyrénéennes se blessent souvent. « C’est leur caractère ! Elles se battent tout le temps. J’ai régulièrement des pattes, voire une épaule, cassées. » Lorsque l’éleveuse n’est pas là, la hiérarchie reprend le dessus dans la chèvrerie, ce qui peut poser problème à la mise bas. « Parfois je découvre qu’une chèvre à cinq chevreaux. En fait, la chèvre dominante lèche les chevreaux des autres femelles à la naissance. Une fois léché, c’est terminé, sa mère ne le reconnaîtra pas. »

« La chèvre dominante lèche les chevreaux des autres femelles à la naissance. »

Mais la race est particulièrement adaptée aux conditions difficiles des pâturages pyrénéens. Après la traite à 6 heures, Camille Machado emmène ses chèvres et ses brebis sur les pâturages communaux, situés à 200 mètres de la ferme. Les deux troupeaux pâturent sur 80 hectares librement et redescendent vers 20 heures. « Les chèvres sont des cueilleuses, elles choisissent avec soin leur alimentation. À l’extérieur, elles sont gourmandes de ronces, de lierre et de noisetiers. À l’intérieur, elles sont capricieuses et trient facilement le foin… », écrit-elle sur son site.

Un bouc qui fait de l’effet

Pour synchroniser les chaleurs, l’éleveuse utilise l’effet bouc. Chaque année, elle introduit fin août un bouc issu de l’association, qui met également un pré à disposition pour l’isoler des chèvres pendant les mois précédant la reproduction. « Les chèvres réagissent super bien à l’effet bouc, qui nous donne de bons résultats. » Le bouc reste dans la chèvrerie jusqu’à décembre, et l’éleveuse n’a que très peu besoin d’intervenir.

Inscrite au contrôle laitier, la ferme des Caprices de Lescun fait intervenir un technicien quatre fois par an pour peser les agneaux et assurer un suivi global du système. « Je peux demander du conseil mais il n’y a pas beaucoup de références pour les chèvres pyrénéennes, notamment pour les rations. » Car les Pyrénéennes mangent beaucoup moins que les Alpines. L’éleveuse distribue autour de 300 grammes de maïs par jour en complément des pâturages. « Avec la hausse des prix des intrants, les éleveurs du coin envisagent de plus en plus de faire pâturer leurs chèvres. Et pour cela, quoi de mieux que les Pyrénéennes ? »

Reprendre du poil de la bête

À la mise bas en février, les chevreaux sont élevés sous les mères pendant deux mois, avant d’être vendus en direct sur les marchés. Quatre à cinq chevrettes sont conservées pour le renouvellement. « Le désavantage d’un petit troupeau, c’est que les chevrettes sont trop jeunes pour être saillies, mais il n’y a pas la place de les séparer. » Les chevrettes ne sont pas sevrées, elles restent toute leur vie avec leur mère, ce qui assure une certaine cohésion dans le troupeau.

Si les beaux poils longs de la Pyrénéenne attirent tous les regards, ils apportent également leur lot de problèmes. « Le pire, ce sont les puces ! », s’exclame l’éleveuse, se remémorant les invasions qu’elle a subies il y a deux ans. « Nous mettions nos vêtements au congélateur le soir », se rappelle-t-elle. Après avoir traité tout le bâtiment, elle a acheté des canards pour limiter la présence des insectes. « À chaque fois que je sors le fumier, je passe le brûleur sur le béton. Nous sommes moins embêtés depuis. »

Faire connaître le métier

L’éleveuse trait à la main matin et soir. « Avant de m’installer j’avais l’habitude de traire quatre cents brebis à la main, donc avec mes soixante bêtes je m’en sors bien. » Près de 8 000 litres de lait de chèvre et de brebis sont transformés chaque année sur la ferme. Sur les marchés de Bedous, Etsaut et Oloron-Sainte-Marie, sa mère Michèle l’accompagne pour vendre les crottins, la tome et le saucisson de brebis. « Souvent, les clients achètent un fromage de chèvre et un de brebis. C’est une plus-value de proposer deux laits différents. » En août, quarante fromages de chèvre et quarante fromages de brebis sont produits par jour, mais ce chiffre monte à soixante pendant le pic de lactation en mai.

L’éleveuse apprécie le contact avec sa clientèle sur les marchés, mais aussi avec les curieux venant visiter sa ferme. L’été, des groupes de vacanciers et locaux l’accompagnent sur le parcours vers les communaux, une façon de sensibiliser au pastoralisme dans la vallée de l’Aspe.

Camille Machado aimerait développer cette activité d’animation. « Je cherche un ou une associée. Car une telle charge de travail n’est pas durable. » Pour trouver une rémunération supplémentaire, elle réfléchit à augmenter la fréquence des animations sur la ferme. Car avec le tarissement de novembre à avril, il n’y a pas de rentrée d’argent cinq mois dans l’année.

« Finalement, il y a trois critères pour être rentable avec un petit troupeau : faire de la vente directe, bien valoriser le lait et faire pâturer sur les communaux », conclut-elle.

Regain d’intérêt pour la chèvre pyrénéenne

La race Pyrénéenne a longtemps été mise de côté, en raison de sa faible productivité. Elle a failli disparaître dans les années 1980, avant d’être sauvée par une poignée de passionnés et d’être finalement reconnue officiellement dans les années 1990.

Particulièrement rustique, la race bénéficie d’un regain d’intérêt depuis quelques années. En 2023, 5 000 chèvres pyrénéennes étaient répertoriées et, chaque année, de nouvelles installations valorisent cette race au sein de petits ateliers fromagers ou de troupeaux conduits en allaitant.

Créée en 2004, l’association des chèvres pyrénéennes assure la gestion du livre généalogique de la race et met en œuvre un programme de conservation et de développement de la filière avec l’appui de ses partenaires techniques et financiers (Capgènes, Institut de l’élevage, Conservatoires régionaux…).

Rédaction Réussir

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