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150 pyrénéennes alimentées 100 % sur parcours

Chevriers sans terres dans les Landes, les deux associés de la ferme Bacotte transforment chaque année les 10 000 litres de lait produits par leurs pyrénéennes.

360 jours de garde par an en moyenne pour Clément Baillet et Marie Fischer et leurs 150 chèvres pyrénéennes ! À Saint-Sever, dans les Landes, les deux associés de la ferme Bacotte ne disposent d’aucune surface, en dehors de celles sur lesquelles sont construits les bâtiments. Installé double-actif en 2010 avec quelques chèvres pour « débroussailler », Clément a agrandi progressivement le troupeau et commencé la transformation fromagère avec son frère, au départ, puis avec Marie à partir de 2016. Les chèvres, rejointes à l’automne 2022 par une trentaine de brebis Manech tête noire, sont alimentées quasi exclusivement sur parcours.

« En race locale, il faut suivre la logique jusqu’au bout. La pyrénéenne est très adaptée à notre façon de produire et répond aux enjeux actuels. Nous sommes dehors toute l’année, elle consomme très peu de fourrages conservés et d’aliments, soulignent Clément et Marie. En valorisant les parcours, nous avons des charges faibles et une bonne valorisation du lait avec la vente directe. »

La ferme Bacotte a une convention de pâturage avec le département des Landes et des accords avec les agriculteurs voisins. Leur troupeau a notamment accès à des chaumes de maïs et une interculture d’avoine. L’été, ils sortent plutôt sur des surfaces boisées. Sur l’année, cela fait environ 100 hectares à disposition.

Charges très faibles

Seule complémentation distribuée, 80 grammes de maïs à la traite, pour inciter les chèvres à monter sur le quai. Les achats d’aliments et de foin sont donc réduits, et le succès de la lactation repose sur la qualité de la garde. « Nous avons fait ce choix de garder les chèvres, c’est ce qui correspond à notre philosophie. Le temps de garde dépend de ce qu’elles mangent. Cela peut aller de 2h30 au printemps à 7h en été où elles picorent plus. C’est un vrai travail de berger pour orienter les chèvres vers différentes flores pour faire du lait. En été, nous sommes dans les bois, et elles mangent les feuilles de ronce, d’arbustes…, puis ce sont les glands, noisettes jusqu’en février, y compris germés. Il y a toujours une plante au bon stade. Nous avons aussi la chance de bénéficier d’un climat clément, doux, et la déprise agricole nous permet d’avoir accès à du pâturage. Comme nous sortons tous les jours et que nous guidons le troupeau pour varier les aliments ingérés dans une même journée, il n’y a pas d’excès d’une plante ou d’un fruit. Tout est une question de mesure. »

Pédagogie autour de la chèvre

Les accords oraux sont nombreux et les éleveurs entretiennent de bonnes relations avec leurs voisins. Et si le pâturage des couverts par les brebis est répandu, les chèvres sont moins facilement acceptées. Elles ont leur petite réputation. « En garde, nous sommes toujours là avec les chèvres, il n’y a pas ou peu de bêtises, sourient Marie et Clément. Les petits ruminants n’abîment pas le sol en hiver et apportent de l’engrais vert. Il y a une vraie pédagogie à faire pour développer le pâturage hivernal d’intercultures ou en déprimage de céréales », témoignent-ils.

Les deux éleveurs ont évolué dans leur utilisation du parcours, en réduisant petit à petit la quantité de maïs distribué en complément. « Il faut prendre confiance dans les ressources disponibles et la capacité des animaux à se nourrir. Le savoir autour de la garde est à construire et à transmettre, tant sur le volet des apports alimentaires que la prévention du parasitisme. Le réseau Pâtur’Ajuste est une ressource importante sur cette question. »

Les intempéries ne sont pas non plus un obstacle à la sortie, les chèvres savent qu’elles doivent manger dehors. Quant à la sécheresse et aux chaleurs de 2022, si les chèvres ont baissé en lait, elles n’ont pas perdu d’état. Résultat du choix d’axer le schéma de sélection sur l’adaptabilité des animaux.

Cinq parcs pour alloter

Clément et Marie transforment 10 000 litres de lait de chèvre par an. Ils ont raisonné la taille de leur troupeau en fonction de la quantité de fromages nécessaire pour dégager un revenu, soit une centaine de litres par jour. Si la concurrence en fromages de chèvre fermier est faible dans leur région, il a fallu apprivoiser une clientèle plus portée sur les fromages de brebis. Fromages lactiques, halloumis et yaourts permettent de valoriser le lait autour de 4 euros le litre. Un magasin de producteurs, dont ils sont associés, commercialise 30 % de leurs produits. La vente à la ferme, un marché, un crémier et un restaurant complètent les débouchés.

Leurs chèvres produisent en moyenne 1 litre de lait par jour sur 250 jours, en monotraite. Les mises bas ont lieu à partir de mi-février, et les chèvres sont taries autour du 1er novembre. Marie et Clément ont aménagé cinq parcs fermés pour alloter les animaux lorsque c’est nécessaire, et les boucs sont en écopâturage une partie de l’année. Cent pour cent des chevrettes sont élevées sous la mère pour le renouvellement ou vendues. Huit à dix jeunes boucs sont conservés ou vendus et trente mâles partent à l’engraissement.

Dernier changement important, trente brebis ont rejoint le troupeau caprin depuis l’automne 2022. « Elles suivent bien les chèvres et la conduite est la même », avancent les éleveurs. Avec leur arrivée, Marie espère enrichir la gamme de fromages avec des pâtes molles. Au départ, la fromagère voulait travailler les laits séparément, mais ils se travaillent bien ensemble.

Un atelier porcs gascons valorisait jusqu’à fin 2022 le petit-lait et permettait une rentrée d’argent lors de la période hivernale de tarissement.

Acquérir des données technico-économiques

« La difficulté de la viabilité des élevages en races locales est souvent liée à l’installation avec de petits effectifs », témoigne Clément Baillet, coprésident de l’association La chèvre de race pyrénéenne. Et pour ne faire disparaître aucune famille, le renouvellement passe par l’ensemble des chevrettes, pas seulement les meilleures. Il faut donc un troupeau d’une certaine taille pour garantir une production laitière permettant de dégager un revenu. L’association participe au projet CouProd visant à acquérir des données technico-économiques en races à petits effectifs. « Plus il y aura de données, plus il sera facile de monter des projets viables et vivables et de les soutenir face aux banques. Ces données sont aussi utiles à l’association pour affiner notre communication, être plus précis. » L’association cofinance, par ailleurs, depuis plusieurs années l’adhésion au contrôle laitier, avec un reste à charge de l’éleveur de 1 euro par animal.

Aujourd’hui, 211 élevages de chèvres des Pyrénées sont répertoriés, élevant 5 080 chèvres. La grande majorité d’entre eux se situe dans les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie. Spécificité de la race pyrénéenne, les deux tiers des éleveurs sont allaitants et produisent de la viande de chevreau. Et le dernier tiers correspond à des fromagers fermiers. « En pyrénéenne, on n’a jamais voulu scinder le schéma de sélection entre la viande et le lait », souligne Clément.

Chiffres clés

2 associés
150 chèvres pyrénéennes
30 brebis Manech tête noire
10 000 l de lait transformés en 2022 (hors brebis)

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