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Traitements phytosanitaires
Se débarrasser de ses fonds de cuve selon les bonnes pratiques

A l´issue du traitement d´une culture, il est conseillé de diluer le fond de cuve et de le pulvériser sur la parcelle même. Des techniques sont à l´étude permettant de gérer les eaux de rinçage du pulvérisateur sur l´exploitation entre les traitements.


Que faire de la quantité de bouillie restant en fond de cuve à l´issue du traitement d´une parcelle ? « Tant que le producteur n´est pas sorti de son champ, ce qui est contenu dans le pulvérisateur n´est pas considéré comme un déchet. Il a donc la possibilité et l´autorisation légale d´appliquer ce fond de cuve par pulvérisation sur sa parcelle », précise Lionel Jouy, ITCF.
Cela passe d´abord par la dilution des résidus de bouillie pour le rinçage au champ et nettoyage de son pulvérisateur. Lionel Jouy conseille « trois à cinq dilutions pour le rinçage, ce qui sous-entend que le pulvérisateur doit être muni d´une réserve d´eau. J´estime qu´il faut un volume de l´ordre de 150 litres pour diluer et rincer convenablement le contenu de son pulvérisateur au champ. La législation actuelle en vigueur demande de la part des fabriquants de pulvérisateurs d´inclure une réserve d´appoint d´au moins 10 % du volume de la cuve principale. »

Le fond d´eau de rinçage peut être récupéré pour la préparation suivante de bouillie de traitement. Mais avec certaines molécules hautement actives à faibles doses, il peut y avoir un risque de toxicité sur la culture qui recevra le traitement.
Sorti de sa parcelle, l´agriculteur se retrouve avec des eaux de rinçage qui sont alors considérées comme un déchet. Même cas de figure s´il s´agit d´un fond de cuve quand l´exploitant ne dispose pas d´une réserve d´eau pour réaliser le rinçage au champ.
©D. R.


Un déchet industriel spécial hors de la parcelle
« Ces restes de produits de traitement sont classés comme déchet industriel spécial (DIS) au sens de l´article L541-1 du code de l´environnement, mentionne Denis Ollivier, animateur national de l´opération Phytomieux. Leur gestion impose alors des contraintes fortes, à savoir une élimination par des industries spécialisées. Nous espérons que l´administration reconnaîtra des solutions pour gérer ces déchets sur l´exploitation même.»
Lionel Jouy prend en considération ces dispositions réglementaires. « Dans ce cadre, la solution est de stocker les eaux de rinçage sur son exploitation dans une cuve étanche qui nécessite un investissement important. L´élimination par une entreprise agréée coûte de l´ordre de 3000 euros les 1000 litres. » L´aspect économique est rédhibitoire dans ce type de démarche et autant dire que la législation est rarement prise au pied de la lettre sur les exploitations agricoles.

Diverses méthodes sont testées en région pour juger de la faisabilité au sein d´une exploitation agricole et des risques d´impact néfaste sur l´environnement. Au sein de la ferme du lycée agricole du Chesnoy, près de Montargis, dans le Loiret, une cuve enterrée de 3000 litres est précisément destinée à recueillir les eaux de rinçage du filtre du pulvérisateur (après déjà rinçage au champ). « Le contenu est repris trois fois par an et épandu à l´aide d´un pulvérisateur sur une surface en herbe retirée de la SAU, explique Joseph Laloy, responsable de l´exploitation agricole du lycée. Les analyses réalisées par la Fredec(1) montrent que les produits de traitement utilisés sont à des concentrations 5 à 10 000 fois moins fortes que lors des applications phytosanitaires. »

Confirmation de Laurence Guichard, de la Fredec Centre : « La concentration par substance active est inférieure à 1 milligramme par litre et on ne retrouve pas tous les produits utilisés après dégradation. L´idée de l´expérimentation est de comparer la pression polluante de l´épandage du contenu de la cuve de collecte avec ce que reçoit un hectare de culture. Nous apportons des recommandations à cet épandage : qu´il soit réalisé sur un sol épais, en herbe, éloigné d´un cours d´eau en évitant les jachères et les parcelles en pente. »
Autre méthode testée en exploitation : le biobac, encore appelé biobed ou phytobac. « Nous avons repris une technique utilisée en Suède. Le phytobac se présente comme un bac étanche en béton contenant un substrat (terre, paille). Il est destiné à récupérer toutes les eaux chargées en produit phytosanitaire (fond de cuve, eaux de rinçage du matériel) », décrit Jean-Yves Darmedru, responsable qualité des utilisations chez Bayer CropScience. Après Rhône-Poulenc Agro et Aventis, cette société fait la promotion du système.
©D. R.

Un lit biologique pour dégrader les molécules
Le substrat assure la biodégradation des produits phytosanitaires. Plus ou moins rapidement selon la persistance des molécules. « Le phytobac est une solution simple et facilement adaptable à l´exploitation agricole. Pour que les micro-organismes jouent à plein leur rôle de biodégradation des produits, il faut veiller à maintenir une humidité régulière du matériau pour éviter le dessèchement ou la saturation. Il est nécessaire de rajouter un peu de paille quand celle-ci est minéralisée dans le bac, conseille Jean-Yves Darmedru. « Cette minéralisation engendre une diminution du volume du substrat terre-paille : jusqu´à un tiers en moins », précise Jean-Claude Fournier, de l´Inra.

Des procédés physico-chimiques venant de l´industrie
Thomas Mousseau, du ministère de l´Écologie, fait partie des spécialistes chargé d´évaluer les méthodes de gestion des pesticides agricoles. Il constate effectivement « une disparition des matières actives avec les biobacs. Mais nous n´avons pas tous les éléments pour juger du devenir des métabolites de ces molécules. D´autre part, à un certain moment, il faut changer le substrat du biobac et l´épandre en parcelle. Nous devrons démontrer que l´épandage de résidus du biobacs ne comporte pas de risque de pollution.»
La photocatalyse est un procédé plus pointu, basé sur le principe de la dégradation par la lumière du soleil ou par des rayons ultra-violets. « Le catalyseur est le dioxyde de titane et, selon les industriels qui font la promotion de ce système, le procédé permet une dégradation complète de molécules de produits phytosanitaires en CO2 », explique Frédéric Malterre, chargé de mission à la DERF(2), du ministère de l´agriculture.

L´eau chargée en produits phytosanitaires est ainsi «épurée». L´effluent qui en résulte est donc moins concentré en molécules. Il s´agit de vérifier si cet effluent remplit les critères de potabilité de l´eau pour pouvoir être rejeté dans la nature. Ou s´il doit être traité à nouveau. D´autres procédés physico-chimiques sont empruntés aux traitements industriels d´épuration des eaux avec la même question de potabilité des eaux à la sortie du système.
Épandage sur parcelle enherbée, biobacs, photocatalyse et autre procédé physico-chimique. ces systèmes font l´objet d´expérimentations in situ dans les régions suivies par des groupements régionaux d´étude sur les produits phytosanitaires. Les services des ministères de l´Écologie et de l´Agriculture sont chargés de valider, dans les années à venir, certaines de ces méthodes et de définir un protocole de conduite pour leur utilisation.
Mais pour T. Mousseau, «aujourd´hui, il reste préférable de mettre en place un système de traitement des eaux chargées en produits phytosanitaires plutôt que de ne rien faire pour limiter les fuites dans l´environnement. Le biobac, par exemple, s´intègre bien dans les bonnes pratiques agricoles.»

(1) Fédération régionale de défense contre les ennemis des cultures.
(2) Direction de l´espace rural et de la forêt.

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