Maraîchage en Bretagne : « Comment j’ai réussi à fidéliser ma main-d’œuvre »
Christian Stéphan, producteur de salades, chou-fleur, et d’oignons avec son frère en Bretagne a réussi à recruter et constituer une équipe de salariés qualifiée et fidèle à son exploitation. Avec son frère, ils ont construit leur système d’exploitation dans ce but et pratiquent un management basé sur l’écoute.
Christian Stéphan, producteur de salades, chou-fleur, et d’oignons avec son frère en Bretagne a réussi à recruter et constituer une équipe de salariés qualifiée et fidèle à son exploitation. Avec son frère, ils ont construit leur système d’exploitation dans ce but et pratiquent un management basé sur l’écoute.

Le Gaec Stéphan à Sibiril dans le Finistère Nord en Bretagne est spécialisé dans la salade, le chou-fleur et l’oignon de Roscoff AOP. Installés en 1996, Christian Stéphan et son frère forment la quatrième génération de cette exploitation familiale de maraîchage de plein champ. Ils ont accueilli il y a un an, un troisième associé, âgé de 26 ans, que les deux frères ont recruté après un stage de BTS ACSE (Analyse, conduite et stratégie de l'entreprise agricole), un profil complémentaire qui s’intéresse en outre de près à la mécanique agricole.
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L’exploitation fait 70 hectares. 35 hectares sont dédiés à la salade, activité principale. Les deux frères ont opté pour la salade destinée à la IVe gamme. L’une des raisons est que près de Rennes, la grande ville d’à côté, il y a déjà des maraîchers mieux placés (avec moins de transport) qui fournissent de la salade pour le marché du frais. Mais la IVe gamme, c’est surtout pour ces producteurs bretons, des ventes connues d’avance et une organisation du travail qui permet de conserver des salariés à l’année. « On plante vraiment ce qu’on a vendu. Je sais ce que je dois planter et récolter toutes les semaines », explique Christian Stéphan. Le planning est fourni à l’année par l’usine Florette, installée non loin de là, à Saint-Pol-de-Léon (Finistère). « Toutes les semaines, je plante de la scarole, de la multifeuille, de l’iceberg en fonction de la demande des clients inscrite au planning. Je récolte tous les jours en fonction de cette demande ». Le planning est fourni à l’année mais des ajustements sont bien évidemment possibles s’il y a un problème en production à cause de la météo par exemple.
« Nous avons besoin d’une main-d’œuvre fidèle et qualifiée »
En plus des trois associés, le Gaec Stephan emploie 5 à 6 personnes à l’année sur l’exploitation. « La spécificité de notre exploitation ici, c’est que tout est planté. Rien n’est semé. Tout passe forcément dans les mains de quelqu’un pour la plantation et tout repasse forcément dans les mains de quelqu’un pour la récolte », explique Christian Stéphan. Les oignons même s’ils sont ramassés à la machine, sont lavés et tressés à la main. « Cela demande une exigence de main-d’œuvre énorme et surtout très qualifiée, ajoute le producteur. En salade, par exemple, ce qui est compliqué, c’est de bien respecter les consignes des clients ; pour le chou-fleur, il faut savoir reconnaître la maturité pour la récolte, et le tressage des oignons demande aussi un savoir-faire particulier ».
« Nous avons tout fait pour fidéliser notre main-d’œuvre »
Afin d’éviter un turn-over qui leur ferait « perdre de temps à former en permanence des nouvelles personnes », Christian et son frère ont « tout pour fidéliser [leur] main-d’œuvre et avoir des salariés qui restent sur l’exploitation ». Ils affirment d’ailleurs avoir construit leur système d’exploitation pour garder leurs salariés toute l’année. Si on schématise, de mai à novembre, c’est la récolte de la salade. Puis l’équipe passe à la production de chou-fleur en novembre pour la terminer au mois de mai. Le Gaec récolte toute l’année en plein champ, ce qui nécessite une main-d’œuvre régulière douze mois sur douze.
Créer une bonne ambiance de travail
En maraîchage, les conditions de travail sont parfois difficiles et c’est une des raisons pour lesquelles il est compliqué de trouver et de garder de la main-d’œuvre. Pour Christian Stéphan, « les conditions de travail, c’est une chose. L’ambiance de travail, c’en est une autre. Et c’est pour moi, c’est la plus importante. Pourquoi mes employés restent ou reviennent ? Déjà parce qu’on s’attache à créer une bonne ambiance de travail. Ils se sentent bien chez nous, malgré les conditions de travail parfois difficiles, notamment en plein hiver, sous la pluie, les pieds dans la boue… »
Changer les rythmes de travail et savoir écouter ses salariés
« Ils savent aussi qu’ils ne vont pas être huit heures sous la pluie à récolter de la salade. Une fois qu’on a récolté ce qui était prévu sur la journée, ils vont aller se mettre à l’abri pour tresser les oignons par exemple. On s’attache à changer le rythme, changer les mouvements pour éviter les problèmes musculosquelettiques et surtout les écouter. Il est très important de savoir écouter le personnel, échanger et comprendre que parfois c’est compliqué. J’ai appris le management sur le tas, reconnaît le producteur, mais cela fonctionne ».
Le producteur breton ne transige en revanche pas sur l’assiduité et la ponctualité. « Pour moi, la priorité c’est que le personnel soit là tous les matins et à l’heure. Contrairement à d’autres producteurs, j’y arrive. Et s’il y a un souci, cela peut arriver bien sûr, je leur demande au moins de prévenir, de manière à anticiper ».
Des employés venus d’un même village en Roumanie et désormais installés en Bretagne
Ses employés viennent presque tous de Roumanie, « du même village », précise le producteur. Le premier de l’équipe est arrivé en 2018 par une agence d’intérim. « J’ai vu qu’il s’intéressait vraiment à ce qu’il faisait. Nous avons à l’époque beaucoup échanger sur sa situation. Et un jour, il m’a dit, « ce n’est pas compliqué, j’ai deux solutions : soit je rentre en Roumanie retrouver ma femme et mes enfants, soit je les fais venir ». Je lui ai répondu : si tu veux vraiment revenir, je t’embauche en CDI ». Depuis le salarié a fait venir sa famille qui s’est installée en Bretagne, puis sa belle-famille et des voisins de son village en Roumanie et tout ce petit monde constitue maintenant l’équipe du Gaec Stephan.