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Du veau d’Aveyron en autonomie complète

Dans le Tarn, Bernard Ducros élève seul 100 vaches en système veau d’Aveyron et du Ségala et produit la totalité de l’alimentation du troupeau grâce à un choix de cultures bien pensé.

« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement… », écrivait l’homme de lettres Nicolas Boileau au XVIIe siècle. Ce célèbre vers pourrait s’appliquer à Bernard Ducros, éleveur dans le Tarn, à l’EARL de la Bouysse, tant les objectifs qui sont les siens dans la conduite de son exploitation, sont clairement exprimés. « Mes objectifs, dit-il, sont d’être 100 % autonome sur le plan de l’alimentation, de réduire au maximum les charges (achat de protéine, mécanisation…) et de pouvoir travailler seul sur mon exploitation. »

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Tout est dit ou presque et, surtout, mis en pratique. Bernard Ducros exploite 138 hectares et conduit seul un cheptel de presque 100 Limousines en veau d’Aveyron et du Ségala label rouge (filière SA 4R). L’autonomie, depuis cinq ans, il y est : il n’achète plus que l’aliment minéral. Toute la surface est consacrée à l’alimentation des animaux. « Avant, je vendais des céréales, qui rapportaient peu, et j’achetais de l’aliment dont le prix fluctuait. Avec mon vétérinaire, Gilles de Crémoux, nous avons beaucoup travaillé sur les cultures que je pourrais mettre en place pour se passer des achats d’aliments. »

Ray-grass, luzerne, céréales, lupin, féverole

La sole en céréale, qui compte aujourd’hui 30 ha de blé, orge et triticale, a été réduite au profit de 4 ha de féverole et 4 ha de lupin. Deux protéagineux respectivement adaptés aux deux types de sols de l’exploitation : des argilo-calcaires, et des limoneux acides. « Le lupin a exactement la valeur du tourteau de colza et est bien pourvu en omégas 3 et 6, indique le vétérinaire. La féverole, par contre, est riche en énergie et présente un peu plus de risque d’acidose. »

Les trois céréales, c’est pour diversifier les sources d’énergie. L’éleveur cultive également 5 ha de luzerne. En outre, la luzerne et la féverole font de bonnes têtes d’assolement sur les sols argilo-calcaires et le lupin sur les sols limoneux. Viennent derrière trois années de céréales puis une année de ray-grass italien (22 ha).

La luzerne est semée au printemps en semis direct dans une céréale immature. « La terre est beaucoup plus souple que derrière un ray-grass et je la réussis à tous les coups », explique l’éleveur. La première coupe de ray-grass italien est ensilée — le plus tôt possible pour obtenir la meilleure qualité (0,92 UFL, 14 % de MAT l’an dernier) — et la seconde récoltée en foin. Les premières coupes de foin (70 ha) sont réalisées sur des prairies temporaires à base de dactyle, fétuque et trèfle blanc. Un peu d’enrubannage également (5 ha) pour passer le creux d’été.

 

« J’ai livré des veaux sur 52 semaines »

La conduite du troupeau est tout aussi limpide et cadrée. « Pour notre filière Auchan, il est important d’avoir des vêlages étalés, détaille Bernard Ducros. Mais, un quota de 10 % au minimum de notre production est obligatoirement destiné au marché italien sur lequel les veaux sont moins bien valorisés [200 euros de moins pour 80 kg vifs de plus/tête]. Mon objectif est de ne pas en faire plus de 10 % pour l’Italie. Avec l’étalement des vêlages, c’est plus facile à gérer. En 2020, j’ai livré des veaux sur 52 semaines. J’achète les génisses de renouvellement à 10-12 mois chez deux éleveurs : six nées à l’automne chez l’un, six nées au printemps chez l’autre. Je les fais élever par un prestataire jusqu’à la mise à la reproduction, entre 18 et 24 mois. Je lui en reprends deux tous les deux mois. Ainsi, j’ai des vêlages toute l’année. »

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L’éleveur envisage de monter à 15 génisses de renouvellement par an pour de pas devoir garder des vaches au-delà de 12-13 ans et pour atteindre son objectif de 100 vaches. Achetées 980 euros pièce, prix auxquels il faut ajouter en moyenne 250 jours d’élevage à 1,26 euro/jour, les génisses coûtent entre 1 250 et 1 350 euros. Il recherche des génisses dotées de bonnes qualités maternelles, d’un bon potentiel laitier, d’un gabarit correct et calmes.

« Chaque semaine, deux vaches changent de lot »

La reproduction est assurée avec deux taureaux, un Limousin et, depuis trois ans, un Blond d’Aquitaine. Avec des vêlages aussi étalés, c’est suffisant. « Le taureau blond m’a permis de gagner 5 à 6 kg de poids carcasse par veau. » Ce dernier, choisi pour amener de la viande, est un taureau non retenu pour l’IA acheté à la coopérative Coopelso. La filière Auchan accepte désormais des veaux plus lourds (242 kg). Le taureau blond saillit les multipares du printemps à l’été. De la mise à l’herbe jusqu’à l’automne, le Limousin est avec les génisses. La stabulation est divisée en quatre parcs de 25 vaches. Les vaches taries et celles qui viennent de vêler (jusqu’à 3 semaines) constituent un premier lot ; les vaches dont les veaux ont entre un et trois mois sont avec le taureau Limousin pour la première saillie ; celles qui ont des veaux de trois à six mois sont avec le Blond pour les retours ; celles dont les veaux sont en finition (6 à 9 mois) n’ont plus de taureau. Si elles n’ont pas été pleines dans les deux lots précédents, elles sont réformées. Des échographies sont réalisées tous les trois mois pour confirmer la gestation. « Chaque semaine, je vends deux veaux et deux vaches changent de lot. En les faisant tourner toutes les semaines, elles sont habituées, il n’y a pas de bagarre », ajoute-t-il.

Moins de 360 jours d’IVV

Vaches et veaux sont alimentés à volonté. « Pour que le système de reproduction fonctionne bien, mon objectif est d’être à moins de 360 jours d’intervalle vêlage – vêlage [356 jours en 2020]. Pour y parvenir, les vaches doivent être à 3,5 en note d’état à l’échographie et ne jamais descendre en dessous de 3 tout au long de l’année. Je fais une ration pour avoir des vaches toujours entre 3 et 4. Je gagne sur la reproduction et sur la durée d’engraissement. Je les engraisse avec le dernier veau. Sinon, en deux mois, elles sont finies », affirme l’éleveur.

Pour réduire la charge de travail, en hiver, les vaches sont alimentées avec de l’ensilage distribué à la désileuse cube une fois par semaine et du foin en râtelier. « Les vaches se régulent », estime-t-il. Cette ration se suffirait à elle-même, mais elles sont complémentées avec de la céréale pour apporter le CMV et les attirer à l’auge pour la tétée (1,5 kg/VA/jour pour celles qui sont suitées de veaux jusqu’à 3 mois, 2 à 2,5 kg avec les veaux de 3 à 6 mois, 1 kg ensuite). 

Même quand elles sont à la pâture, elles ont du foin à disposition et 1 à 1,5 kg de céréale. À la belle saison, les vaches qui allaitent (70) pâturent en un seul lot pour simplifier le travail et tournent sur cinq parcelles de 6-8 ha pour éviter le piétinement (sols argileux). En été, elles sont alimentées avec de l’enrubannage. En hiver, les génisses sont nourries avec du foin de ray-grass deuxième coupe à volonté, 3 kg de luzerne et 2 kg de céréale. L’éleveur laisse peu de prise au hasard et à l’à-peu-près.

 

Chiffres clés

137 ha de SAU dont 10 de blé, 10 d’orge, 8 de triticale, 22 de RGI, 4 de céréale immature, 5 de luzerne, 4 de féverole, 4 de lupin, 45 de prairies temporaires et 24 de prairies permanentes.
85 Limousines
1 UGB/ha de chargement
1,2 UMO dont 300 heures de salarié de groupement d’employeur

Avis d’expert - Gilles de Crémoux, vétérinaire nutritionniste

« Une vache ne doit pas maigrir au vêlage »

« Pour le calcul de la ration des vaches, je ne me base pas sur les normes Inra. Je considère qu’elle doit couvrir 12 litres de lait, soit 12 UF et 1 200 PDI, ce qui représente 2-3 UF de plus que les préconisations Inra. Pour établir mes propres références, j’ai pris mes meilleurs élevages et je suis allé voir ce qu’ils faisaient. Quand je calculais la ration avec ces niveaux d’UF et de PDI, elle correspondait exactement à ce que mangeaient des vaches alimentées à volonté. Avec ce type de ration, elles se recyclent à 20 jours post-partum et reprennent en moyenne à 60 jours. Je ne suis pas d’accord avec le principe des vaches accordéons — un amaigrissement suivi d’une récupération — si on a l’objectif de descendre au-dessous d’un an d’IVV. Une vache qui reste stable au vêlage aura moins de problème sanitaire. Le déficit énergétique post-partum est peut-être intéressant économiquement dans certaines conditions d’élevage mais pas sur le plan physiologique pour les vaches et pas en système veau d’Aveyron. Le bon IVV est dû aussi au fait que les vaches détectées vides à l’échographie dans le quatrième lot sont systématiquement réformées. »

 

« Ne pas épuiser les terres »

L’objectif étant de satisfaire les besoins du troupeau (160 tonnes de concentré par an) et non de vendre des céréales, l’éleveur ne recherche pas les rendements maximums (45-50 q pour les céréales, 15-20 q pour les protéagineux). « Je ne veux pas épuiser mes terres », dit-il. Le fumier est épandu sur quasiment toutes les surfaces « J’essaie de passer partout en petites quantités : 20-25 t/ha sur les céréales, 10-15 t/ha sur les prairies. » Pour l’azote minéral, il utilise une forme retardée d’urée soufrée. « Il y a moins de maladies sur les céréales avec l’urée qu’avec l’ammonitrate. »

Sur les prairies, en complément du fumier, et les protéagineux, il épand un activateur de sol. « Depuis que je l’utilise, j’arrive à mieux conserver les légumineuses. » Il a supprimé le fongicide sur les céréales mais fait des deux traitements avec de la vitamine C et des extraits de plantes (début avril et début mai). Hormis pour la fenaison et le semis, tout le matériel est en Cuma autour de laquelle existe une dynamique collective locale forte (banque de travail, groupement d’employeur).

Méthaniser les effluents

Bernard Ducros porte avec 40 éleveurs de son secteur un projet de méthanisation des effluents d’élevage avec injection directe du gaz. Il pourrait traiter jusqu’à 36 000 tonnes par an, uniquement des effluents agricoles. « L’objectif est de valoriser nos effluents afin d’économiser des charges d’engrais et de réduire la charge de travail sur nos exploitations. Avec nos fumiers, nous perdons la majeure partie de l’azote qui, sous forme minérale, nous coûte de plus en plus cher. »

Un bilan Cap’2ER réalisé en 2018 par la chambre d’agriculture du Tarn montrait une perte potentielle d’azote de l’ordre de 10 tonnes par an alors que l’exploitation en achetait 6 tonnes. L’unité de méthanisation ramènerait le digestat rendu racine. Ce qui permettrait aussi d’économiser des charges de mécanisation.

« Nous ne cherchons pas à faire du business. L’objectif est que la vente de gaz paie les charges d’investissement et de fonctionnement de l’unité et la gestion du digestat », ajoute l’éleveur. Le choix du terrain va être fait au cours du printemps avec la communauté de communes de Carmaux (Tarn). La mise en service est espérée pour fin 2022 ou début 2023.

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