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L’intelligence artificielle pour analyser le comportement des chèvres

En région Centre-Val de Loire, le projet AniMOV vise à analyser les déplacements et comportements des chèvres… et des éléphants ! Un système encore expérimental mais plein de promesses.

Le projet de recherche AniMOV - Animal Movements Observation from Videos - a pour objectif d’analyser de façon automatique le comportement animal, suivi par des enregistrements vidéo, grâce à l’intelligence artificielle. Les animaux suivis sont des chèvres dans une ferme commerciale et dans une unité expérimentale Inrae, mais aussi des éléphants du ZooParc de Beauval ! Lancé en 2019, le projet réunit des partenaires aux compétences variées en Centre-Val de Loire. L’université d’Orléans, le centre de recherche Inrae Val de Loire, la chambre d’agriculture de l’Indre, l’Institut de l’élevage, le ZooParc de Beauval et les entreprises Tekin et Acti’Com sont impliqués dans ce projet associant vidéo, imagerie, algorithme, comportement animal et développement agricole. En élevage caprin, l’objectif est de surveiller les animaux sans capteur embarqué et de pouvoir créer des alertes concernant les comportements anormaux et situations à risque.

« Les recherches avancent vite dans l’intelligence artificielle »

Pour construire les algorithmes utilisés en intelligence artificielle, deux stabulations caprines ont été filmées nuit et jour : dans l’unité expérimentale caprine Inrae P3RU de Bourges (Cher) et dans un élevage commercial de Nohant-Vic (Indre). Les images de nuit ont été obtenues par une caméra infrarouge, donc sans lumière additionnelle qui aurait pu perturber le comportement des chèvres. Les vidéos ont été analysées par deux étudiants, qui ont noté le comportement des chèvres à chaque instant. En se nourrissant de ces données et des images, l’intelligence artificielle a appris à reconnaître les chèvres et leur comportement.

« Il y a un énorme engouement pour l’intelligence artificielle en ce moment et les choses avancent vite, indique Xavier Desquesnes, enseignement chercheur à l’IUT de l’Indre. C’est plus facile avec huit éléphants qu’avec 40 chèvres mais les algorithmes parviennent à bien suivre chaque animal et à reconnaître assez finement leur comportement. »

Une alerte en cas de détection de dérives

« Nous arrivons à obtenir une bonne approche du comportement du troupeau à l’échelle du lot, décrit Bertrand Bluet de l’Institut de l’élevage. Nous obtenons des graphes avec le nombre de chèvres qui sont à l’auge, couchée ou debout, heure par heure. » La vidéosurveillance des animaux permet aussi de savoir dans quelles zones du bâtiment les chèvres sont le plus souvent. Ce suivi du troupeau intéresse les chercheurs mais aussi les conseillers et les éleveurs qui peuvent analyser le comportement des animaux de façon plus fine. Pour les éleveurs, l’intelligence artificielle pourrait envoyer une alerte quand il y a un changement par rapport à la norme, quand les chèvres sont anormalement excitées ou si elles ne passent pas assez de temps à l’auge.

Encore besoin de temps pour affiner les recherches

Au-delà de cette analyse collective, l’enjeu est d’arriver à une analyse individuelle avec des indications sur quelle chèvre a mis bas ou quel animal montre des signes de mal-être annonciateurs d’une maladie potentielle. Pour cela, un démonstrateur vient d’être installé dans l’unité Inrae P3R de Bourges pour le suivi des 250 chèvres en lactation. « Nous avions déjà cinq caméras et nous avons installé une unité centrale qui va faire tourner l’algorithme auto-apprenant d’intelligence artificielle », explique Jérôme Boucherot, le directeur de l’unité P3R. Ce système va permettre d’obtenir de nouveaux indicateurs et faire gagner du temps d’observation aux expérimentateurs. L’idée est d’obtenir un système d’alerte qui anticipe les problèmes dans l’élevage. « Mais il y a encore besoin de travailler pour ajuster les paramètres de l’algorithme pour avoir de l’immédiateté et de la fiabilité », prévient Jérôme Boucherot.

Une étude de marché est en cours

« Il faudra sûrement encore entraîner l'intelligence artificielle sur un plus grand nombre de situations, s’interroge Bertrand Bluet. Il faut aussi trouver la bonne adéquation entre la qualité et le nombre d’images, la puissance informatique nécessaire pour traiter les images et la fiabilité du système. » Par exemple, au tout début de l’expérimentation, l’ordinateur a dû fonctionner un mois d’affilée pour traiter douze jours d’images ! Reste aussi à transformer les données brutes en solution valorisable et facilement compréhensible par l’homme. Pour l’instant, une étude de marché est en cours pour envisager (ou non) un développement plus poussé et une éventuelle commercialisation. Le modèle économique reste à construire mais il pourrait s’agir d’un abonnement à un service d’analyse avec les images envoyées à un ordinateur à distance qui renverrait les données analysées.

L’équipement pourrait intéresser les organismes de conseils en élevage qui installerait l’appareillage quelques jours dans un élevage pour analyser le comportement régulier des animaux. Il pourrait aussi intéresser les éleveurs avec des caméras fixes et un système d’alerte qui pourrait détecter des anomalies de comportement. Quoi qu’il en soit, il faudra laisser le temps pour que cette recherche partenariale public-privé fasse son chemin et aboutisse à une solution clé en main.

Le sommeil des éléphants suivis au ZooParc de Beauval

Le ZooParc de Beauval (Loir-et-Cher) veille nuit et jour sur ses sept éléphants. « Le temps de sommeil est un indicateur important du bien-être des éléphants », décrit Baptiste Mulot, vétérinaire en charge de la recherche et de la santé animale au ZooParc de Beauval. Pour comptabiliser ce temps de sommeil, un soigneur passe chaque jour trois à quatre heures à visionner les enregistrements des 10 caméras. Les éléphants dorment deux à cinq heures par nuit. Les pachydermes peuvent dormir couchés mais aussi debout avec l’œil fermé et la trompe relâchée, ce qui ne facilite pas la reconnaissance tant par l’homme que par l’intelligence artificielle. « Si un éléphant à l’habitude de dormir deux heures et demie par nuit et que, pendant une semaine, il ne dort plus qu’une heure, cela doit nous alerter sur un stress de l’animal », explique le vétérinaire en citant un stress de température, un bruit lié à un chantier voisin ou un problème de relation entre deux individus. « Nous sommes encore au stade expérimental, reconnaît Baptiste Mulot. Mais si nous arrivons à développer une intelligence artificielle capable de compter la durée de sommeil de chaque éléphant, nous partagerons ces infos avec les autres zoos européens qui scrutent aussi ce paramètre. »

Jean Aubailly, éleveur laitier et fromager de 150 chèvres à Nohant-Vic (Indre)

« L’analyse des vidéos a montré que les chèvres restent actives la nuit »

« Pour ce projet, cinq caméras ont été installés dans mon bâtiment de 30 mètres de long sur 5 mètres de large. En plus d’une caméra fixée à chaque coin de la chèvrerie, une caméra orientable à 360° a été placée au milieu de la première travée. Les images et les analyses ont mis en évidence certains comportements des chèvres. J’ai été surpris car je pensais qu’elles dormaient la nuit. Or, elles sont encore très actives pour aller s’alimenter. Les images montrent aussi comment la repousse des fourrages stimule les animaux à se lever pour manger. Nous avons vu, sans vraiment pouvoir l’expliquer, que les chèvres n’utilisaient pas l’un des abreuvoirs. Pendant que les chercheurs exploitent les données enregistrées sur un gros disque dur, moi, je me sers des caméras pour surveiller le troupeau sur le smartphone et voir, par exemple, sans avoir à retourner au bâtiment, si les chèvres ont encore du foin à disposition. En tant qu’éleveur, ça me plairait que le système m’alerte en cas de comportement anormal, par exemple si elles ne vont pas boire, si elles sont anormalement couchées ou debout ou si elles sont plus souvent dans une partie du bâtiment. L’idéal serait l’analyse individuelle avec la détection des chaleurs. »

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