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« La grande distribution préfère vendre des entrecôtes plutôt que des steaks hachés » selon Olivier Dauvers

Contrairement aux idées reçues, la grande distribution (1) a tout intérêt à privilégier dans son offre des produits « premium » à forte valeur ajoutée. Mais ce maillon doit aussi composer avec une concurrence féroce de l’e-commerce et une clientèle de plus en plus regardante sur les prix. Décryptage avec Olivier Dauvers, journaliste et éditeur spécialisé dans le commerce et la consommation.

Olivier Dauvers, aussi directeur du Think-tank agroalimentaire Les Échos. « Le commerce en ligne grappille des parts du marché à la grande distribution dans un paysage ...
Olivier Dauvers, aussi directeur du Think-tank agroalimentaire Les Échos. « Le commerce en ligne grappille des parts du marché à la grande distribution dans un paysage commercial chamboulé, où le gâteau de la consommation ne grossit plus. »
© DR

Quel est le positionnement de la grande distribution vis-à-vis de la viande bovine sur le marché français ?

Olivier Dauvers - Si ce principe peut paraître difficilement entendable par l’amont de la filière, il se trouve que l’intérêt de la production et celui de la grande distribution sont parfaitement alignés. De façon mécanique, entre un haché à 10 €/kg et un filet de bœuf à 30 €/kg, les grandes et moyennes surfaces (GMS) ont tout intérêt à privilégier le produit le plus cher, à forte valeur ajoutée. En effet, les enseignes préfèrent diviser les charges sur le plus gros chiffre d’affaires possible. Attention pour autant à ne pas croire que ces principes surplombent les attendus de marché. Certes, la GMS veut vendre la calorie au prix le plus élevé, mais elle veut tout de même proposer un produit moins cher que ses concurrents qui sont sur le même créneau.

Vous décrivez un secteur en pleine mutation. Quels sont les défis auxquels sont confrontés les distributeurs aujourd’hui ?

O.D - La très grande surface voit ses rendements commerciaux se dégrader depuis une dizaine d’années. Le groupe Casino, criblé de dettes, est une illustration criante de la fragilisation des modèles économiques des hypermarchés. Dans cette phase de transition, la GMS doit aussi faire face à un ralentissement de la dynamique de consommation (+ 2 à + 4 %/an par an il y a quinze ans contre 0,4 %/an de moyenne aujourd’hui). Depuis la crise des subprimes en 2007-2008, le modèle social rendu moins généreux ne stimule plus autant la consommation des ménages français.
Autre changement majeur, le transfert vers le commerce en ligne, qui a concentré un chiffre d’affaires global (produits et services confondus) de 146,9 milliards d’euros en 2022. Cette bascule opère une pression terrible sur les résultats de vente des enseignes, vidées de leur offre non alimentaire. Ces dernières n’ont d’autre choix que de se recentrer sur le secteur alimentaire pour maintenir la tête hors de l’eau.
Au cœur de ce "big-bang commercial", la baisse des rendements produit comme réponse l’agressivité commerciale. Pour faire revenir le client, le levier le plus rapide et le plus efficace sur lequel appuyer reste le prix. L’éthique de ces magasins peut être discutable mais ce sont les clients qui drivent le marché. Or, plus ils vous perçoivent comme étant le moins cher, plus fort vous êtes en performance commerciale. Cette logique-là n’est pas incompatible avec le niveau de gamme. Car si cette ère du triomphe du discount est toujours d’actualité, le consommateur ne condamne pas pour autant le premium.

Comment évoluent les comportements d’achat des ménages dans un contexte inflationniste ?

O.D - En réalité, les consommateurs ne jugent pas leur pouvoir d’achat mais la satisfaction de leur désir d’achat. L’écart entre ce qu’ils veulent et ce qu’ils peuvent, source de frustration, c’est ça le moteur de la consommation. Comme la ressource financière est le facteur limitant, le consommateur est en permanence dans l’arbitrage. Ainsi, la viande se retrouve en concurrence avec tous les autres actes d’achat, y compris non alimentaires. L’achat est guidé par la valeur que génère un produit, dont le prix est une composante. Le client est plus que jamais exigeant sur cette valeur des euros dépensés et en recherche constante de réassurance auprès des offreurs. La première forme de réassurance peut être rattachée au lieu d’achat. La spécialisation du lieu d’achat induit par principe une capacité à porter une valeur supérieure. C’est pourquoi les enseignes font tout pour être multispécialistes. La deuxième source concerne le produit lui-même, avec des réassurances avérées (signes de qualité) et d’autres supposées (local, ultra-frais, produit à la ferme).

« L’inflation a fait passer le marché dans une ère d’hypertension ».

Seul problème, ce consentement à payer plus est aujourd’hui davantage challengé par l’inflation. Même si les salaires ont augmenté dans les mêmes proportions que l’inflation générale en France (+ 6 % en mai 2023 par rapport à 2022), ce sont les indices des prix des produits quotidiens (donc les marques alimentaires) qui font foi aux yeux des consommateurs et qui s’avèrent beaucoup plus impactants sur leur comportement à l’achat (2). Pour préserver leur capacité à acheter, les clients ​​​se réfugient d’abord dans les enseignes bénéficiant de la meilleure image prix. À ce niveau-là, Leclerc et Lidl ressortent comme les grands gagnants. Si ce premier arbitrage n’est pas suffisant, s’opère alors une descente en gamme pour préserver la quantité du panier à isobudget. Quand l’inflation devient trop forte, les clients diminuent alors les quantités achetées. La viande bovine fait partie des victimes de ces deux derniers arbitrages, la GMS et les boucheries artisanales accusant un repli des ventes de l’ordre de 15 % sur un an.

« On assiste aujourd’hui à une alimentarisation de l’offre commerciale de la grande distribution ».

(1) Les grandes et moyennes surfaces (GMS) restent le premier débouché pour la viande bovine (hors veau) sur le marché français, avec 49 % des volumes totaux (produits en France et importés), auxquels il faut ajouter 12 % valorisés par l’industrie des plats préparés majoritairement commercialisés en GMS, d’après Idele.
(2) Les prix des produits alimentaires ont augmenté de 14,9 % en mai 2023 par rapport à l’année précédente, à la même période. Ceux de la viande bovine ont progressé de 8,9 %, d’après Insee.

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