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« Mon système d'élevage de limousines n’est pas figé »

Chez Jean-Yves Allain à Ploubezre dans les Côtes-d’Armor, les choix techniques sont dictés par l’économique et le travail. Chaque décision est réfléchie selon ses conséquences.

« Parmi le troupeau laitier de mes parents, se trouvaient deux ou trois charolaises qui par erreur ont été inséminées avec des taureaux charolais prévus pour du croisement industriel. Les veaux issus de ces inséminations étaient bien conformés, ce qui m’a donné le goût de la viande mais également l’envie d’avoir recours à l’insémination. Ainsi, lors de mon installation sur la ferme familiale, en 1992, ma politique était d’inséminer plutôt que de peser », se rappelle Jean-Yves Allain, à la tête aujourd’hui d’un troupeau naisseur-engraisseur de 57 mères limousines à Ploubezre dans les Côtes- d’Armor. Conduit en double période de vêlages pendant 18 ans, seules les vaches vêlant à l’automne étaient inséminées. Mais, en 2010, l’éleveur se lance dans le photovoltaïque et profite de l’occasion pour construire un bâtiment pour accueillir les vaches et leur suite. Jean-Yves Allain a alors vendu le taureau reproducteur de son exploitation pour passer son cheptel en 100 % IA, sur une période de vêlages groupés sur deux mois (septembre, octobre). « Je trouve que l’on avance plus vite avec l’insémination animale. J’utilise surtout des taureaux mixtes-viande. Je recherche un équilibre entre viande, squelette, docilité et lait. »

Limiter les grosses charges de travail

Le calendrier de travail de l’élevage est calé selon celui des cultures pour éviter le chevauchement des grosses tâches. Tout est imbriqué. Ainsi, les premiers vêlages commencent le 1er septembre et se terminent fin octobre. « De cette manière, cela me laisse le temps de faire les moissons (qui débutent généralement entre le 5 et le 10 août), de rentrer la paille, de semer les couverts et de rentrer les génisses pour surveiller leurs mises bas. Elles sont alors équipées d’un outil d’aide à la détection des vêlages. Idéalement, elles doivent toutes avoir fini de vêler au moment des ensilages de maïs », observe Jean-Yves Allain.

 

Les premières inséminations interviennent dès le 25 novembre pour être en vacances en août avec la famille avant les premiers vêlages. « À partir de décembre, je peux ainsi pleinement me consacrer à l’observation des chaleurs. » Les vaches rentrent toujours vers la Toussaint pour les inséminations. Elles ont alors une complémentation minérale. « Avec les vêlages groupés, je détecte assez facilement les chaleurs. Généralement, je les remarque pendant les périodes de paillage et de distribution de l’aliment. » À la fin du second cycle des génisses, (du 8 janvier au 29 janvier), on met un jeune bovin avec elles pour les rattrapages. Il va ensuite avec les vaches jusqu’à la mi-février.

Toutes les génisses sont mises à la reproduction. Elles ne sont réformées qu’après le premier vêlage (environ la moitié). « Les nullipares vêlent bien car en insémination les taureaux qui engendrent des gros veaux ont été éliminés. »

Une herbe économique

Les animaux sortent début avril à l’herbe. Malgré un parcellaire très dispersé, ils sont conduits en pâturage tournant dynamique avec un changement de parcelle objectif tous les deux jours. Un bac à eau sert pour quatre paddocks. Le pâturage tournant dynamique est pour Jean-Yves Alain un bon moyen de valoriser l’herbe économiquement. Toutefois, cela implique avec cinq lots environ 400 changements annuels de parcelles et, avec un parcellaire assez dispersé, l’éleveur fait de nombreux kilomètres. « Une fois sur place, il m’arrive ainsi d’ouvrir un paddock un peu tôt ou un peu tard. C’est pourquoi, j’ai demandé à un ami d’une société de nouvelles technologies (Coopeks) d’installer des capteurs et d’essayer de développer un logiciel qui permette de m’alerter par SMS lorsqu’il est nécessaire de changer les animaux, pour encore mieux valoriser l’herbe et gagner en temps de travail en me déplaçant qu’une fois comme avec un capteur de vêlage où on se déplace qu’une seule fois, au bon moment. Pour l’instant, nous sommes toujours en phase expérimentale. »

« Une ration à l’auge coûte trois à quatre fois plus cher qu’une au pâturage. On a la chance en Bretagne d’avoir de l’herbe, il faut donc la valoriser. » Aussi, pour limiter le coût de production des jeunes bovins, le sevrage des veaux mâles ne se fait plus au bâtiment. À la mi-juin, l’éleveur retire les mères des pâtures. Les veaux mâles restent dans leurs paddocks et d’autres femelles adultes, mères de femelles et génisses pleines, viennent les rejoindre. En procédant ainsi, le sevrage se passe sans soucis. Les mâles restent à l’herbe jusqu’en septembre. « Je gagne ainsi en rations, en paille, en travail et en gasoil et cela évite l’échauffement du tas de maïs. En septembre, j’ouvre le silo pour les primipares qui ont vêlé au bâtiment et pour les jeunes bovins, je n’ai donc pas de problèmes de vitesse d’avancement. » L’éleveur procède de même pour les veaux femelles en vêlages à 3 ans.

Produire pour le label rouge

Tous les ans, Jean-Yves Allain assiste à une formation pour analyser les fourrages et caler les rations hivernales selon le besoin des animaux. La ration hivernale du cheptel est ainsi composée d’un tiers d’herbe (enrubannage, ensilage) et de deux tiers d’ensilage de maïs. Celle des mâles est corrigée avec du concentré (blé et maïs grains autoconsommés, achat de tourteaux de colza). Les femelles à l’engraissement ont de l’enrubannage, du maïs grain et du tourteau de colza.

Le label rouge offre une bonne valorisation des femelles mais elles ne doivent pas être trop vieilles, d’où un troupeau plutôt jeune. Seules les très bonnes vaches partent après sept ans. L’éleveur essaye au maximum de coller au débouché tant que c’est réalisable économiquement. Son système n’est pas figé. Il a utilisé de la semence sexée lorsque les cours des jeunes bovins étaient bien inférieurs à ceux des vaches, pour produire davantage de femelles. Les jeunes bovins sont commercialisés à Coopel-bovi, à 20 mois en moyenne.

L’éleveur a acquis cette année une cage de pesées.

Un système de polyculture-élevage performant et adaptable

Chiffres clés

57 mères limousines, système naisseur-engraisseur de jeunes bovins
80 ha dont 40 de prairies temporaires, 30 de cultures (blé + colza) et 10 de maïs
2,3 UGB/ha de SFP
40 % de taux de renouvellement
1 UTH (+ un stagiaire en alternance depuis septembre 2021)
368 jours d’IVV
36 mois âge au premier vêlage

Du vêlage à 2 ans

En 2007, l’éleveur a testé le vêlage à 2 ans. Les premiers résultats des génisses vêlant à 2 ans arrivent maintenant. « Visuellement, je n’étais pas forcément convaincu. Mais au vu des résultats d’abattage de ces femelles, je vais me repencher sur la question. La plus grosse a fait 546 kg carcasse et la moyenne de l’ensemble des femelles est identique aux autres. Cette année, je prévois de faire vêler un tiers des génisses à 2 ans. Dans cette optique, je cherche davantage à corriger le lait. »

Avis d’expert - Thierry Offredo, chargé d’études et de conseils viande bovine à la chambre d’agriculture de Bretagne

Thierry Offredo, chargé d’études et de conseil viande bovine à la chambre d’agriculture de Bretagne

« Un système très cohérent »

« Le troupeau est d’un bon niveau génétique avec des vaches performantes. La maîtrise de la reproduction et de la conduite permet d’obtenir des performances intéressantes. Les poids de carcasse ont beaucoup évolué. En 2010, les vaches atteignaient les 420 kg, aujourd’hui la moyenne est à 460-470 kg. Les performances sont au rendez-vous, tout en maîtrisant les charges. Celles de mécanisation sont raisonnées. Pendant longtemps, Jean-Yves Allain n’a eu qu’un tracteur. Il est en perpétuelle recherche de nouvelles techniques sans perdre de vue l’économique et le travail. Ces deux points sont à la base des réflexions de conduite. L’éleveur a fait le choix de garder un troupeau de dimension maîtrisable. Il a su évoluer pour gagner en efficacité, en prenant de bonnes décisions au bon moment. Il sait s’adapter. Il ne se bloque pas dans ses choix. »

Se situer vis-à-vis de l’empreinte carbone

En 2016, Jean-Yves Allain a intégré le projet Beef Carbon pour savoir où il se situait et quelles pistes d’amélioration il pouvait mettre en place. L’empreinte carbone (16,7 kg éq CO2/kgvv) était supérieure à la moyenne de référence pour un système naisseur-engraisseur de jeunes bovins.
« L’absence de prairies permanentes, les rotations des cultures et des linéaires de haies moyens ne permettent pas de compenser les émissions, par du stockage », souligne Thierry Offredo, chargé d’études et de conseils viande bovine à la chambre d’agriculture de Bretagne. Trois grandes pistes d’amélioration sont ressorties de ce bilan. À savoir, le vêlage à 2 ans, l’amélioration de la fertilisation grâce à l’implantation de légumineuses dans les pâtures et l’implantation de haies.

« À mon installation, j’avais implanté beaucoup de trèfles et le rumex s’est fortement développé. Pour gérer sa prolification, j’ai privilégié les graminées. Outre l’intérêt fertilisation, le semis de légumineuses dans mes prairies aura l’avantage de favoriser l’autonomie protéique de l’exploitation. »

Davantage de haies

Des haies ont été réimplantées. L’éleveur a réappris le travail du bois « C’est plaisant et intéressant d’autant plus qu’auparavant les chutes d’entretien étaient brûlées. Maintenant, le bois est vendu à la Sica bocagénèse qui revend aux collectivités (Ehpad et salles des fêtes). Par exemple, l’année dernière, mon bois a servi à chauffer l’hôpital de Lannion », apprécie Jean-Yves Allain.

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