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Éleveurs de Saveurs Iséroires vend 200 bêtes par an

L’accent est mis sur la relation directe avec les éleveurs du département, le bien-être animal et la qualité de la viande. L’association organise depuis trois ans la vente de bêtes en boucherie traditionnelle, surtout en grandes surfaces, et maintenant aussi au département de l'Isère.

Yannick Bourdat, éleveur de Limousines à Marcilloles, et Clément Guillaud sont coprésidents de l’association Éleveurs de Saveurs Iséroises. Depuis trois ans, l’association s’affranchit des circuits traditionnels de commercialisation. Elle gère l’abattage, la découpe et la commercialisation de bêtes issues d’une trentaine d’élevages allaitants du département. À l’initiative de l’aventure, il y a quatre bouchers isérois qui souhaitaient travailler en direct avec des éleveurs. La chambre d’agriculture de l’Isère a alors sollicité les deux syndicats de race du département – Limousine et Charolaise. Une réunion a permis de constituer un groupe d’une vingtaine d’éleveurs intéressés.

« Nous avons commencé à travailler avec ces bouchers. Une association Loi 1901 a été créée : Éleveurs de Saveurs Iséroises. Quatorze bêtes ont été vendues la première année, raconte Yannick Bourdat. Mais au bout d’un an, il a été convenu de continuer à travailler ensemble seulement de façon occasionnelle. Ces bouchers recherchent des animaux de très haute conformation, U + ou E, ce dont les éleveurs du groupe ne disposent que ponctuellement. Nous ne pouvons pas fournir ce type d’animaux à l’année de façon régulière. » Les éleveurs de l’association ne voulant pas en rester là, ont donc revu leur positionnement, et cherché un débouché correspondant mieux à leurs vaches de réforme. L’occasion s’est présentée grâce au MIN de Grenoble, qui a mis en relation Yannick Bourdat avec le directeur du Super U de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs. « L’entente sur les animaux et sur les prix a été rapide et efficace. Nous avons proposé des génisses et des primipares limousines et charolaises. » Un essai sur un mois a été organisé, à raison d’une bête livrée par semaine, et s’est révélé concluant. « On nous a alors proposé un challenge : approvisionner à l’année 100 % du rayon traditionnel. Depuis presque trois ans, les éleveurs tiennent le cap et fournissent deux bêtes chaque semaine à ce magasin. » L’association a trouvé aussi un débouché pour des jeunes bovins de 18 à 24 mois. Un Intermarché du département leur en achète un chaque semaine.

Les éleveurs du groupe ont pour la plupart la quarantaine. Ils sont naisseurs et souvent sélectionneurs. Ces exploitations associent presque toutes des troupeaux de 20 à 50 mères à d’autres productions comme les arbres fruitiers et les céréales, et la main-d’œuvre se résume en général à une seule personne. Ils sont prêts à s’investir dans la valorisation commerciale des animaux, et ne sont pas du genre à attendre pour cela que les cours des vaches remontent. Une partie des éleveurs du groupe fait un peu de vente directe, mais la plupart ne souhaitent pas développer ce créneau à cause de la charge de travail.

Positionnement du produit validé

Dès le départ, un positionnement du produit a été validé. « Il s’agit d’animaux nés, élevés et abattus en Isère. Nous affichons notre volonté de toujours travailler avec l’abattoir du département à Grenoble, un petit outil de 3 000 tonnes par an, même si les coûts peuvent être de l’ordre du double de ceux de grands outils industriels privés pour l’abattage, explique Yannick Bourdat. Le bien-être animal et la qualité de la viande sont mis en avant dans la relation commerciale qui est directe, d’éleveurs à détaillants. » Pour le volet élevage, aucun ensilage n’est utilisé en engraissement, et l’enrubannage n’est accepté qu’au-delà d’un taux d’humidité de ? %. L’alimentation ne comprend pas d’OGM ni d’urée. L’engraissement dure au minimum 120 jours. « La ration sèche est déjà adoptée par beaucoup d’entre nous. Avec l’expérience acquise, pour obtenir une meilleure régularité de la qualité de la viande, on envisage même d’adopter une même ration sèche pour tous les éleveurs du groupe. Comme nous sommes installés à des altitudes très différentes, la nature et la gestion de l’herbe varient beaucoup d’un élevage à l’autre. »

Depuis cette année, l’association a remporté l’appel d’offres des cuisines mutualisées du département de l’Isère, qui servent 5 000 repas par jour, essentiellement dans des collèges. « Ce client recherchait plutôt des avants. Nous n’avons pas trouvé où vendre nos arrières, et il n’est pas question de se lancer dans du catégoriel. Nous leur avons alors proposé une vache entière en haché », raconte Yannick Bourdat. Ce qui a fait ouvrir de grands yeux à pas mal d’opérateurs de la filière ! Mais qui trouve toute sa logique ici, entre réponse aux besoins des cuisiniers et rentabilité pour les éleveurs de l’association. « Le haché est devenu la demande cible maintenant. Il est possible d’en faire aussi un produit à bonne valorisation. Nous avons convaincu le responsable des cuisines de faire un essai, et après cela il n’a plus jamais parlé de prix. » En effet, entre 10 % de perte en eau de moins qu’avec une viande surgelée, moins de matières grasses à ajouter dans la recette, et surtout aucun déchet — car les lasagnes ont été très appréciées par les jeunes convives — le compte a été fait. L’association fournit maintenant chaque semaine hors période de vacances scolaires une bête entière pour ce marché.

L’association a bénéficié dès son démarrage du soutien de responsables professionnels et d’élus locaux. Il n’y avait pas d’autre association d’éleveurs dans le département, et les éleveurs échangent régulièrement avec la coopérative de la zone, dans le but de ne pas « marcher sur leurs plates-bandes ». « Le début était un peu incertain, on ne savait pas trop si on allait trouver l’équilibre. Mais maintenant, les éleveurs ont confiance dans le fonctionnement, et sont plus enclins à faire des efforts », explique Yannick Bourdat. Au départ, une cotation fixe pour chaque race, Limousine et Charolaise, avait été adoptée. « Malheureusement, nous avons été obligés de nous appuyer sur les cotations FranceAgriMer. Car quand les cours descendent, les clients essaient de rediscuter les prix, et quand les cours montent, ce sont les éleveurs qui sont tentés de ne plus faire d’effort pour fournir à l’association. » L’association apporte une plus-value par rapport aux cotations de 40 à 50 centimes d’euro par kilo de carcasse.

S’adapter à la façon de travailler de chaque client

La démarche tire son épingle du jeu sur le plan commercial car la relation directe avec les éleveurs est vraiment un avantage. Elle est très humaine et très directe. « Nous nous démarquons par rapport aux commerciaux qui défilent dans les magasins. Il n’y a pas de négociation en soi. Nous mettons tout de suite au clair avec les clients qu’on ne descendra pas en dessous de nos coûts de revient, avec rémunération de notre travail et couverture de nos frais de fonctionnement. Soit ça passe, soit on continue nos recherches. » Éleveurs de Saveurs Iséroises a par contre appris que c’est à elle de s’adapter à la façon de travailler de chaque client. « Par exemple, si le magasin reçoit du PAD tel jour de la semaine, on livrera du PAD ce jour-là. Sinon, les salariés font des efforts pendant un temps et puis au bout d’un moment, on s’aperçoit que des difficultés apparaissent. »

L’association fonctionne sainement et dégage des résultats. Vingt pour cent des éleveurs arrivent à vendre jusqu’à 30 bêtes par an à l’association. La grande majorité des apporteurs y placent entre 8 et 20 bêtes par an, et les autres seulement quelques-unes à l’occasion. Le but est que le plus d’éleveurs possible bénéficient de cette filière. « En ce moment on a un peu trop de bêtes, il faut qu’on trouve un débouché de plus », remarque Yannick Bourdat. Longtemps, trois personnes du bureau de l’association ont assuré le travail de l’association. Des plannings à six mois puis à trois mois sur tenus sur un tableur, une réunion avec tous les éleveurs est réalisée tous les trois mois. Une animatrice est employée et gère l'administration des ventes. Les éleveurs conservent la partie commerciale. Chaque éleveur s’occupe lui-même de la livraison de sa bête à l’abattoir, et des prestataires assurent la transformation et toute la logistique. Un atelier « communication avec les consommateurs » est obligatoire, et tous les éleveurs sont mis à contribution à tour de rôle pour des animations en magasin. « C’est la meilleure communication. Les éleveurs sont toujours très appréciés. » Il a été proposé à l’association de travailler d’autres produits que la viande bovine, mais l’offre a été déclinée. C’est quand même déjà beaucoup de travail pour le bureau de l’association.

Chiffres clé

En 2018 

200 bêtes abattues

13 clients : GMS, boucheries, cuisines du département et quelques restaurateurs

environ 30 élevages apporteurs

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