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Des techniciens plus difficiles à recruter

Le métier de technicien en charge du conseil en élevage serait en manque de vocations. Il semble plus difficile d’attirer les jeunes vers le métier.

Le métier de technicien offre une certaine souplesse dans la gestion de l’emploi du temps. © F. d'Alteroche
Le métier de technicien offre une certaine souplesse dans la gestion de l’emploi du temps.
© F. d'Alteroche

Pas forcément facile de recruter des techniciens souhaitant travailler dans le secteur de l’élevage allaitant et plus particulièrement quand il s’agit de faire du conseil technique en élevage. Certes il y a toujours des jeunes motivés et compétents, et heureusement ! Ils tendent cependant à être moins nombreux ou tout du moins plus difficiles à trouver. Cela se ressent sur le nombre de postulants lorsque les Organismes bovins croissance (OBC) cherchent à recruter. « Voici quelques années, quand on publiait une annonce pour embaucher un technicien, on recevait autour de 30 candidatures dont une demi-douzaine correspondant à des personnes ayant le profil souhaité. Pour la dernière publiée, nous avons reçu seulement 4 CV », se désole Gilles Gapihan responsable de l’animation de l’équipe bovins croissance dans le Puy-de-Dôme. Dans l’Ouest, la tendance est similaire, mais Vincent Poupin, directeur de Bovins croissance Sèvre-Vendée conseils fait un distinguo selon la date de parution de la petite annonce. « La bonne période, c’est juin-juillet quand l’année scolaire se termine. Après, c’est forcément moins bon. » Les directeurs d’OBC cherchent logiquement à « activer » leur réseau en particulier auprès des établissements d’enseignement agricole pour inciter les jeunes possédant le bon profil à postuler. « Si je me contentais des petites annonces, j’aurais moins de candidatures », précise Vincent Poupin.

À la recherche du profil idéal

Côté cursus, l’occasion fait forcément le larron, mais le profil recherché est souvent celui du BTS PA ou ACSE (Analyse et conduite de systèmes d’exploitation), idéalement suivi d’une formation licence métiers du conseil en élevage bovins viande. Celle de Bernussou, à Villefranche-de-Rouergue, dans l’Aveyron est prisée. « Depuis 2012, on a chaque année un jeune en contrat d’apprentissage avec Bernussou. Cela se termine souvent par une embauche", souligne Vincent Poupin. Une vision partagée par Elsa Pic, son homologue pour le Cantal, en charge de l’encadrement des huit techniciens exerçant dans ce département et elle-même titulaire de la formation de Bernussou, laquelle ne concerne qu’une petite vingtaine de techniciens par an.

« On recherche forcément tous le profil idéal : à savoir des techniciens suffisamment animaliers, sachant manipuler les animaux et dotés d’un bon œil pour les apprécier de visu. Prédispositions qui doivent être associées à de solides compétences techniques sur les volets alimentation, reproduction, santé, calcul de marges brutes… souligne Elsa Pic. Le Cantal est un département très 'élevage' avec encore beaucoup de passionnés, mais il n’est pas facile de trouver les bonnes personnes pour autant. »

Filles et fils d’éleveurs sont appréciés, mais ce profil n’est pas forcément idéal. « Je cherche des personnes en capacité d’apprendre et de communiquer. Ils doivent d’abord être suffisamment pédagogues pour faire passer un message technique », souligne Vincent Poupin. Dans la plupart des OBC, les embauches concernent des débutants. Les salaires proposés ne sont de toute façon pas en mesure de débaucher un technicien expérimenté, déjà salarié d’une autre structure.

Les jeunes fraîchement embauchés bénéficient forcément de compléments de formation dès leur arrivée, mais doivent être rapidement opérationnels. « On a encore des adhérents compréhensifs face à des jeunes récemment embauchés. Mais ils sont de moins en moins nombreux ! », précise Vincent Poupin. Le contexte économique tendu fait que la prestation doit être à la hauteur. « Il y a une quinzaine d’années un jeune technicien avait pratiquement un an pour faire ses preuves. Désormais c’est entre trois et six mois. »

Le métier se féminise

Autre fait marquant de ces dernières années : la proportion accrue de femmes dans la profession. « Dans le Cantal pour suivre 360 élevages en VA4 et 80 en VA0 il y a quatre techniciennes et quatre techniciens », souligne Elsa Pic. Et de préciser qu’en plus de l’encadrement de ses collègues et des journées d’animation, elles réalisent elles aussi un peu de suivi en élevages. Dans le Puy-de-Dôme, la parité est loin d’être de mise pour les techniciens actuellement en poste. Mais les femmes tendent à être plus nombreuses à postuler. « Je ne vois aucun problème à cela ! C’est la compétence qui doit primer », estime Gilles Gapihan. Les techniciennes tendraient à être plus appliquées et rigoureuses, entre autres pour consigner par écrit les conseils préalablement formulés par oral aux éleveurs.
Côté origine géographique des futurs techniciens, la proximité est analysée comme un point positif. « On embauche plutôt des candidat (e) s natifs de notre zone d’activité ou des départements voisins », précise Vincent Poupin. connaître le contexte agricole du secteur où ils vont travailler est forcément un atout. « Des personnes venues de l’extérieur peuvent apporter un regard neuf, mais cherchent souvent à repartir dans leur région d’origine à la première occasion. »

Classique départ pour un projet d’installation

Même s’ils tendent à être moins nombreux dans ce cas de figure, certains techniciens restent de longues années à occuper les mêmes fonctions. « Le métier offre une certaine souplesse dans la gestion de l’emploi du temps dans la mesure où le travail est réalisé en bonne et due forme. Chez nous, chaque technicien a son secteur géographique et ses adhérents à suivre. À lui de s’organiser. En accord avec les éleveurs, s’il fait très chaud il peut par exemple démarrer à 6 heures et arrêter un peu plus tôt, précise Vincent Poupin. Il y a une vraie possibilité d’organiser son temps de travail que l’on ne retrouve pas dans d’autres métiers. De la même façon, ils savent que les éleveurs veulent peser avant les mises à l’herbe. À eux d’organiser leurs congés pour les prendre à une autre période. » Ces techniciens apprécient le bon relationnel qui s’instaure avec bien des éleveurs. Certes les niveaux de rémunération des métiers du contrôle de performances sont souvent plus modestes, mais comparativement aux entreprises d’agrofourniture, ils ne sont pas étroitement liés aux tonnages vendus et au respect d’objectifs parfois difficiles à atteindre. Avec les nouveaux embauchés, la tendance est quand même d’avoir un turn-over plus rapide qu’avec leurs aînés. « Ils nous quittent souvent quand ils arrivent à la trentaine avec très classiquement un projet d’installation », souligne Gilles Gapihan. Dans le Cantal, comme dans d’autres départements, la plupart des éleveurs ex-techniciens conservent des liens forts avec l’organisme qui les a employé. On les retrouve souvent au conseil d’administration de ces structures.

Vingt-cinq embauches par an

D’après les données de France Conseil élevage, il y a actuellement 250 techniciens bovins croissance qui tournent dans les élevages dont une cinquantaine se sont spécialisés sur des volets clés de la conduite d’élevage : reproduction, alimentation, suivi PAC…. Le souhait est d’ailleurs parfois de recruter de jeunes ingénieurs en vue de les spécialiser et apporter sur ces volets un suivi pointu. Que cela fasse suite à des départs en retraite ou dans le but d’opter pour un autre emploi, le turn-over dans la profession est d’environ 10 % avec par conséquent la nécessité d’embaucher environ 25 nouveaux technicien (ne) s chaque année. « Pour les six mois à venir, dix embauches sont d’ores et déjà planifiées », précise Christophe Lecomte, directeur adjoint de France Conseil élevage.

À savoir

à l’occasion du prochain Sommet de l’élevage, France Conseil élevage souhaite inciter des jeunes à venir discuter sur son stand (hall 3, allée 4, stand 25) de façon à leur faire découvrir le métier de conseiller spécialisé bovins viande et qui sait, attirer de nouveaux talents dans ses rangs.

François Martin, conseiller spécialisé bovins viande dans le Cantal

« Je me régale ! »

« Il y a un peu plus de vingt ans que je suis technicien sur la moitié Ouest du Cantal avec une dominante d’élevages Salers et Limousin. Et je me régale ! La plupart des éleveurs que j’ai en suivi font eux-mêmes les pesées. Ce qui m’intéresse le plus, c’est le volet conseil et les échanges avec eux. J’apprécie aussi le pointage. C’est un moment privilégié pour trier les animaux et faire le point avec leurs propriétaires. Technicien bovins croissance demande des compétences multiples : génétique, alimentation, santé animale, pointage… Le fait de recaler certaines rations devient un volet déterminant dans le contexte de sécheresses récurrentes.
Dans notre métier, il faut un bon relationnel. Les éleveurs sont globalement de mieux en mieux formés. Pointus dans la conduite de leurs cheptels, ils tendent à être plus exigeants. D’ailleurs, certains s’installent après avoir eux-mêmes travaillé dans l’élevage : inséminateurs, technico-commercial dans l’agrofourniture, technicien bovins croissance !
On trouve encore évidemment de jeunes techniciens passionnés, compétents et pleins de bonne volonté, mais ils ne sont pas faciles à trouver ! J’ai eu l’occasion de faire passer de simili entretiens d’embauche pour des BTS ACSE en fin de seconde année. J’ai parfois été désagréablement surpris par un niveau insuffisant dans certaines matières comme le rationnement. Qui est responsable ? Est-ce ces jeunes, peut-être mal orientés et qui manquent de motivation et d’application pour leurs études ? Ou bien est-ce l’enseignement qui n’a su faire évoluer ses méthodes ? Je m’interroge. »

Léa Lapostolle, responsable technique Alsoni Conseil élevage

« J’aime le côté diversifié de mon métier »

« Ingénieur VétAgro Sup à Clermont-Ferrand, je suis salariée d’Alsoni Conseil élevage depuis cinq ans. Dans mon métier, c’est d’abord le « terrain » qui m’a amené à ce poste. En Saône-et-Loire, nous avons différents profils d’élevages et une grande diversité de systèmes fourragers. Nous avons surtout différents profils d’éleveurs : depuis les très « animaliers » connaissant la généalogie de leurs animaux sur plusieurs générations et travaillant encore beaucoup avec leur carnet jusqu’aux élevages de dimension importante où la gestion du troupeau est raisonnée au lot et non à l’individu. Composer avec cette diversité est passionnant.
Suite à la constitution d’Alsoni Conseil élevage, issu de la fusion en 2017 des trois OBC de l’Allier, de la Nièvre et de la Saône-et-Loire, je suis devenue responsable technique de cette structure. Je coanime également le comité de filière bovins viande de France Conseil élevage. Malgré ces nouvelles responsabilités, je suis une petite trentaine d’élevages sur le terrain. Et j’y tiens ! J’aime ce contact avec les animaux. J’aime aussi ce côté très diversifié de mon métier. Un jour, les pieds dans les bottes pour pointer un lot et faire mes suggestions à un éleveur pour trier ses génisses selon les priorités qu’il entend donner à son troupeau. Le lendemain, en groupe de travail à Paris dans un contexte totalement différent. Le fait d’avoir eu les pieds dans les bottes la veille et de s’apprêter à les rechausser le lendemain permet de ne surtout pas oublier les préoccupations du terrain. Ça c’est important.
Côté embauches, on ne peut pas occulter le fait qu’il soit devenu plus difficile d’attirer dans nos rangs de jeunes techniciens. On cherche des gens motivés, qui ont envie d’apprendre. Et même si on va prendre le temps de les former, on demande à nos jeunes recrues de multiples compétences, associées à la nécessité d’être de bons animaliers. Il faut aussi impérativement un bon relationnel avec les éleveurs. Cela signifie être à l’aise avec eux tout en étant à leur écoute afin de répondre au mieux à leurs attentes. »

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