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Le veau rosé bio comme alternative au broutard

Le veau rosé bio s’est développé depuis une dizaine d’années dans le Sud-Ouest. Pour le Gaec des Gariottes en Corrèze, cette filière offre un débouché intéressant. Elle élargit les débouchés du Gaec qui produit également broutards, vaches grasses, reproducteurs et commercialise une partie de ses animaux en vente directe.

À l’aube du déconfinement, Christophe Seringe, technicien élevage à la SCA Le Pré Vert et David Durand, éleveur de Limousines du Gaec des Gariottes à Chauffour-sur-Veill en Corrèze étaient présents aux premières lueurs pour expliquer la filière veau rosé bio. « La France a toujours mangé du veau ! », s’exclame d’entrée de jeu Christophe Seringe. « Le consommateur demande une viande plutôt blanche. Mais, au goût le veau rosé est plébiscité. Il tolère mieux les écarts de cuisson et sa viande est moins sèche. » La filière du veau rosé bio s’est développée à partir 2011-2012, « au moment où nous avons racheté cette exploitation », continue David Durand, qui évoque en parallèle l’histoire du Gaec. Créé en 2009, le Gaec des Gariottes regroupe quatre exploitations pour quatre associés. Entre noix, viande bovine et poulets, les productions sont diversifiées. L’atelier bovin représente plus de 50 % du chiffre d’affaires global (1 015 €/UGB de marge brute). La vente directe s’est imposée comme une évidence. « Le Gaec est 100 % bio depuis sa création », souligne David. Le veau rosé est arrivé par le biais de l’ancien exploitant. Il en produisait déjà, en lien avec la coopérative Le Pré Vert. David a repris le flambeau et a développé la production. « Produire du broutard bio n’a pas beaucoup de sens car il n’y a pas de marché, explique Christophe Seringe. Il nous fallait développer une autre filière. Le veau rosé bio permet de valoriser aussi bien les mâles que les femelles. »

Un veau sous contrat

Selon le cahier des charges, ces animaux sont âgés de moins de 8 mois lors de leur abattage pour un poids carcasse compris entre 150 et 200 kg C. Pas d’exception possible ! Sinon la coopérative ne prend pas les animaux. « Le sevrage se fait lors du départ à l’abattoir pour diminuer le stress au maximum et respecter le bien-être animal », affirme Christophe Seringe. Durant les trois derniers mois, le veau est engraissé en bâtiment. Le lait de sa mère est alors complété avec du foin et du méteil bio produit sur l’exploitation, un correcteur azoté et du sel. « Ce sont des veaux qui ont passé une partie de leur vie dehors, sauf en cas de vêlage d’automne évidemment », continue Christophe. David organise deux périodes de vêlage : la première du 1er mars au 15 avril et la seconde du 15 septembre au 15 novembre. L’objectif serait d’étaler les vêlages au maximum mais « faire vêler en plein été, par 40 °C, c’est plus compliqué ! », souligne David Durand. Le veau rosé bio part en boucherie traditionnelle bio (150 à 180 kg), en restauration collective (180 à 200 kg) et dans certaines chaînes de magasins spécialisées comme Biocoop. En été, la demande est moins forte du fait des vacances. « Nous planifions les sorties tous les trois mois pour gérer au mieux les approvisionnements. Les éleveurs s’engagent à nous fournir. Nous sommes en capacité de gérer un veau de plus ou de moins le jour J si nous avons été prévenus suffisamment à l’avance », souligne Christophe.

De la sélection pour gagner en rentabilité

Près de la moitié du cheptel est inscrit au herd-book limousin. « Je sélectionne sur les facilités de naissance, la production de lait, la viande et je fais très attention à la finesse d’os. Dans tous les cas, la Limousine reste une race à viande précoce », relève David. Il n’a pas de tante. Et David de poursuivre : « les kilos pris par le lait de la mère sont les kilos les moins chers ! ». Le gain moyen quotidien (GMQ) tourne autour de 1500 à 1700 g/jour pour les mâles et de 1200 à 1300 g/jour pour les femelles au cours des dernières semaines de finition. En moyenne, il vend ses veaux à 185 kg C. Ils reconnaissent tous les deux que « la période d’élevage est tellement courte que lorsqu’il y a un raté cela se paye. Un veau qui a manqué de lait, c’est une carcasse plus rouge ! ». En fonction des caractéristiques des veaux, David a d’autres débouchés que la filière veau rosé : une dizaine sont vendus nourrissons, une dizaine comme broutards et 5 à 7 par an comme reproducteurs. Le taux de mortalité oscille entre 7 et 8 %. Côté temps de travail, David ne voit pas beaucoup de différence par rapport à des broutards. Dans tous les cas, en hiver, les animaux sont en bâtiments. Durant la période de pâturage et pendant l’engraissement, il faut compter une heure de travail par jour environ… et prévoir des coûts supplémentaires par rapport aux broutards, qui eux auraient été à l’herbe (paille et alimentation).

Trois mois d’engraissement en bâtiment

Les veaux ont une case à eux dans laquelle ils peuvent se reposer et manger. « Pour faire du gras, ils doivent avoir un endroit où ils se sentent bien et où ils ont envie d’aller. Je les parque le temps de pailler. Cela permet aussi de développer leur docilité », souligne David. Les vaches qui allaitent les veaux rosés en finition ont également plus d’espace durant la belle saison puisqu’elles ne sont que 7 ou 8 par place au lieu de 14, une situation qu’elles apprécient notamment en période de forte chaleur. Quand la période de naissance des veaux femelles conduit à les mettre en marché en été, période peu favorable sur le plan commercial, Christophe incite les éleveurs à les conserver pour le renouvellement. Au Gaec des Gariottes, la moyenne d’âge des vaches varie entre 6 et 7 ans. Le taux de renouvellement est de 22 %, avec des premiers vêlages vers 30 mois. À l’avenir, David prévoit de travailler sur la croissance de ses veaux pour qu’ils soient finis plus tôt afin de gagner en alimentation et en paille. Et Christophe de conclure : « il n’y a plus de place pour le hasard et la cueillette en élevage allaitant ».

Chiffres clés

4 associés (David Durand, Éric Boutang, Alexandre Tronche, et Vincent Laroche), 1 salarié (1/4 temps) et 1 ETP de salariés saisonniers
4 productions : viande bovine avec 120 vêlages/an, noix, poulets, vin
255 ha dont 42 de noyers, 7 de parcours pour les poulets, 22 de méteil, 22 de luzerne, 30 de prairies temporaires multiespèces et 132 de prairies permanentes

La vente directe, un débouché clé du Gaec

Dans le bassin de Brive, en pleine zone touristique, se priver de la vente directe aurait été une erreur. Elle permet d’écouler les noix, le produit de leur transformation, des poulets et de la viande bovine. « Nous attirons des clients qui veulent consommer bio mais pas seulement, explique David Durand, l’un des quatre associés du Gaec. Certains viennent pour consommer local. Ils font jusqu’à 30 km pour venir chez nous ». La concurrence est bien présente pour la viande bovine. Difficile de faire monter trop haut les prix. Même s’il est bio, le colis de veau est proposé à 15 €/kg avec de la saucisse de veau, de la blanquette, du rôti… En bœuf, le prix descend à 12,50 €/kg avec une part de steak haché. Sur un an, 5 à 6 veaux rosés et 4 à 5 vaches sont écoulés de la sorte. Le Gaec passe par un atelier de découpe, indépendant, notamment pour la saucisse de veau qui a ses adeptes en toute saison. La vente directe représente 12 % du chiffre d’affaires de l’atelier bovin (lié à la vente de bovin).

Avis d’expert - Coralie Siriex, conseillère spécialisée à la chambre d’agriculture de Corrèze

« Un intermédiaire entre veau de lait et broutard »

« Le veau rosé bio se conduit presque comme un broutard. Il doit être abattu à 8 mois moins un jour pour répondre au cahier des charges. Ces veaux pèsent entre 160 et 200 kg carcasse. Ils sont engraissés en bâtiment durant les trois derniers mois afin de garantir la qualité de la viande. Les veaux rosés conduits en agriculture biologique sont nourris au lait maternel, avec un complément, généralement du méteil produit dans les exploitations bio, et du foin. La production de veaux rosés permet de bien valoriser les mâles pour les éleveurs engagés en bio, en commercialisant des animaux finis dans l’hexagone. Cependant, à l’avenir, la phase d’engraissement en bâtiment pourra peut-être poser question. En effet, le cahier des charges pourrait évoluer du fait de nouvelles réglementations quant au respect du bien-être animal en production biologique. »

La SCA Le Pré Vert, une croissance à deux chiffres depuis six ans

Basée à Périgueux, la coopérative Le Pré Vert ne commercialise que de la viande bio. L’entreprise s’est largement développée depuis vingt ans en diversifiant ses débouchés pour obtenir un subtil équilibre économique.

« Nos éleveurs sont 100 % bio et notre coopérative est 100 % bio ! », résume Benoît Granger, directeur de la société coopérative agricole (SCA) Le Pré Vert. Créée en 1996 à Périgueux en Dordogne, elle regroupe aujourd’hui 280 éleveurs apporteurs, environ 150 adhérents et emploie une trentaine de personnes. Près de 1 700 tonnes de viande de porcs, ovins et bovins issus des élevages du Sud-Ouest transitent par la SCA avant d’être redispatchées sur toute la France. Le chiffre d’affaires de la coopérative avoisine 10 M€. « Le Limousin est un pays de naisseurs, avec des bêtes de qualités bouchères depuis des dizaines d’années. Nous avons essayé de construire des marchés avec ce que les éleveurs savaient faire ! ». La coopérative vise les boucheries traditionnelles depuis sa création et a développé des débouchés autour de la restauration collective, des chaînes de magasins spécialisés bio et du baby food. « Cela permet de faire l’équilibre matière », souligne Benoît Granger.

Les marchés s’équilibrent entre eux

Avec le confinement, la coopérative souffre de la fermeture du marché de la restauration collective. Cette dernière permet aussi de faire tampon lors des approvisionnements par les éleveurs. « Actuellement, nous avons trop de veaux et trop peu d’agneaux sont disponibles ! », illustre Benoît Granger. La coopérative a racheté, il y a deux ans, un atelier de découpe. Elle stocke également par congélation pour lisser les approvisionnements. « Notre travail, c’est d’orienter la viande vers chaque marché. Certains bouchers veulent des animaux très gras ou très rouges. Dans cette région, il existe une telle diversité d’élevage (Limousine, Aubrac, Blonde d’Aquitaine, Salers…) que cela permet d’offrir un panel de possibilités à nos clients », explique Christophe Seringe, technicien de la coopérative. En moyenne, la coopérative commercialise 3 500 veaux par an, toutes catégories confondues (veau rosé, veau de lait).

La production bio, une obligation de moyen

Depuis vingt ans, Benoît Granger est « dans le bio ». Il affirme son point de vue sans hésitation : « le bio, c’est une obligation de moyen de production pas un objectif de commercialisation. Dire simplement à l’éleveur qu’en produisant bio, il va beaucoup mieux gagner sa vie est une gigantesque erreur ! La production bio demande beaucoup de technicité ! ». Côté fonctionnement de la coopérative, il évoque des conversions par vagues en élevage, des conversions plutôt « subies mais sans souffrance ». Il parle « de transparence », « de bienveillance » dans les contrats et les acteurs de la filière, même s’il reconnaît par la suite que c’est « un vœu pieux ». Le Pré Vert a des idées pour son développement, autour du jeune bovin par exemple, mais Benoît Granger n’en dira pas plus. En revanche il est plus bavard sur la problématique du soutien des pouvoirs publics au bio. Entre aides PAC et incitation à consommer bio en restauration collective, il prendrait volontiers !

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