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Débat : L' alimentation végétale, meilleure pour la santé et plus durable ?

Un webinaire de l’Institut for a Positive Food et de Planet Food Santé a débattu de la pertinence d’une alimentation toujours plus végétalisée, autant sur un plan santé qu'environnemental. Le paradoxe d’une assiette trop végétale, la place de l’élevage sur les territoires mais aussi bien-fondé du bio et des étiquetages Score ont été discutés. Voici un compte-rendu des échanges.

Des fruits et légumes en quantité, bon pour la santé, moins pour la planète ?
© RitaE de Pixabay

La végétalisation de l’alimentation est possible et souhaitable, dans le cadre d’une alimentation durable : telle est la conclusion du premier webinaire*, “Entre Nutrition et Environnement, jusqu’où peut-on végétaliser l’alimentation ?”, tenu le 24 juin par l’Institut for a Positive Food et Planet Food Santé autour de la transition alimentaire.

* Deux autres webinaires débattront du poids et de l’impact de l’offre végétale ainsi que des comportements et demandes des consommateurs.

Une alimentation durable qui passe par le champ et par l’assiette

Daniel Tomé, président du conseil scientifique de l’Institut for a Positive Food et professeur honoraire de Nutrition Humaine, a ouvert et conclu les débats : « La végétalisation de l’alimentation doit tenir compte des quatre piliers d’une alimentation durable définie par la FAO : nutrition-santé, culture, économie et environnement. Pour cela, il faut sortir d’une vision simpliste dans laquelle on oppose plante et animal : la durabilité de nos systèmes alimentaires nécessite la présence de l’élevage. En parallèle, une transition vers une alimentation diversifiée et sans excès, avec des quantités suffisantes et modérées de produits animaux, est souhaitable ».

Plus de fruits et légumes dans l’assiette, est-ce plus durable ?

L’alimentation durable, telle que définie par la FAO, qu’elle a précisé en 2019 avec des principes directeurs très concrets, passe par une consommation accrue de céréales complètes, et surtout de fruits oléagineux et de légumineuses, et des fruits et légumes en abondance (levier 3), et moins de produits animaux. Mais cela mène-t-il réellement à une alimentation saine et durable ? C’est la question posée par Nicole Darmon, directrice de Recherche à l’Inrae, spécialiste de la nutrition au sein de l’Unité de pluridisciplinaire Moisa, lors du débat.

En termes d’impact carbone, les aliments animaux sont plus impactant que les végétaux et en ce sens, un rééquilibrage dans l’assiette semble souhaitable. Mais une nuance est à faire entre chaque catégorie. Ainsi, selon les données Agribalyse 2020 (Ademe/Inrae), l’impact carbone de la viande de bœuf ou d’agneau est supérieur à 1 500 g de CO2 pour 100 kcal, tandis que celui des œufs tombe à 147 g. Alors que côté végétal, les fruits et légumes se situent sur un niveau supérieur de 215 g (56 g pour les légumes secs). « D’un point de vue impact carbone, il y a donc un paradoxe : les fruits et légumes, s'ils sont consommés de manière trop importante, sont impactant pour la planète mais ils sont tellement importants pour la santé… », illustre Nicole Darmon. De la même façon, produits sucrés transformés (biscuits) (76 g) et pâtes, riz, pain (33 g) sont peu impactants d’un point de vue carbone mais délétères pour la santé si trop consommés.

Calories et quantités : le paradoxe de manger sain

Nicole Darmon souligne aussi le paradoxe de la densité énergétique. Entre un régime “junk food”, fait de calories vides, et un régime méditerranéen, celui-là même considéré comme le plus sain, lequel est le plus durable ? Pour satisfaire ses 2 000 kcal journalières, le premier régime demanderait de consommer 660 g de "junk food", le deuxième 1,6 kg de produits très axés végétaux. Or les études montrent une relation linéaire très étroite entre quantités ingérées et impact carbone. Tout cela reste théorique bien sûr, et ne prend en compte que l’impact carbone. En termes de santé, il n’y a pas que les calories (attention aux calories vides) et que les protéines (importance des vitamines, minéraux, fibres, phénols…).

« Ce qui est mauvais pour la santé ne l’est pas forcément pour la santé de la planète. Mais la durabilité implique de concilier ces deux santés (et celle des animaux !). Attention donc aux limites d’un raisonnement simpliste assimilant végétal et sain et durable », avertit Nicole Darmon.

Redonner un sens et une place aux protéines animales : les leviers

Nicole Darmon appelle donc à rééquilibrer les protéines dans l’assiette, moitié végétale, moitié animale. Mais quid de l’acceptation culturelle ? Et surtout de l’accessibilité socio-économique ? « Il y a un différentiel socio-économique réel, surtout sur les fruits et légumes et les poissons qui sont sous-consommés par les populations moins favorisées et sur les produits céréaliers raffinés qui sont eux plus consommés. Un des leviers à envisager et ne pas négliger : 20 à 25 % du budget alimentaire des ménages, quel que soit leur niveau socio-économique, est alloué à l’achat de viande. En manger moins permettrait donc des arbitrages pour de la qualité et une diversification de l’alimentation ».

Santé, sols, paysage : repenser la place de l’élevage

« Une végétalisation de l’alimentation est possible et souhaitable, mais avec une approche la plus systémique possible. Repenser l’empreinte carbone de nos régimes alimentaires, mais pas sans repenser l’élevage qui doit évoluer en profondeur -comme l’a déjà fait le secteur de la vigne- et qui doit être accompagné dans cette transition », estiment Pierre-Marie Aubert, coordinateur à l’Iddri, et Jean-Louis Peyraud, membre du conseil scientifique de l’Institut for a Positive Food et chargé de mission à la direction scientifique agriculture de l'Inrae.

Les deux experts ont rappelé les bienfaits et les enjeux de l’élevage : l’élevage -en particulier les ruminants- recycle des biomasses qui ne sont pas directement consommables par l’homme, valorisent des surfaces non cultivables, maintiennent les prairies et les paysages, jouent en faveur de la biodiversité locale mais pénalisent sur la déforestation mondiale (importation de soja), et sont forts émetteurs de gaz à effets de serre (méthane). Les enjeux portent donc sur l’azote, les antibiotiques, la gestion des terres.

« Il faut redistribuer l’élevage dans les territoires en lien avec les cultures, car là où il y a peu d’élevage, l’utilisation de phytos sur les cultures est plus forte. Mais attention à l’accumulation d’azote dans les territoires spécialisés en élevage. Sur les gaz à effet de serre, on peut atténuer l’impact de l’élevage : des races et des pratiques alimentaires moins émettrices de méthane, réduire les effectifs des troupeaux, jouer avec l’agroécologie et les cultures associées avec les légumineuses, pour stocker le carbone dans le sols, limiter les effluents, produire de l’énergie… », illustre Jean-Louis Peyraud.

« Il ne reste au bio que son argument écologique »

Côté paradoxe, le webinaire a aussi mis en débat la pertinence des régimes basés sur le local et/ou sur le bio. « Local ou pas local, il faut les deux, aujourd’hui aucun département français ne peut nourrir entièrement sa population. Et les territoires spécialisés (Bretagne et porcs par exemple) ne consomment pas toutes leurs productions, souligne Jean-Louis Peyraud. Le bio c’est pareil, il faut faire attention à l’adéquation entre offre et demande, surtout quand les politiques publiques poussent à la hausse de l’offre française. D’autant plus que le bio est plus cher ; il ne faudrait pas que les consommateurs se tournent vers du bio importé moins cher pour continuer à consommer. D’autant plus que le bio n’est pas forcément plus intéressant sur le plan nutritionnel ».

Ce qu’approuve le Pr Philippe Legrand, membre du conseil scientifique de l’Institut for a Positive et directeur du laboratoire Biochimie Nutrition Humaine à l’Agrocampus-Inserm de Rennes : « Aucune étude à ce jour ne prouve l’intérêt du bio pour les macronutriments. Peut-être pour les polyphénols et vitamines mais rien n’est sûr. Au niveau toxicologique, oui le bio a moins de pesticides que le conventionnel, mais l’Efsa souligne que 97 % des aliments consommés sont loin sous le seuil de risque. Au final, il ne reste au bio que son argument écologique ».  

Pertinence de l’étiquetage par Score ?

L’Iddri (think tank qui facilite la transition vers le développement durable) travaille actuellement sur la pertinence de l’EcoScore : en quoi ces processus d’étiquetage peuvent être un levier pour réorganiser le marché et donc restructurer l’offre ?, interroge en substance Pierre-Marie Aubert. Aujourd’hui on voit les industriels en discussion avec Yuka pour savoir quelle sera leur note sur leurs produits afin de faire évoluer leur offre.

Nicole Darmon et Jean-Louis Peyraud ont appelé à revoir les méthodologies (fragilité de l’ACV, simplification du discours et donc erreur d’interprétation chez les consommateurs…) à faire rentrer la science dans les méthodes, pas que les entreprises industrielles, afin de ne pas mettre de doutes sur des systèmes de production vertueux.

Philippe Legrand propose, lui, de retirer les produits traditionnels et non transformés du NutriScore, « qui n’a de sens que pour les produits très élaborés, recombinés ».

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